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Société - Guerre au Liban

Est-il dangereux de se rendre à l’aéroport de Beyrouth ?

Ciblé à plusieurs reprises par l’armée israélienne par le passé, l’AIB poursuit son fonctionnement normal jusqu’à nouvel ordre, malgré des bombardements et des frappes ciblées sur les quartiers avoisinants.

Est-il dangereux de se rendre à l’aéroport de Beyrouth ?

Un avion de ligne atterrit à Beyrouth, alors que de la fumée noire s'élève au-dessus de la banlieue sud de la capitale, suite à une frappe israélienne, le 1er octobre 2024. Photo Mohammad Yassine

Entre deux salves du déluge de bombes s’abattant sur la banlieue sud de Beyrouth, un appareil passe posément derrière les colonnes de fumée. Il s’agit d’un avion de la Middle East Airlines (MEA) sur le point d’atterrir sur le tarmac de l’Aéroport international de Beyrouth (AIB), presque comme si de rien n’était. Ce contraste surréaliste d’un avion de ligne survolant une banlieue de Beyrouth en proie aux flammes a été capté par hasard, vers 1h30 du matin, dans la nuit de vendredi à samedi, par les caméras d’al-Jazeera, alors que la chaîne qatarie couvrait en direct les raids israéliens ravageant cette banlieue, dont des quartiers avoisinants l’AIB. La première salve, vers 18h30 vendredi soir, avait coûté la vie au secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah.

Dans la nuit de dimanche à lundi, un bâtiment situé à quelques mètres de l’intersection de Cola, près de la route reliant le centre-ville à l'AIB, était à son tour touché par un tir israélien, faisant au moins quatre morts, dont trois membres du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Vingt-quatre heures plus tard, une nouvelle frappe visait cette fois « un entrepôt de missiles sol-air du Hezbollah » à 1,5 km à l'est de l'AIB, selon l'armée israélienne.

Ces deux nouvelles attaques, dont la première à avoir touché le cœur de Beyrouth et non plus seulement sa banlieue sud, marque une nouvelle escalade israélienne dans ce conflit, qui dure depuis le 8 octobre 2023 avant de prendre un dangereux tournant la semaine dernière. De quoi relancer par la même occasion une interrogation qui traverse l’esprit des Libanais chaque fois qu’une nouvelle guerre s’invite au pays du Cèdre : jusqu’à quand l’aéroport restera-t-il ouvert ?

« L'AIB est civil et il doit le rester »

Devenu la seule véritable porte de sortie vers l’extérieur, depuis la dégradation de la situation sécuritaire en Syrie, l’aéroport poursuit tant bien que mal sa mission. « Les opérations de l’aéroport continuent normalement », assurait encore ce samedi Mohammad el-Hout, directeur général de la MEA, malgré les suspensions massives annoncées ces dernières semaines par la quasi-totalité des compagnies aériennes de leurs liaisons avec la capitale libanaise. La compagnie nationale libanaise sera d’ailleurs la seule à encore maintenir une liaison journalière entre Beyrouth et l’extérieur cette semaine. « La semaine dernière, nous avons assuré entre 30 et 35 vols, en additionnant les allers et les retours, contre 40 en temps normal. La plupart sont pleins à craquer », indique un employé de la MEA. « Cela peut monter jusqu’à 38 au maximum, notamment lorsque des ambassades nous demandent de réserver des places ou d’affréter des vols supplémentaires pour évacuer leurs personnels », précise-t-il.

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La question se pose d’autant plus eu égard au sort réservé à l’AIB lors des conflits précédents. Dès le deuxième jour de la guerre de 2006, l’armée israélienne bombardait le tarmac de l’aéroport, entraînant sa fermeture pendant plusieurs semaines. Loin d’être une première, puisque dès 1968, des commandos israéliens s’en étaient pris à des avions (vides) de la MEA. « Dans la configuration actuelle, il apparaît peu probable qu’Israël s'en prenne directement l’aéroport. Ce n'est pas une cible militaire prioritaire comme elle l'a fait savoir », explique un analyste sécuritaire contacté par L'OLJ, en référence au message publié samedi sur X par le porte-parole arabophone de l'armée israélienne, Avichay Adraee. « L’État libanais, contrairement à l’État syrien, a agi de manière responsable en interdisant le transfert de moyens de combat via l'aéroport. [...] L’aéroport de Beyrouth est une infrastructure civile et doit rester comme tel », a-t-il asséné en mettant en garde contre toute tentative du Hezbollah de se réapprovisionner par la voie des airs.

Cette déclaration fait notamment suite à l’interdiction reçue samedi par un avion iranien d’atterrir sur le sol libanais, selon des informations rapportées par une source au sein du ministère des Transports, citée par Reuters. L’armée israélienne aurait ainsi « piraté » la tour de contrôle de l’AIB pour transmettre un message à l’appareil et le menacer d’utiliser la « force » en cas d’atterrissage au Liban. La publication d’un article (non signé) par le média britannique The Telegraph en juin dernier, citant des « lanceurs d’alerte » affirmant que l’AIB servait de « stock d’armes et de missiles » au Hezbollah, avait ravivé cette crainte d’un ciblage. Des allégations vivement démenties par de nombreux observateurs et par le ministre des Transports, Ali Hamiyé, affilié à la branche politique du parti chiite, qui avait invité la presse à effectuer une visite des lieux afin de prouver le contraire.

« Une incursion terrestre augmenterait le risque de ciblage »

« Viser un aéroport ou un appareil rempli de civils et de ressortissants étrangers, c’est une ligne rouge qu’Israël pourra difficilement franchir », tempère Kriss Kachouh, créateur du compte Lebanese Plane Spotters. « Des responsables de l'AIB ont accueilli cette déclaration de l'armée israélienne pointant les efforts fournis par les autorités libanaises pour sécuriser l'aéroport comme un signe positif », ajoute-t-il.

Sauf que selon l'expert sécuritaire précité, une incursion terrestre au Liban-sud, dont les prémices ont été perceptibles ce lundi soir, pourrait augmenter le risque d'une action de l'État hébreu contre l'AIB. « Le scénario de l'invasion terrestre ferait passer la probabilité d'une frappe ciblée empêchant l’aéroport de fonctionner de 30% à 50 %. Cela pourrait s’inscrire dans une stratégie plus large d’endommagement des chaînes d’approvisionnement et des axes de communication du Liban dans le but de soutenir leurs troupes au sol et d'empêcher le Hezbollah de se ravitailler », analyse-t-il.

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Les premiers signaux de cette stratégie potentielle sont apparus en ce début de semaine, et les Israéliens pourraient en profiter pour entraver l’accessibilité de l’AIB de façon plus insidieuse. « S’ils voient l’aéroport comme un bâtiment civil, ce n’est pas forcément le cas pour les quartiers civils et les axes routiers alentours, tout cela fait partie d’une même équation », rappelle l'expert. « Sans le frapper directement, les Israéliens pourraient ainsi bloquer l'accès et paralyser l’aéroport tout en évitant de se mettre à dos les autorités aériennes internationales. Cela ferait moins polémique, mais le résultat serait le même et ce qui apparaît comme le scénario le plus probable », conclut-il.

Difficile cependant pour certains voyageurs d’ôter cette pensée de leur tête. « Nous étions très tendus au moment de prendre la route vers l’aéroport, encore plus après la frappe qui est tombée sur un quartier tout proche », raconte Elsa*, passagère du vol Beyrouth-Larnaca de la Cyprus Airlines samedi soir, à propos du raid israélien ayant visé ce soir-là le quartier de Hay el-Sallom, au sud du camp palestinien de Bourj el-Brajné, à proximité immédiate de l’AIB. Une inquiétude qui l’a suivie jusqu’au décollage de l’appareil vers 1h du matin, alors que celui-ci était initialement prévu à 21h30. « Nous avons passé plus de temps à attendre sur le tarmac que dans les airs », ajoute cette Franco-Libanaise de 27 ans, alors qu’une autre frappe, cette fois sur Choueifate, également à l’extrême sud de cette banlieue, a encore retardé le décollage.

Situation « mieux gérable » pour les contrôleurs aériens

Reste la question des soldats de l’armée libanaise et des employés de l’AIB qui demeurent pour l’instant à leur poste. « Toutes nos équipes seront mobilisées comme prévu cette semaine. Nous faisons des points sécuritaires très réguliers en coordination avec l’armée », assure le membre de la MEA précité. En ce qui concerne les autres entreprises, comme celles présentes dans la zone franche, la plupart des personnels continuent leur roulement de jour comme de nuit, malgré quelques exceptions donnant lieu à des scènes assez cocasses : « Vu qu’il n’y avait plus personne au comptoir, les gens se sont servis directement dans les rayons, avant de payer leur consommation en laissant de l’argent près de la caisse », témoigne Elsa après son passage dans un restaurant de l’AIB samedi soir.

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Dernier point notable, la réduction du trafic a au contraire tendance à faciliter le travail des contrôleurs aériens, dont la taille des effectifs avait été réduite au strict minimum au début de la crise économique. « Le nombre d’aiguilleurs n’a pas changé, relate Kriss Kachouh. Ils étaient en nombre très réduit pour contrôler les flux en temps normal. Maintenant que seule la MEA opère à Beyrouth, la situation est paradoxalement plus simple à gérer pour eux. » C’est en tout cas ce que confirme un pilote, souhaitant rester anonyme pour des raisons professionnelles. « Jusqu’à présent, la sécurité des conditions de vol n’a pas été trop dégradée, du moins tant qu’Israël n’a pas changé sa politique vis-à-vis de l’AIB. Si l’aéroport reste ouvert, cela veut dire qu’il y a toujours assez de contrôleurs et que la sécurité des couloirs aériens est assurée. »

*Le prénom a été changé.

Entre deux salves du déluge de bombes s’abattant sur la banlieue sud de Beyrouth, un appareil passe posément derrière les colonnes de fumée. Il s’agit d’un avion de la Middle East Airlines (MEA) sur le point d’atterrir sur le tarmac de l’Aéroport international de Beyrouth (AIB), presque comme si de rien n’était. Ce contraste surréaliste d’un avion de ligne survolant une...
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Meme avant ce guerre il était dangereux pour certains libanais de se rendre à l’aéroport, puisqu’il est depuis des décennies sous le contrôle des fossoyeurs de notre pays qui faisaient la loi et arrêtaient qui ils veulent sous prétexte de coopération avec l’ennemi alors que eux coopéraient avec nos ennemis principaux qui sont laSyrie et le regime Iranien pour détruire notre pays et refiner sa population

Sissi zayyat

12 h 42, le 01 octobre 2024

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Commentaires (1)

  • Meme avant ce guerre il était dangereux pour certains libanais de se rendre à l’aéroport, puisqu’il est depuis des décennies sous le contrôle des fossoyeurs de notre pays qui faisaient la loi et arrêtaient qui ils veulent sous prétexte de coopération avec l’ennemi alors que eux coopéraient avec nos ennemis principaux qui sont laSyrie et le regime Iranien pour détruire notre pays et refiner sa population

    Sissi zayyat

    12 h 42, le 01 octobre 2024

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