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Environnement - Météo

Hiver printanier au Liban : vers une inévitable pénurie d'eau cet été ?

La prochaine dépression devrait arriver mercredi soir, annonce à « L'Orient-Le Jour » Jocelyne Abou Farès, cheffe de la division prévisionniste à Météo-Liban.

Hiver printanier au Liban : vers une inévitable pénurie d'eau cet été ?

Un temps radieux – mais pas de saison – durant l'essentiel de janvier au Liban. Suzanne Baaklini/L'Orient-Le Jour

L'hiver est à peine entamé que la saison estivale s’annonce déjà difficile cette année : le temps printanier et très sec de janvier va rendre difficilement rattrapable le retard du taux de précipitations accusé cet hiver par le Liban et tout l’est de la Méditerranée. Un taux qui serait donc insuffisant pour renflouer les nappes phréatiques et les cours d’eau superficiels, augurant d'un manque d'eau presque certain cet été.

Jocelyne Abou Farès, cheffe de la division prévisionniste de Météo-Liban, explique à L’Orient-Le Jour les raisons de ce janvier particulièrement clément et partage les prévisions des prochains jours.

Quelles sont les prévisions météo de ces prochains jours et quand pourrait-on prévoir de la pluie et de la neige ?

La prochaine dépression, venant du sud-ouest de la Turquie, devrait arriver mercredi soir au Liban. Des pluies commenceront à tomber dans le Sud puis dans le reste du pays. Jeudi devrait être une journée pluvieuse et orageuse, et cela devrait durer jusqu’à vendredi, journée au cours de laquelle le temps devrait s’améliorer progressivement, avec un retour au soleil prévu pour samedi. Il pourrait y avoir une autre dépression la semaine prochaine, mais elle reste à confirmer.

Il ne faut cependant pas s’attendre à du froid intense, les températures ne vont pas baisser drastiquement : jeudi, elles varieront de 11 à 19 degrés sur le littoral, et vendredi de 10 à 18 degrés. La neige devrait tomber à 1 700 ou 1 800 mètres d’altitude jeudi, et pourrait tomber aussi bas que 1 600 mètres d’altitude vendredi.

Mais, de manière générale, la pluviométrie est largement insuffisante, et il nous sera probablement impossible de rattraper le retard en taux de précipitations cette saison même si les pluies se prolongent jusqu’en mars ou avril. La comparaison avec l’année précédente est significative : sur le littoral à Beyrouth, il est tombé depuis septembre 249,5 millimètres de pluie contre 712,5 à la même période l’an dernier, et pour une moyenne de 430 mm sur trente ans. À Tripoli, il est tombé 243,4 mm contre 676,2 l’année dernière, et dans la Békaa 148,6 mm contre 413,2 mm la saison passée.  

Pour mémoire

La baisse des précipitations cette saison entraîne un rationnement de l’eau

Pour quelles raisons constate-t-on cette météo inhabituellement clémente en janvier ?

La raison scientifique de cette absence de froid et de pluie réside dans la haute pression atmosphérique, qui se situe actuellement entre 1 020 et 1 017 hectopascals. Or, pour avoir de la pluie, il faudrait que cette pression ne soit pas supérieure à 1 015 hectopascals. Et c’est le cas dans tout l’est de la Méditerranée jusqu’en Turquie, contrairement à l’ouest du bassin qui connaît une météo différente.

On voit bien là l’influence du changement climatique, dans cette tendance aux températures trop hautes pour la saison, dans toutes les régions du pays et dans tout l’est méditerranéen en général. Le climat de la planète a déjà dépassé en 2024 le 1,5 degré (de plus qu’avant la révolution industrielle) selon certaines études.

Sur un plan plus ponctuel, le Liban est dans la zone influencée par une phase transitoire entre les deux phénomènes climatiques d’El Niño et El Niña (courants opposés du Pacifique qui influent sur la météorologie mondiale, NDLR). Or l’arrivée d’El Niña dans nos contrées signifie souvent une baisse des précipitations même dans le cas où les températures seraient revues à la baisse. On ne sait généralement pas combien de temps dure une de ces phases.  

Quelles conséquences de cette pluviométrie insuffisante sur l’apport en eau, l’enneigement et l’agriculture ?

En l’absence de pluies et de chutes de neige suffisantes, les nappes phréatiques du Liban, sur lesquelles nous dépendons principalement en période d’étiage, ne seront pas renflouées par la fonte des neiges. De même, les barrages existants ne pourront se remplir puisqu’ils en dépendent aussi. Nous risquons donc de manquer d’eau cet été, d’autant plus qu’à ces causes naturelles vient s’ajouter une gouvernance assez chaotique du secteur. Il faudrait donc que les ministères concernés prévoient un plan de rationalisation de l’utilisation des ressources existantes, si nous ne voulons pas en manquer. On pourrait optimiser, par exemple, le recours aux eaux superficielles (fleuves et cours d’eau) qui, aujourd’hui, se déversent principalement dans la mer.

Les conséquences seront évidemment graves pour le secteur agricole, qui a besoin d’eau pour l’irrigation et qui en consomme actuellement dans ce contexte d’absence de précipitations. De plus, en raison de ce temps printanier et des températures trop hautes pour la saison, les arbres fruitiers ont tendance à fleurir trop tôt. Le moindre gel serait dramatique pour les cultures. Il est nécessaire que les agriculteurs prennent leurs précautions pour recouvrir les cultures au besoin, en prévision d’une vague de froid plus tardive. 

L'hiver est à peine entamé que la saison estivale s’annonce déjà difficile cette année : le temps printanier et très sec de janvier va rendre difficilement rattrapable le retard du taux de précipitations accusé cet hiver par le Liban et tout l’est de la Méditerranée. Un taux qui serait donc insuffisant pour renflouer les nappes phréatiques et les cours d’eau superficiels,...
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