Le bilan de la frappe israélienne de lundi soir sur Aïn Yaacoub, dans le Akkar, s'élève jusqu'à présent à 16 morts, selon les informations obtenues par L'Orient-Le Jour auprès de la Défense civile. Douze Libanais et quatre Syriens ont été tués dans ce bombardement, dans une zone jusque-là relativement épargnée par les raids israéliens. Les funérailles des quatre victimes syriennes ont eu lieu après les prières de midi dans le quartier de Bani Sakhr, dans la zone frontalière de Wadi Khaled, en présence d'une foule de parents et d'habitants de la région. Une quinzaine d'autres personnes ont été blessées et certaines sont dans un état critique.
Sur place, les habitants sont sous le choc. « C'est la première fois que je vois quelque chose comme ça », affirme un membre de la Défense civile. « On ne sait pas pourquoi ils ont fait ça. Ils ont détruit un bâtiment entier. C'est un massacre », dit Hicham Hussein Hachem, fils du propriétaire de la maison touchée par la frappe, qui a également endommagé au moins huit bâtiments alentours.
Des proches déplacés du Liban-Sud
« Depuis jeudi soir, des drones israéliens survolent sans interruption le village a une altitude très basse frôlant même le toit des maisons », a raconté dans la matinée Hussein, un habitant, à notre publication. Lors de la frappe d'hier soir, il dit avoir « senti un puissant courant d'air, puis entendu une énorme explosion ». De son côté, Ferial Harb, la veuve de propriétaire de la maison, raconte, à bout de souffle, qu'elle hébergeait « des membres de sa famille qui avaient fui Arabsalim (caza de Nabatiyé)».
Le premier étage de la maison abritait une famille syrienne composée d'une mère et de ses trois enfants, installée dans la région depuis plusieurs années. Ils ont tous les quatre été tués. Des familles originaires de Arabsalim, au Liban-Sud, qui avaient fui les bombardements, résidaient également dans l'immeuble. Douze d'entre eux ont péri dans la frappe. « Il y avait des corps dans les arbres... Nous avons retrouvé des bouts de corps jusqu'à la route » raconte Fatima, 32 ans, dont l'un des enfants est toujours porté disparu. « Nous avons juste retrouvé un boxer avec un bout de corps. Je ne sais pas ce que je vais faire maintenant ».
Un Syrien toujours porté disparu
Les recherches dans les décombres pour retrouver d'éventuels survivants et extraire les dépouilles mortelles des victimes ont pris fin vers 4h du matin. Des secouristes provenant de centres de la Défense civile de la région avaient été mobilisés sur les lieux aux côtés de la Croix-Rouge libanaise. Les opérations avaient commencé à mains nues et avec les moyens du bord avant l'arrivée de l'armée libanaise, qui s'est rendue sur place avec des bulldozers. Une équipe du Haut comité de secours s'est également joint aux secouristes. Mardi matin également, une unité technique de l'armée se trouvait sur les lieux afin d'analyser le site et établir un rapport final sur les dégâts. Selon une source sécuritaire sur place, un Syrien est toujours porté disparu. Pour identifier les victimes à l'aide de tests ADN, la Croix-Rouge prélève « des bouts de corps et des os dans un sac plastique Spinneys », raconte un membre de la Défense civile.
Le Akkar avait été ciblé pour la première fois il y a une dizaine de jours, avec deux frappes visant des routes de la région de Akroum, proche de la frontière syrienne. Ces bombardements avaient provoqué d'importants dégâts sur les axes routiers, mais n'avaient pas fait de victime. C'est d'ailleurs la première fois que le Dr. Georges Hourani, chef du service des urgences de l’hôpital Abdallah Rassi, doit s'occuper d'une telle situation d'urgence - pour laquelle il s'était tout de même préparé, en coordination avec le ministère - depuis le début de la guerre.
Chez les blessés, une « grande quantité de brûlures »
« Nous avons reçu beaucoup de blessures faciales, deux fractures, et une grande quantité de brûlures dues notamment à l’inhalation de gaz » explique celui qui s’est rendu sur son lieu de travail peu après la frappe. Celle-ci, qui n’a pas touché l’hôpital, a « fait trembler » le bâtiment.
À l’intérieur du service des blessés, Rania est une rescapée de la frappe. Elle se tenait à l’extérieur, à côté du bâtiment visé, avec ses proches. « On buvait un thé, je me suis éclipsée quelques minutes dans la cuisine quand soudain la frappe a eu lieu », dit-elle. Si la plupart des personnes internées sont adultes, deux cas d’enfants ont été rapportés. Sa sœur et ses deux nièces de 7 et 5 ans sont également hospitalisées ici. L’aînée est allongée sur le lit, le visage brûlé. Incapable de dire un mot, elle répond aux questions de l’infirmière avec des petits bruits. Sa mère, à côté, est bandée au niveau de la tête et de la main.
Tandis que l'aide s'organise afin d'accueillir les survivants de la frappe, certains pointent du doigt la possible responsabilité de membres du Hezbollah venus se réfugier dans la région. « La présence des déplacés nous fait peur. Ils sont Libanais comme nous, mais pourquoi venir mettre en danger lorsque vous êtes un responsable ? Ici, il y a des enfants qui sont morts », lâche Mayssa, 43 ans, en pleurs. La mère de famille, dont la fille ne « veut plus vivre ici », estime que « tous les territoires où il y a des déplacés sont désormais en danger ».
Ouf.... Rien à dire.
18 h 17, le 12 novembre 2024