« Je me sens affectée sur le plan psychologique et affectif », avoue Élissa Bacha, en deuxième année de finance à l’Université Notre-Dame de Louaïzé (NDU). La jeune femme de 18 ans, installée avec sa famille à Haret Sakhr (Jounieh), confie avoir « le cœur lourd » et voir « l’espoir se dissiper petit à petit » ainsi que sa « motivation ». Avant même qu’un drone israélien ne tue deux personnes à Sahel Alma (caza du Kesrouan) le 19 octobre, la jeune étudiante craignait que son voisinage « ne devienne, lui aussi, une cible pour l’armée de l’État hébreu ».Elle confie se sentir stressée chaque fois qu’un membre de sa famille se rendait à Beyrouth. « Je me noyais dans la peur et l’anxiété », indique-t-elle en admettant avoir souffert à cause de la suspension des cours au début de la guerre. L’étudiante a essayé d’éviter de suivre les nouvelles, mais cela ne l’a pas vraiment aidée. « Je dois travailler davantage pour contrôler mes peurs et les idées qui me rongent. Je prie, et j’espère que la situation va s’améliorer. » Ce n’est que lorsque l’université a annoncé le retour à l’enseignement en présentiel qu’Élissa a pu reprendre son souffle. « Cela a atténué ma peur », confie-t-elle. « Les retrouvailles, le sentiment d’être entourée par mes amis, m’ont permis de retrouver un goût de normalité en dépit de la situation atroce. » Quant à Clara Jabbour, 21 ans, jeune étudiante qui habite à Freiké, dans le caza du Metn, elle exprime son angoisse bien qu’elle considère ne pas être directement touchée par la guerre. « Je n’entends pas souvent le bruit des avions ni celui des explosions causés par les frappes israéliennes. » En revanche, elle ajoute : « Je viens de réaliser que la guerre m’a affectée inconsciemment.
Je fais des cauchemars chaque nuit où je rêve que ma maison ou ma région sont attaquées. » Un cocktail d’émotions envahit cette jeune étudiante qui poursuit un master en publicité et innovation à l’Université libanaise. Elle explique : « Je me sens impuissante, triste, en colère et fatiguée ; nos compatriotes font face à une situation horrible. » La jeune mastérante, qui travaille simultanément dans une agence de marketing à Mar Mikhaël, ajoute : « Mes trajets à Beyrouth sont limités, notre boulot en présentiel est suspendu, je poursuis mon travail à domicile. » Clara confie avoir pris conscience de l’impact de cette guerre lorsqu’elle s’est rendue à Beyrouth. « Nous sommes obligés d’évacuer le bureau, et de prendre des mesures préventives quand les frappes commencent. » Afin de gérer cette situation de stress, la jeune fille se concentre sur son développement personnel. Elle confie : « J’essaye de vivre normalement lorsque les choses semblent stables. Je fais du sport et je trouve refuge en Dieu. » Clara s’est aussi éloignée des réseaux sociaux, notamment Instagram. « J’ai réalisé que j’étais accro aux nouvelles déprimantes qui me laissaient épuisée et impuissante. » Elle signale sa préférence pour s’engager dans des relations positives entre proches et amis. Et de conclure : « Je m’inquiète pour l’avenir du Liban, cependant cela ne m’empêche pas de croire que nous atteindrons une fin heureuse un jour. Nous sommes un peuple fort, courageux et capable de s’adapter à tous les obstacles. »
Sarkis Azizi, qui vit à Zghorta lui aussi, se sent impuissant au milieu de cette guerre. « Je suis triste et angoissé, même si je ne suis pas directement touché », lâche le jeune homme de 21 ans. Un drone israélien a frappé le village d’Aïto il y a quelques semaines, dans le caza de Zghorta, pour la première fois depuis le début de la guerre. « Cette expansion des violences m’a vraiment agité. Nous craignons d’être ciblés, nous ne nous sentons pas en sécurité », déclare le jeune étudiant en génie mécanique à l’Université libanaise internationale (LIU). Pour surmonter cette détresse, il essaye de s’entourer de ses amis tout en prenant ses précautions. « J’évite de sortir avec mes amis dans des endroits loin de nos domiciles pour rester en sécurité. » Il poursuit : « Nos discussions sont toujours en rapport avec la guerre, c’est presque notre quotidien. » Pour combattre les sentiments négatifs et contrôler son angoisse, Sarkis est sorti des groupes d’information sur WhatsApp et évite de lire les infos en continu. Il conclut sur une note plus positive en disant : « J’aime mon pays, et je pense que c’est une phase temporaire, que cette épreuve prendra bientôt fin, et que nous retournerons à la normale et vivrons en paix. Je prévois un bel avenir, je ne quitterai pas ce pays. Je n’émigrerai pas », insiste-t-il. « Nous ne pouvons que prier et avoir confiance en Dieu », dit-il.
Éviter les informations pour se protéger
Jad Chalhoub, étudiant de 22 ans, poursuit des études en génie mécanique à la NDU. « Je réside actuellement à Antélias pour être proche de l’université et je me rends chaque week-end dans mon village natal de Deir el-Qamar, dans le Chouf », confie-t-il. Mais le trajet n’est pas sans danger. Il explique : « Je suis obligé de passer par des régions ciblées par les bombardements, ce qui me stresse. » Le jeune étudiant hésite avant de prendre la route : « Quel trajet faut-il prendre ? Quand faut-il partir ? À quelle heure ? »Après avoir entendu les frappes à Ras el-Nabeh, Jad se dit vraiment secoué. C’était la route qu’il prenait chaque semaine pour se rendre chez lui.Il confie que l’impact de la guerre s’est répercuté sur sa concentration en cours et ses résultats à l’université.
« Je vérifiais les nouvelles toutes les 10 minutes et je suivais les informations en provenance des zones touchées. » Chaque bruit qu’il entendait l’empêchait de continuer son travail. « Est-ce que je poursuivrai mes études ? Est-ce que je réaliserai mes objectifs professionnels ? Mes études sont-elles inutiles ? » se demandait-il.Jusqu’au jour où ce jeune étudiant en 5e année de génie a pris la décision de désactiver les pages d’information : « Cela m’a vraiment apporté du réconfort », souligne-t-il.D’autres moyens pour faire face au stress ? « Mes amis. » Jad confie bien communiquer avec eux et partager ses peurs : « Cela me rassurait. » La musique aussi. « Je joue de la musique et cela m’a beaucoup aidé », précise-t-il encore. Et de conclure : « Je me rappelle toujours que Dieu est là et que c’est lui seul qui procure le réconfort et la paix. »
Soyez forts et tenez bon les jeunes !
11 h 43, le 07 novembre 2024