Fatima el-Ahmad, une Libanaise de 65 ans, a passé la nuit pluvieuse de dimanche cachée derrière un mur de l’immeuble des Lazaristes, dans le centre-ville de Beyrouth, avec une dizaine d’autres de ses compagnons d’infortune. Des déplacés qui, comme elle, ont fui les bombardements israéliens qui se sont intensifiés sur la banlieue sud de Beyrouth et le Liban-Sud depuis fin septembre.
« J’avais tellement froid durant la nuit », raconte cette femme qui a trouvé refuge sur le trottoir longeant la mosquée Al-Amine, après avoir fui son domicile dans le quartier de Kafa'at, dans la banlieue sud. « On a passé un peu de temps à l’abri hier (dimanche) pour nous protéger de la pluie, puis on nous a chassés de l’immeuble. J’ai donc retrouvé le trottoir », explique Fatima, qui dort dans la rue depuis plus d'un mois et dont le visage a été brûlé par le soleil.
L’immeuble des Lazaristes, qui abrite des commerces et des bureaux, accueille de nombreux déplacés, mais Fatima n’a pas réussi à trouver une place pour elle et son mari, ni dans ce centre ni ailleurs.
Les Syriens conduits dans des camps informels ?
Samira, une Syrienne mère de trois garçons qui a fui la banlieue sud de Beyrouth, vient prendre des nouvelles de Fatima, avec qui elle s'est liée d'amitié. « Je viens la voir tous les jours », confie-t-elle.
À la rue depuis trente-cinq jours, Samira et ses enfants dorment dans une petite tente dressée sur le parking des Lazaristes. « Personne ne nous a proposé de refuge, alors que nous aussi, nous sommes des êtres humains », lance Samira qui explique que les déplacés d'origine syrienne, qui ont dû quitter la banlieue sud au même titre que les habitants libanais lorsque les bombardements se sont intensifiés, sont abandonnés à leur sort.
Samer Yaacoub, responsable de la cellule de crise du mohafazat de Beyrouth, explique à L'Orient-Le Jour que les autorités locales « se concentrent sur les déplacés libanais » et qu'il reste encore quelques familles à la rue que la municipalité compte reloger bientôt. Quant aux déplacés d'origine syrienne, le soin est laissé au Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) de trouver des solutions.
« Le HCR travaille urgemment, en coordination avec ses partenaires humanitaires et les autorités libanaises pour trouver des refuges à ceux qui en ont besoin », a déclaré l'agence onusienne à notre publication. Selon certains observateurs ayant requis l'anonymat, les Syriens déplacés par la guerre avec Israël pourraient être conduits dans des camps de réfugiés informels déjà existants en dehors de Beyrouth.
« Personne n'accepte de nous louer » de logement
Du côté de la plage de Ramlet el-Baïda, Ali, un père de famille de 55 ans, est installé sur le trottoir avec quelques membres de sa famille et des amis, autour d'un grand sac de pistaches. Ce père de huit enfants a fui Cana, son village d'origine situé dans le caza de Tyr. « On m'a proposé de dormir dans une école à Beyrouth avec mes enfants, mais on manquait de tout. Il n'y avait ni eau, ni matelas, ni couvertures. J'ai donc préféré revenir ici », indique Ali.
Les déplacés qui dormaient à même la plage ou sur le trottoir à Ramlet el-Baïda ont été évacués dernièrement, mais Ali dit préférer rester sur le trottoir, en attendant de trouver un appartement. « Personne n'accepte de nous louer de logement parce que nous sommes chiites. Les gens ont peur », explique-t-il. De nombreux propriétaires craignent de louer à des chiites de peur qu'ils ne soient liés au Hezbollah et qu'ils ne soient ciblés par des frappes israéliennes. « Pour prendre des douches, on va chez ma cousine, à Barja (Chouf). Sinon, on dort des fois chez des amis ou des membres de la famille », soupire Ali.
À quelques pas de là, dans une rue résidentielle de Ramlet el-Baïda, un groupe de volontaires soutenus par la municipalité de Beyrouth travaille à la réhabilitation d’un immeuble abandonné de six étages, autrefois utilisé par l’Université libanaise. Ses propriétaires ont accepté de prêter les lieux pour loger des déplacés, explique Zeina Khreis, qui a pris le projet en charge grâce à des dons privées et la municipalité, qui a fourni gracieusement des matelas, des couvertures et des produits hygiéniques. « Ici aussi, on ne loge que des familles libanaises », lance-t-elle. Trois familles du Liban-Sud sont déjà installées, et 40 autres devraient les rejoindre.
Rien n'est jamais simple chez nous, même quand il est question d'aider les déplacés... Le liban c'est plus un tissu multiconfessionel à ce stade, c'est plus un tissu de petits et grands malheurs et d'espoir perdu
22 h 40, le 04 novembre 2024