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L’ultime choix de Khamenei


L’ultime choix de Khamenei

Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, s'adressant à la foule lors de son discours annuel de Norouz, à Téhéran, le 21 mars 2025. Photo : KHAMENEI.IR / AFP.

Ils ne sont que trois. Trois à pouvoir décider si le « nouveau Moyen-Orient » va finir d’éclore par le biais d’une nouvelle escalade qui le plongerait dans une grande inconnue ou par l’intermédiaire de ce fameux « package deal » que l’on nous vend depuis des années.

Les Russes, les Chinois, les Européens et les pétromonarchies du Golfe essayeront bien sûr de peser sur le débat. Mais, in fine, c’est entre Donald Trump, Ali Khamenei et Benjamin Netanyahu que cela va se jouer.

Commençons par le troisième. Par celui qui ne sera pas autour de la table ce samedi à Oman, mais qui compte bien avoir son mot à dire, au moins autant que les deux autres.

Parmi les trois, Benjamin Netanyahu est celui dont les intentions sont les plus claires. Il rêve depuis des décennies de torpiller le régime iranien, qu’il considère comme la plus grande menace pour la sécurité d’Israël. Ce rêve a commencé à prendre forme le 8 octobre 2023, et le Premier ministre israélien ne veut pas passer à côté d’une occasion unique d’en finir avec ce régime qui n’a plus vraiment les moyens de se défendre. Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire ? Que l’objectif de Benjamin Netanyahu n’est pas nécessairement un changement de régime – qui impliquerait probablement une opération terrestre massive –, mais au minimum un démantèlement du programme nucléaire iranien, mais aussi de ses missiles et de ses milices. Un accord qui serait en deçà de cet objectif serait sans doute considéré comme insuffisant à ses yeux. S’il ne peut s’opposer frontalement à la volonté de Donald Trump de privilégier l’option diplomatique, il est évident qu’il préférerait recourir à l’usage de la force. Que fera-t-il alors si son principal allié se satisfaisait d’un accord beaucoup plus limité ?

On en vient à Donald Trump. Le chef de la première puissance mondiale est un homme imprévisible, persuadé de maîtriser l’art du deal comme personne et peu susceptible de se laisser entraîner dans une aventure militaire de grande ampleur. Il est toutefois prêt à recourir à la force pour parvenir à ses fins. Que cherche-t-il dans cette histoire, à part un prix Nobel ? Est-ce clairement défini dans son esprit ? Il est permis d’en douter. Le président américain veut un accord qui soit plus contraignant que ne pouvait l’être le JCPOA. Mais cela implique-t-il à ses yeux un démantèlement du programme nucléaire iranien, considéré comme une ligne rouge par Téhéran ? Et l’accord comportera-il un volet régional sur les missiles balistiques et les milices pro-iraniennes ? Sur le premier point, il est possible que le locataire de la Maison-Blanche se montre plus modéré que son allié israélien. Sur le second, Washington exerce déjà une forte pression sur tous les alliés de l’Iran dans la région. Mais à quel point est-il déterminé à s’impliquer pour les défaire ou pour contraindre la République islamique à les abandonner définitivement ? Lors de son premier mandat, Donald Trump était prêt à conclure un accord avec la Corée du Nord. Le fait que l’Iran, contrairement à la Corée, soit nu, et surtout qu’Israël, dont il se vante d’être le meilleur allié, soit dans la balance, va-t-il l’encourager à être plus maximaliste dans ses attentes, quitte à être contraint d’avoir recours à la force ? Les paris sont ouverts.

Malgré l’imprévisibilité du président US, ce sont bien les plans du dernier des trois qui sont aujourd’hui les plus difficiles à lire. Le régime iranien a presque tout perdu en dix-huit mois. Il ne peut compter ni sur la Chine ni sur la Russie pour lui venir en aide. Ses boucliers extérieurs, à commencer par le Hezbollah, sont criblés de balles. Son système de défense antiaérien a été réduit en miettes. Si bien que l’on a du mal aujourd’hui à voir ce qui pourrait, sur le plan militaire, dissuader le couple israélo-américain de passer à l’action. Dans ce contexte, et considérant que le régime est obsédé par sa survie, ne serait-il pas prêt à renoncer à ses ambitions nucléaires et à ses prétentions régionales afin de l’assurer ?

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Ce serait mal connaître ce régime que de répondre par l’affirmative. Ali Khamenei a vu ce qui est arrivé à Mouammar Kadhafi après qu’il a accepté de démanteler son programme nucléaire. Il a vu ce qui est arrivé à l’Union soviétique après que Gorbatchev a essayé de la réinventer. C’est un homme paranoïaque, un animal politique – contrairement à la vision que l’on a parfois de lui –, mais qui n’en reste pas moins un fondamentaliste convaincu. L’expérience des derniers mois l’encourage probablement à se montrer plus flexible pour parvenir à un accord. Mais elle doit également le convaincre que plus il cédera, plus son régime et son héritage risqueront de partir en fumée. Sur le papier, il est sans doute prêt à conclure un JCPOA+. Mais tout dépend de ce que l’on entend par JCPOA+. Peut-il renoncer entièrement à son programme nucléaire ? Ce serait surprenant. Tourner la page de plus de 40 ans d’expansionnisme régional ? Ali Khamenei peut être tenté de jouer le temps long. D’accepter de faire profil bas, le temps de se remettre et que le contexte soit plus favorable, avant de reprendre ses activités nucléaires et régionales. Mais le guide suprême a 85 ans, et sa succession est loin d’être assurée. Son fils, Mojtaba, semble être le favori. Partage-t-il les vues de son père ?

Sera-t-il accepté par le clergé, et surtout par les Pasdaran ? La transformation d’un projet qui se voulait révolutionnaire en une dynastie clérico-politique ne remet-elle pas en question l’ADN de la République islamique ? C’est parce que l’Iran traverse un moment charnière, une transition sourde et dans le même temps ontologique que ses calculs vis-à-vis des négociations avec les États-Unis demeurent assez obscurs. Car, in fine, la question qui se pose pour l’Iran est non seulement celle de l’existence du régime, mais aussi celle de son identité profonde. Toute la région, et le Liban en particulier, attend la réponse avec impatience.

Ils ne sont que trois. Trois à pouvoir décider si le « nouveau Moyen-Orient » va finir d’éclore par le biais d’une nouvelle escalade qui le plongerait dans une grande inconnue ou par l’intermédiaire de ce fameux « package deal » que l’on nous vend depuis des années.Les Russes, les Chinois, les Européens et les pétromonarchies du Golfe essayeront bien sûr de peser sur le débat. Mais, in fine, c’est entre Donald Trump, Ali Khamenei et Benjamin Netanyahu que cela va se jouer.Commençons par le troisième. Par celui qui ne sera pas autour de la table ce samedi à Oman, mais qui compte bien avoir son mot à dire, au moins autant que les deux autres.Parmi les trois, Benjamin Netanyahu est celui dont les intentions sont les plus claires. Il rêve depuis des décennies de torpiller le régime iranien, qu’il...
commentaires (1)

Cher Monsieur Samrani, L’objectif de Monsieur Trump n’est pas un prix Nobel, comme vous semblez le suggérer. La chine est perçue comme la plus grave menace pour les États-Unis. Monsieur Trump veut un désengagement rapide du Moyen-Orient et de l’Ukraine afin de rediriger toutes les ressources Américaine au Pacifique. Pour les États-Unis, le Moyen-Orient est un mal de dent, mais si la Chine envahit Taiwan en 2027, comme le prédit la CIA, les U.S.A souffriraient d’une crise cardiaque. Les objectifs de cette administration sont claires; il suffit d’écouter Monsieur Trump et son équipe.

Le Mecton

01 h 18, le 11 avril 2025

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Commentaires (1)

  • Cher Monsieur Samrani, L’objectif de Monsieur Trump n’est pas un prix Nobel, comme vous semblez le suggérer. La chine est perçue comme la plus grave menace pour les États-Unis. Monsieur Trump veut un désengagement rapide du Moyen-Orient et de l’Ukraine afin de rediriger toutes les ressources Américaine au Pacifique. Pour les États-Unis, le Moyen-Orient est un mal de dent, mais si la Chine envahit Taiwan en 2027, comme le prédit la CIA, les U.S.A souffriraient d’une crise cardiaque. Les objectifs de cette administration sont claires; il suffit d’écouter Monsieur Trump et son équipe.

    Le Mecton

    01 h 18, le 11 avril 2025

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