La suspension des élections estudiantines en 2024 à cause de la guerre ne semble pas avoir freiné la motivation des jeunes à faire entendre leurs voix ou à entreprendre des activités ayant un impact sur la communauté universitaire. « Lorsqu’on croit en une cause, on doit la défendre en déployant les efforts nécessaires pour la concrétiser », estime Charbel Nicolas, 22 ans. Ce jeune étudiant en architecture est président du Club de débat à l’Université Notre-Dame de Louaïzé (NDU). Déplorant le fait que les événements survenus cette année aient empêché l’élection de nouveaux comités étudiants, il souligne : « Les élections étudiantes nous offrent l’opportunité de faire entendre nos voix. »
Hassan Mroué, 21 ans, est étudiant en agriculture à l’Université américaine de Beyrouth (AUB). Pour ce jeune également, l’activisme politique des étudiants est une nécessité. « Je dois avoir une voix, faire quelque chose pour apporter un changement. Je ne veux pas vivre ce que la génération de mes parents a vécu dans ce pays. » Déterminé à poursuivre son engagement malgré tout, il affirme que lui et le club étudiant qu’il préside, Change Starts Here, n’ont pas cessé leurs activités durant la guerre : « Nos activités quotidiennes ont été maintenues. Nous avons toujours été à la hauteur de nos diverses responsabilités, que ce soit en maintenant un contact constant avec l’administration ou en organisant des actions de volontariat pour venir en aide aux étudiants et aux personnes directement affectées par la guerre. »
À l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ), Leila Maoulaoui, 21 ans, présidente du Secular Club, considère que l’activisme politique sur les campus est une préparation à la vie politique future. Cette étudiante, qui suit une licence en droit à l’USJ et une autre en sociologie à l’Université libanaise, explique : « D’une certaine manière, je contribue à construire l’avenir. Après tout, nous allons tous entrer dans la société, et il est essentiel que nous soyons préparés. »
Thalia Kattoura, 21 ans, étudiante en économie et sciences politiques à l’AUB, et présidente du Secular Club, partage un enthousiasme similaire. Elle et son club se sont rapidement adaptés aux bouleversements dans le pays. Elle raconte : « Nous avons créé un réseau de soutien, une initiative qui aide les étudiants affectés par les ravages de la guerre. Grâce à cette initiative, nous avons pu fournir des logements pour les personnes déplacées, des aides médicales et académiques, et surtout un soutien moral. »
Les élections, un impératif incontournable
Toutefois, malgré l’implication des étudiants et leurs efforts pour atténuer la situation difficile, ils restent déterminés à organiser de nouvelles élections dès que possible. Leila Maoulaoui explique : « Je comprends bien la décision de l’administration de reporter les élections. Nous étions en guerre, il fallait évidemment se concentrer sur des priorités plus urgentes. Elle ajoute : Maintenant que la situation sur le campus redevient normale, il est nécessaire de donner aux étudiants la chance d’élire leurs représentants. » Hassan Mroué partage son avis sur l’urgence d’organiser de nouvelles élections, qui marquent une nouvelle étape dans l’année académique. Il confie : « Il est essentiel de promouvoir de nouvelles campagnes menées par de nouveaux candidats, qui dessinent le chemin de la vie étudiante après la guerre. »
Pour d’autres jeunes, l’appel à tenir des élections avait commencé bien avant le déclenchement de la guerre. Evangelo el-Feghali, 21 ans, est étudiant en ingénierie à l’UL, où les dernières élections se sont déroulées en 2016. Il confie : « L’administration nous promet des élections en janvier, et il est grand temps d’élire de nouveaux représentants. » De plus, il insiste sur l’importance d’avoir une compétition entre les clubs : « La vie politique sur le campus manque cruellement, et il n’y a pas un grand changement dans la vie étudiante. Si des élections ont lieu, les clubs qui concourent devront rivaliser pour garantir les votes. »
Il s’avère que les étudiants restent résolus à s’engager et à défendre leurs droits et intérêts, en dépit de toutes les circonstances. En effet, pour eux, l’activisme ne se limite pas aux enceintes de leurs campus respectifs ou à certains événements, mais constitue une part de leur identité. « Mon activisme n’est pas un idéalisme, mais une pratique que je vis chaque jour dans ma vie quotidienne », affirme Thalia Kattoura. Il en est de même pour Mayssaloun Tfaïly, 21 ans, étudiante en journalisme et membre du Civic Welfare Club à la LAU, qui explique que son engagement est un reflet de son imprégnation précoce dans le bénévolat et dans diverses causes sociales. « Je suis membre active de plusieurs ONG, et dès mon jeune âge, j’ai participé à des activités de volontariat dans la région où j’ai grandi. Elle ajoute : Je pratique mes croyances dans tout ce que je fais, comme mon choix de spécialisation à l’université. Quelque part, ce sont elles qui m’ont choisie, et aujourd’hui, je continue à les choisir. »
Les croyances et convictions des jeunes Libanais, bien que diverses et souvent conflictuelles, semblent néanmoins avoir convergé en période de crise. Les termes solidarité, unification et dialogue apparaissent souvent dans le discours des étudiants interviewés. Leila Maoulaoui précise, à l’instar de nombreux autres étudiants : « Il faut laisser tomber les préjugés, être soudés et être à l’écoute de tout le monde, quelles que soient leurs origines et leurs affiliations politiques ou religieuses. Et de conclure : Nous formons un seul peuple. »