
Un enfant se protégeant face à une agression. Photo d’illustration Envato
Qu’ils soient auteur ou victime, les mineurs sont de plus en plus concernés par la criminalité au Liban, dans un contexte d’effondrement socio-économique qui se poursuit depuis 2019 et alors que le Liban sort d’une guerre dévastatrice de plus de 13 mois contre Israël. Un rapport publié le 13 avril par l’Union pour la protection de l’enfance au Liban (UPEL) dévoile des chiffres alarmants : en 2024, au moins 930 cas de violence subis par des mineurs et 780 délits commis par des enfants ont été recensés. Des données qui mettent en exergue l’ampleur des vulnérabilités auxquelles les enfants sont exposés. « Nous sommes face à un manque de protection et de guidance parentale », déplore Amira Succar, présidente de l’association.
Quels sont les principaux crimes commis par des mineurs et desquels sont-ils victimes, et quelles sont les régions essentiellement concernées ? L’Orient-Le Jour fait le point.
Parmi les infractions recensées par l’UPEL, 45 % relèvent du vol, notamment de moto (60 cas), de liquidités (30), de voiture (10), de vols à domicile (15), de cables électriques (10), d’objets en fer ou cuivre (10), de bijoux (5) ou autres (120). Mme Succar explique que « le vol a toujours été le crime le plus commis (par des mineurs) au Liban en raison de l’insécurité alimentaire, le manque de sécurité et de protection ainsi que la pauvreté ». L’UPEL fait également état de 70 cas de cambriolage et 25 cas de vol qualifié, portant ainsi le total de ce type de délit à 445 cas. Un chiffre qui reste toutefois inférieur aux 508 cas recensés en 2023.

934 enfants auteurs de délit
La drogue fait également partie des délits notables (7,69 % des délits commis) recensés par le rapport de 2024. Ainsi, 10 cas de trafic et 50 autres d’usage ont été recensés. Le pourcentage de violences exercées par les mineurs s’élève, lui, à 6,41 %. Il s’agit notamment de 35 cas d’agression ou de violence physique, dont 10 cas de meurtre, et 15 crimes à caractère sexuel, dont cinq viols.
Viennent ensuite les infractions à l’ordre public (6,41 %), les violations de domicile (3,85 %), la fraude et la falsification (2,56 %), les accidents de la route et des incidents non spécifiés (1,92 %). Cent dix délits divers (14,1 %) ont également été recensés, dont cinq cas de kidnapping, 20 cas de dommages à la propriété... et cinq cas d’espionnage. Le rapport n’apporte pas plus de détails sur ces derniers cas.
Sur les 934 enfants en conflit avec la loi recensés par l’UPEL, le Mont-Liban (375 cas) et Beyrouth (200 cas) affichent les chiffres les plus élevés, en raison de « leur densité urbaine et de l’intensification des efforts de maintien de l’ordre », estime l’association. La Békaa arrive en troisième position (112 cas), suivie du Sud (90) et de Nabatiyé (20), où la pauvreté rurale est « exacerbée », selon le rapport.
608 enfants victimes de violences
Mais les enfants sont aussi victimes de violences physiques, sexuelles et psychologiques. Selon l’UPEL, 608 mineurs sont concernés par ces cas, dont 272 dans le Nord, 120 au Mont-Liban, 100 dans la Békaa, 61 dans la capitale, 40 dans le Sud et 15 à Nabatiyé. Les risques d’exposition à la violence sont « élevés dans les régions marginalisées où la protection des enfants est limitée », souligne l’association.
« Le crime le plus commis à l’égard des enfants est le harcèlement sexuel », affirme Amira Succar. Au moins 270 cas de violences sexuelles (incluant 50 viols et plus de 150 situations de harcèlement) ont été recensés. Le nombre de cas de violences sexuelles se rapproche ainsi de celui de l’année 2023, au cours de laquelle 305 cas d’abus sexuels ont été signalés.
De plus, 200 cas de violences physiques, dont certains ayant entraîné la fuite du domicile ou des blessures permanentes, ont été répertoriés, ainsi que 180 cas de violences domestiques, 70 de menaces et d’intimidation, 45 d’enlèvement, dont plusieurs pour mariage forcé ou à des fins d’exploitation, 45 cas d’abandon, 40 d’accident de la route, 20 de mariage et d’exploitation, 15 tentatives de suicide et d’automutilation attribués à des traumatismes non traités, et 45 autres crimes.

Soutien et suivi judiciaire
Quid du suivi effectué ? Une source au sein du ministère des Affaires sociales affirme que ses équipes interviennent auprès des enfants exposés au danger. « Nous fournissons aux enfants un support psycho-social et, dans certains cas, après autorisation du juge pour enfants, les mineurs sont transférés dans des institutions de protection de l’enfance », souligne cette source, sans fournir de chiffre sur le nombre d’interventions effectuées.
Le rapport de l’UPEL, lui, pointe une disproportion inquiétante entre les procédures judiciaires engagées et le suivi social effectué sur le terrain. Sur les 2 179 audiences de mineurs tenues en 2024, seules 229 ont donné lieu à un accompagnement social, soit à peine un cas sur dix. À Beyrouth, 501 audiences ont été recensées, contre seulement 25 suivis sociaux. La situation est similaire dans le Mont-Liban et la Békaa. Face à ce déséquilibre, l’UPEL appelle à un renforcement des mécanismes de prévention, à la création de structures d’accueil alternatives et à l’intégration de services de santé mentale dans le suivi des mineurs.
Le ministère des Affaires sociales n’était pas en mesure de commenter la question des audiences de mineurs et de l’accompagnement social.
La place des enfants est l'école ! Quelle misère à fendre le coeur de voir les petits travailler à Tripoli ou à quatre pattes dans la Bekaa pour le ramassage agricole. Peu importe la nationalité de leurs parents, mais leur misère est aussi la garantie du fonctionnement économique. Faut-il s'étonner des vols ou des violences quand on n'a pas les moyens de les prendre en charge et qu'on s'en sert pour l'activité économique ?
22 h 16, le 06 mai 2025