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Politique - Repère

Formation du gouvernement au Liban : mini-glossaire des termes à connaître

« Tiers de blocage », « quote-part », « portefeuilles souverains », « rotations des portefeuilles » ou « gouvernement de technocrates », L’Orient-Le Jour fait le tour de ces notions-clés. 

Formation du gouvernement au Liban : mini-glossaire des termes à connaître

Le Grand Sérail, à Beyrouth. Mohammad Yassine/L'OLJ

Après la désignation surprise de Nawaf Salam au poste de Premier ministre, lundi  15 janvier, tous les regards se tournent vers la formation de son gouvernement. Un moment politique qui est marqué au Liban par d’importantes tractations pour la répartition des portefeuilles, souvent sur fond de débats constitutionnels, dans lesquelles la recherche de « consensus » politico-confessionnel prime souvent sur l’efficacité de la prise de décision politique.

L’Orient-Le Jour revient sur quelques notions-clés à bien connaître pour suivre ces débats. 

Le « tiers de blocage »  

Bien que non mentionné dans la Constitution libanaise (ni dans le texte de 1926 ni dans la version amendée en 1990 par l’accord de Taëf), le « tiers de blocage » est la source de paralysies gouvernementales, le tandem chiite ayant eu fréquemment recours à cette notion pour faire barrage à toute décision jugée contraire à ses intérêts, au nom du consensus.

Ce concept découle en réalité d’une lecture particulière de la Constitution qui dispose, d’une part, que certaines « questions fondamentales requièrent l’approbation des deux tiers des membres du gouvernement » (article 65, alinéa 5) – le texte limitant ces questions fondamentales aux 14 énumérés (incluant la révision de la Constitution,  la guerre et la paix, le budget de l’État, la dissolution de la Chambre des députés, la loi électorale...) – et, d’autre part, que le gouvernement est considéré démissionnaire s’il « perd plus que le tiers du nombre de ses membres » (article 69).

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Les enjeux liés au « tiers de blocage » ont connu leur illustration la plus marquante lors de la crise politique et institutionnelle entre 2006 et 2008. En novembre 2006, les cinq ministres (sur 24) affiliés au camp du 8 Mars, exigeant sans l’obtenir le « tiers de blocage », démissionnent du gouvernement Siniora, remettant en cause sa légitimité en l’absence d’un ministre chiite.

Le coup de force du Hezbollah et d’Amal, le 7 mai 2008, a alors modifié les équilibres, entérinés par l’accord de Doha le 21 mai 2008. Ils obtiennent 11 ministres sur 30 et donc ce droit de veto stratégique au sein du gouvernement. Le recours à ce « tiers de blocage » reste pourtant contesté par la plupart des autres forces politiques et des juristes. L’ancien juge constitutionnel Antoine Messarra, notant par exemple dans une tribune publiée en 2018 par L’OLJ que « l’exigence d’une majorité qualifiée n’implique pas une légitimation juridique d’un “tiers de blocage” ».

« Quote-part »

La « quote-part » désigne la part attribuée à une communauté ou parti, notamment au sein du gouvernement. Si la part dévolue à chaque groupe n’est pas mentionnée explicitement dans les textes juridiques, permettant une fluctuation au gré des négociations politiques entre les partis et des circonstances du moment, l’article 95 de la Constitution dispose que les « communautés seront représentées équitablement dans la formation du gouvernement », tandis que la parité islamo-chrétienne est consacrée par l’accord de Taëf (1989).

On parle de la « quote-part » d’une personnalité politique ou d’un parti, ainsi que du chef de l’État. Par exemple, lors du gouvernement Mikati formé en 2021, les quotes-parts respectives du président Michel Aoun, du tandem chiite Amal-Hezbollah et de ses alliés, et des sunnites et du Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt étaient toutes de huit portefeuilles (sur 24).

Les « portefeuilles souverains »

Les portefeuilles « souverains » correspondent à quatre ministères : les ministères des Finances, de l’Intérieur, des Affaires étrangères et de la Défense. Ils sont qualifiés de « souverains » en raison de leur pouvoir décisionnel et de leur importance stratégique, expliquant ainsi les luttes politiques pour se les approprier. Les revendications autour de ces ministères, notamment celui des Finances, provoquent fréquemment des blocages dans la formation des gouvernements, l’attribution étant née d’usages et non de la loi.

Le ministère des Finances

Si le tandem chiite s’accroche à ce ministère depuis une vingtaine d’années, c’est notamment pour compenser ce qu’ils considèrent comme une inégalité structurelle dans la prise de décision au sein du pouvoir exécutif, les deux têtes de ce dernier revenant respectivement aux chrétiens et sunnites.

Si à l’époque de la tutelle syrienne sur le Liban (1990-2005), le tandem estimait disposer de suffisamment de garanties pour ne pas avoir à réclamer le ministère des Finances comme une condition sine qua non à sa participation au gouvernement, depuis la fin de cette tutelle, le contrôle de ce ministère leur assure une « quatrième signature » sur toutes les décisions sensibles. Les décrets en nécessitent en effet la signature conjointe du président de la République, du Premier ministre, ainsi que du ou des ministres directement impliqués. Étant donné que la majorité des décisions gouvernementales incluent un aspect financier, le ministère des Finances est fréquemment sollicité pour apposer sa signature. C’est ce qui permet ainsi aux chiites de disposer d’un levier de contrôle (ou de blocage) sérieux sur l’action du pouvoir exécutif.

La « rotation des portefeuilles » 

L’idée est apparue avec force en 2021 pour mettre fin à la mainmise partisane sur les ministères-clés. Entre 2005 et 2020, plus de la moitié des portefeuilles ont ainsi été occupés par un même parti pendant deux mandats consécutifs ou plus.

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La « rotation des portefeuilles » permettrait d’instaurer une alternance partisane dans la désignation des titulaires de certains portefeuilles-clés, afin de créer une rupture dans les pratiques clientélistes. Selon ses promoteurs, elle permettrait notamment d’accélérer les réformes, instamment demandées par la communauté internationale, notamment par le Fonds monétaire international dès après l’effondrement financier du Liban fin 2019.

« Gouvernement de technocrates » 

L’ancien Premier ministre Saad Hariri proposait un « gouvernement de technocrates » en 2021 pour sortir de la crise, le qualifiant de « dernière chance pour le pays », avant de se voir apposé le refus du président Michel Aoun, qui exigeait un « tiers de blocage » et des garanties partisanes.

Mais, au-delà de cette proposition temporaire, des groupes issus de la contestation demandent à instaurer durablement ce « gouvernement de technocrates », c’est-à-dire une équipe ministérielle choisie pour ses compétences, indépendante des partis traditionnels et capable de réaliser les réformes structurelles dont le Liban a besoin.

Pourtant, cette idée a bien du mal à voir le jour, en raison du refus des partis politiques traditionnels de se retirer de la gestion des affaires publiques. Ainsi, même lorsque certains gouvernements se revendiquent comme technocratiques, ses membres sont souvent liés à des partis politiques ou désignés par eux.

C’était le cas du gouvernement de Hassan Diab en 2020, présenté comme tel mais composé de ministres proches du Hezbollah et du Courant patriotique libre, même s’ils n’étaient pas des figures politiques de premier plan de ces partis.

Après la désignation surprise de Nawaf Salam au poste de Premier ministre, lundi  15 janvier, tous les regards se tournent vers la formation de son gouvernement. Un moment politique qui est marqué au Liban par d’importantes tractations pour la répartition des portefeuilles, souvent sur fond de débats constitutionnels, dans lesquelles la recherche de « consensus »...
commentaires (3)

Le pays gagnera au change

Noha Baz

18 h 46, le 16 janvier 2025

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Commentaires (3)

  • Le pays gagnera au change

    Noha Baz

    18 h 46, le 16 janvier 2025

  • Bravo Neemtallah Mais si seulement cette terminologie pouvait être modifiée et si l’on pouvait juste y glisser : qualifications Compétences , probité etc … je pense que le pus gagnerait au change …

    Noha Baz

    18 h 24, le 16 janvier 2025

  • Une raison de plus pour former un gouvernement qui n’aura aucun lien avec les vendus qui n’ont en tête que de bloquer et de paralyser le pays aussitôt que l’occasion leur sera donnée. Toutes les communautés peuvent être représentées par des libanais issus de la société civile avec un casier vierge, patriotes et compétents qui ne demandent qu’à servir leur pays. Tant pis pour les vendus et corrompus qui iront bouder dans leur coin, ce ne sera pas une perte pour notre pays mais un cadeau inespéré pour en finir avec leur caprices

    Sissi zayyat

    11 h 47, le 16 janvier 2025

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