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Et si la paix revenait ?

Les guerres ont tant fait partie de notre quotidien, tant conditionné nos vies et orienté nos destins qu’elles ont fini par transformer notre façon de penser. On a beau dire que la guerre est l’état normal du monde, il faut la vivre et la traverser pour savoir ce qu’est cette « normalité ». Il n’existe pas de Libanais capables de concevoir, dans leur pays ou pour lui, un projet sans la crainte d’une guerre en toile de fond, sans la sournoise idée que quelque chose, n’importe quand, viendrait forcément tout détruire. Admirables, à cet égard, sont ceux qui ont choisi de construire, au fil et au cœur des conflits sanglants qui semblent notre lot éternel, des liens entre les populations adverses. Ceux qui ont créé des communautés d’entraide, des cuisines publiques, des ateliers dans le but d’autonomiser les plus vulnérables, surtout les femmes, des centres d’enseignement gratuit, ceux qui ont encadré et soutenu les familles contraintes à l’exode. Aujourd’hui, au seuil d’un possible basculement vers le meilleur, ceux-là seuls peuvent s’accrocher à leurs certitudes. Le bien engendre le bien, et cela demeure et se transmet, quoi qu’il arrive.

Sinon, après tant de décennies à vivre hors la loi, jetant sur la guerre qui a si bon dos notre indiscipline, notre mépris de l’espace public, notre manque de sens citoyen, notre dépendance aux substituts de l’État, qu’il s’agisse de partis communautaires ou de zaïms au bras long, nous avons oublié comment vivre dans un pays banal et régulier. Après avoir soutenu et renforcé – sans doute malgré nous – un système mafieux et inégalitaire, il nous faudra nous mettre à la hauteur de ce rêve qui nous a toujours semblé inaccessible, d’un Liban où l’on trouve tout ce que l’on recherche ailleurs en s’y conformant volontiers : la discipline, l’ordre, la propreté, le respect, la justice, l’équité. Des vertus propices à la prospérité de tous et qui dispensent de passe-droit et de pistons, et qui neutralisent toute velléité d’emporter des objectifs par la force ou de provoquer des guerres pour créer de nouveaux faits accomplis.

Pour l’heure, détail peut-être insignifiant pour certains, les carcasses de petits animaux sont de plus en plus nombreuses sur le bord de nos autoroutes. On mettra encore sur le dos de la guerre la folie des conducteurs, toujours plus meurtrière. Pourchassent-ils ces malheureux chiens et chats en un jeu cruel dérivé de leur rage ? Après Gaza, après les échanges de bombardements entre le Hezbollah et Israël, et l’évidente disproportion des combats, sont-ils à ce point habités par la mort qu’ils la sèment encore sous cette forme qu’ils croient anodine ? Les substances illicites, si répandues parce que la guerre, si létales pour les générations subjuguées, produit de notre société malade, sont-elles, elles aussi, responsables de ce massacre silencieux, impuni, de vies innocentes ?

Que viennent la paix et la stabilité, que le Liban prenne enfin la forme d’un projet abouti, serons-nous prêts à nous y adapter ? Quelle que soit la forme que prendra le gouvernement en gestation, quel que soit le succès de la nouvelle ère qui nous est promise, la volonté constructive qui les sous-tend nous oblige. Nous sommes descendants de bâtisseurs courageux, d’hommes et de femmes qui ont initié de profondes révolutions culturelles et intellectuelles dans notre région et au-delà. Il nous revient désormais d’ouvrir l’horizon que tant de conflits ont fini par boucher, nous décourageant d’entreprendre. Déchirons ce rideau, révélons cette opiniâtreté dont nous sommes capables, refoulons ce pessimisme qui nous paralyse. Nous avons tant à offrir, tant à réussir. Et désormais tant à perdre, mais cette vulnérabilité sera notre force.

Les guerres ont tant fait partie de notre quotidien, tant conditionné nos vies et orienté nos destins qu’elles ont fini par transformer notre façon de penser. On a beau dire que la guerre est l’état normal du monde, il faut la vivre et la traverser pour savoir ce qu’est cette « normalité ». Il n’existe pas de Libanais capables de concevoir, dans leur pays ou pour lui, un...
commentaires (1)

Très belle impression (com d'hab). Je garde un souvenir d'un prof d'arabe à l'école :" kama antoum youwalla 3aleikum". Il est donc urgent que le citoyen Libanais puisse devenir un jour celui et celle que vous souhaitez dans le texte. Je pense tout simplement qu'il faut "donner du temps au temps" car cette métamorphose ne pourra pas se faire "du jour au lendemain". Encore merci pour vos impressions

IRANI Joseph

11 h 12, le 26 janvier 2025

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Commentaires (1)

  • Très belle impression (com d'hab). Je garde un souvenir d'un prof d'arabe à l'école :" kama antoum youwalla 3aleikum". Il est donc urgent que le citoyen Libanais puisse devenir un jour celui et celle que vous souhaitez dans le texte. Je pense tout simplement qu'il faut "donner du temps au temps" car cette métamorphose ne pourra pas se faire "du jour au lendemain". Encore merci pour vos impressions

    IRANI Joseph

    11 h 12, le 26 janvier 2025

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