Moins de 600 mètres. Telle est la distance qui séparait la cible de la frappe israélienne sur Ouzaï de la principale piste d’atterrissage de l’Aéroport international de Beyrouth (AIB). Épargnés depuis deux semaines, les alentours de l’aéroport ont été de nouveau visés lundi soir au milieu de la quinzaine de bombardements menés par l’aviation israélienne sur la banlieue sud de Beyrouth, qui ont fait au total 18 morts et 60 blessés, selon les estimations mardi matin du ministère de la Santé, et qui se sont poursuivis la journée de mardi jusqu’aux abords du quartier de Tayouné, à son extrémité nord.
De quoi remettre, une fois encore, la sécurité de l’AIB en question malgré les pressions internationales répétées pour que cette plateforme vitale permettant de relier le Liban au monde extérieur demeure hors de portée des attaques de l’État hébreu sur la banlieue sud de la capitale.
Lundi soir, peu après 22h, le porte-parole arabophone de l’armée israélienne, Avichay Adraee, envoyait ainsi une longue série d’avis d’évacuation adressés aux habitants des bâtiments teintés de rouge se trouvant « à proximité d'installations et d'intérêts affiliés au Hezbollah », comme le veut la formule habituelle. Parmi eux, figurait la « jetée » du petit port de pêcheurs d’Ouzaï, qui sera bombardée à peine un quart d’heure plus tard. C’est la première fois que ce quartier populaire, qui s’étend tout autour de l’AIB, est visé par un tir israélien, depuis le début de l’offensive élargie de l’État hébreu au pays du Cèdre le 23 septembre.
« Normalement, ils ne frappent pas lorsqu'un avion est en approche »
La proximité immédiate de cette frappe avec le tarmac de l’AIB aurait ainsi contraint les responsables de la sécurité de l’aéroport à fermer temporairement la principale piste d’atterrissage, celle permettant aux appareils de s’approcher du tarmac en longeant la ville, depuis le nord. C’est en tout cas ce qu’a déclaré l’un d’entre eux à l’AFP lundi soir, indiquant qu’un appareil de la compagnie aérienne nationale libanaise Middle East Airlines (MEA), la seule à opérer quotidiennement à Beyrouth depuis fin septembre, aurait dû changer son itinéraire pour se poser sur une piste d'atterrissage autre que celle habituellement utilisée par les avions commerciaux (voir ci-dessous).
« La MEA a changé la piste qu'elle utilisait parce que la piste principale est proche du site de la frappe d'Ouzaï », a expliqué le responsable à l’AFP. Une version nuancée par un pilote contacté par L’OLJ, souhaitant rester anonyme pour des raisons professionnelles. Ce dernier affirme que tous les avions à destination de Beyrouth ce soir-là « avaient déjà atterri avant la frappe ». « Normalement, ils (les Israéliens) ne frappent pas lorsqu'un avion est en phase d'approche ou de décollage », abonde-t-il.
Il reconnaît toutefois que si un atterrissage avait dû avoir lieu dans de telles conditions, cela aurait nécessairement occasionné une modification du plan de vol à l’arrivée. « Nous avons six pistes au total à l’AIB. Le choix concernant leur utilisation dépend de nombreux facteurs liés au vent, aux obstacles, au poids de l'avion, etc. » développe-t-il. Et d’ajouter : « Nous préférons utiliser les pistes situées près de la mer pour éviter d'être à proximité des zones ciblées, mais lorsque des frappes ont lieu, nous n'opérons pas dans ces couloirs-là. Si une frappe a eu lieu avant l'atterrissage et génère de la fumée sur notre itinéraire, nous nous adaptons pour éviter la piste affectée. »
Négociations continues
Depuis l’incident d’hier, l’activité au sein de l’AIB est en tout cas revenue à la normale ce mardi comme le confirme un employé de l’aéroport. « Tous les vols aujourd’hui ont pu décoller et atterrir comme prévu. Il n’y a eu aucun changement dans notre organisation à cause de cet événement. Nous poursuivons nos activités à la normale, à savoir entre 30 et 40 vols par jour, et continuons de suivre l’évolution de la situation de façon permanente », assure-t-il.
Une autre source interne à l’AIB indique par ailleurs à L’OLJ que le directeur général de la MEA, Mohammad el-Hout, avait écrit à tous les employés au début de l’escalade israélienne pour leur faire part des « mesures de sécurité » prises en coordination avec les autorités libanaises et que des « négociations » étaient en cours pour que l’AIB ne soit pas touché. Lundi soir, une photo montrant une porte en verre partiellement endommagée dans l’un des halls de l’aéroport a circulé sur les réseaux sociaux. « Je n’ai pas entendu parler de cette porte brisée, tempère la source précitée. Je peux vous assurer qu’il n’y a eu aucun dégât majeur dans l’enceinte de l’AIB, hormis les désagréments liés au nuage de fumée. »
Ces précautions se sont notamment traduites par un renforcement de la présence de l’armée libanaise aux abords et à l’intérieur de l’établissement. Fait rare, ces efforts avaient été salués fin septembre dernier par le porte-parole de l’armée israélienne lui-même, estimant dans un message sur X que « l’État libanais (...) a agi de manière responsable en interdisant le transfert de moyens de combat via l'aéroport » et reconnaissant le caractère « civil » de l’AIB.
Plusieurs éléments ont démontré que l’armée israélienne conservait un œil attentif sur tous les va-et-vient autour de l’AIB, et ce, dans une logique de couper les chaînes d’approvisionnement du Hezbollah, comme en témoignent les frappes sur de nombreux points de passage, formels ou informels, le long de la frontière entre le Liban et la Syrie. Le 28 septembre dernier, un avion appartenant à une compagnie iranienne avait dû rebrousser chemin à la demande de l’État hébreu, qui aurait piraté la tour de contrôle pour ce faire, selon une source du ministère des Transports citée par Reuters. « Nous n’autoriserons en aucun cas le transfert de moyens de combat au Hezbollah. L’aéroport de Beyrouth est un aéroport civil et doit être préservé comme tel », avait-il prévenu.
Un petit nettoyage autour de l’aéroport??
23 h 11, le 22 octobre 2024