Rechercher
Rechercher

Entre le marteau du Hezbollah et l’enclume d’Israël, se découvrir libanais

Cinquante ans que cela dure. Nous revoilà à la case départ, reprenant des coups comme si nous étions, par nature, destinés à en prendre. En vouloir au Hezbollah pour sa énième aventure, son hubris, son mépris de la vie, n’est pas de mise. De nombreux Libanais sont pourtant depuis longtemps excédés par les procédés de ce parti qu’ils tiennent responsable de la liquidation, après Rafic Hariri, des dernières voix libres de leur pays, notamment Samir Kassir, Gebran Tuéni et Lokman Slim, sans compter leur intime conviction de sa sourde implication dans la double explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020. À chaque fois, leur deuil a été confronté à des réjouissances obscènes et des harcèlements ricaneurs et mesquins de la part des adeptes du Parti de Dieu. En réponse à l’hécatombe du port, Hassan Nasrallah avait même invité à voir dans le malheur une « opportunité » à travers l’afflux des aides vers une population exsangue et ruinée. Ce n’est pourtant pas du Liban que se déverse en ce moment le flot de haine envers la formation chiite, mais de Syrie où ses combattants, bien qu’accueillis en héros lors de la guerre de 2006 contre Israël, ont fait preuve d’une cruauté sans nom envers les opposants du régime Assad qu’ils ont logés sans distinction à l’enseigne de Daech. C’est dire si le capital sympathie du Hezbollah est entamé au moment où il devrait en avoir le plus besoin. Mais en a-t-il besoin, alors qu’il est persuadé de tout obtenir par la force ?

Une fois de plus, bon gré mal gré, nous sommes embarqués sans consultation dans une nouvelle aventure meurtrière, parce que le Hezbollah en a décidé ainsi, ou plutôt son parrain iranien qui semble brûler à travers lui son petit-bois pour épargner ses grandes bûches. Et de prêcher que la vie terrestre n’est rien – ce que les gens ordinaires ne peuvent comprendre – tant qu’il s’agit, par les guerres, de peupler le paradis. Si le « front de soutien de la Palestine » n’avait pas été ouvert, la question se pose cependant de savoir quelle aurait été l’attitude d’Israël face au Liban, ce petit voisin si défiguré qu’il ne se reconnaît plus lui-même : Pas de chef d’État, un gouvernement intérimaire, un Parlement dont le chef a avalé la clé, une armée nationale sous-équipée, une jeunesse désemparée qui cherche par tous les moyens à partir… le tout noyé dans une euphorie suspecte tant elle frise l’inconscience. La perversité du gouvernement d’extrême droite qui tient les rênes de l’État hébreu n’est plus à démontrer, le coup des pagers explosifs en est une preuve. La faiblesse du Liban officiel en fait un fruit blet, prêt à ramasser, et ce n’est pas la communauté internationale– déjà presque sans réaction quand l’Azerbaïdjan a occupé l’Arménie – , qui empêcherait Israël de le faire. Force est d’admettre que le Hezbollah s’est développé sur les incertitudes identitaires et les conflits intercommunautaires d’un pays trop fragile pour s’imposer sur le plan militaire, trop éclaté pour faire entendre sa voix dans le concert des nations.

Il reste la belle solidarité qui se reconstitue chaque fois que l’ennemi commun réémerge. Nos compatriotes du Sud et de la Békaa sont avant tout des Libanais, quelle que soit leur religion ou leur affiliation. Le moment est à l’entraide. Et comme un seul homme, comme au lendemain du 4 août 2020, nous revoilà offrant nos bras, collectant des vivres et des médicaments, des matelas et du lait infantile, de l’argent, donnant le plus que nous pouvons avec le peu que nous avons. Il n’est pas jusqu’à la communauté LGBTQ+, pourtant persécutée à souhait, qui ne propose, à travers l’ONG Helem, un abri à ceux qui en ont besoin, reprenant à son compte le slogan anti-establishment « Tous, ça veut dire tous » de la révolte de 2019 pour dire simplement « Nous tous, ça veut dire nous tous », ajoutant « nous sommes dans ça ensemble ». Les Libanais adorent se haïr, mais dans l’épreuve ils adorent aussi s’aimer. Et cela vaut bien tous les paradis.

Cinquante ans que cela dure. Nous revoilà à la case départ, reprenant des coups comme si nous étions, par nature, destinés à en prendre. En vouloir au Hezbollah pour sa énième aventure, son hubris, son mépris de la vie, n’est pas de mise. De nombreux Libanais sont pourtant depuis longtemps excédés par les procédés de ce parti qu’ils tiennent responsable de la liquidation, après Rafic Hariri, des dernières voix libres de leur pays, notamment Samir Kassir, Gebran Tuéni et Lokman Slim, sans compter leur intime conviction de sa sourde implication dans la double explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020. À chaque fois, leur deuil a été confronté à des réjouissances obscènes et des harcèlements ricaneurs et mesquins de la part des adeptes du Parti de Dieu. En réponse à l’hécatombe du port, Hassan Nasrallah...
commentaires (16)

Nous suivons, le cœur qui saigne, cette spirale infernale qui s'abat sur votre beau pays : celui du cèdre et du grand Gibran, chantre de notre enfance, poète de l'avenir et de l'amour. Puissiez vous garder ces deux flammes allumées dans vos âmes envers et contre tout.

Azia

02 h 27, le 30 septembre 2024

Commenter Tous les commentaires

Commentaires (16)

  • Nous suivons, le cœur qui saigne, cette spirale infernale qui s'abat sur votre beau pays : celui du cèdre et du grand Gibran, chantre de notre enfance, poète de l'avenir et de l'amour. Puissiez vous garder ces deux flammes allumées dans vos âmes envers et contre tout.

    Azia

    02 h 27, le 30 septembre 2024

  • Continuons à nous serrer les coudes peuple libanais et fier de l’être! Votre si belle plume , madame Aboudib , émeut profondément et douloureusement. Merci !

    Linda Bassili

    22 h 46, le 29 septembre 2024

  • Le jour où tous les libanais seraient sûrs, qu’aucune communauté ne veut du mal à l’autre, comme veulent bien leur faire croire leurs zaims, alors le Liban sera sauvé.

    Sissi zayyat

    16 h 50, le 27 septembre 2024

  • Vous vous demandez ce qu'il serait advenu de nous sans le Hezbollah : Israël n'aurait fait de nous qu'une bouchée. Nous n'en serions pas là si nous avions un gouvernement digne de ce nom, mais...à qui la faute? Certainement pas au Hezbollah. Heureusement qu'il nous reste encore cette solidarité et cette cohésion humaine et en tant que Libanais.

    Politiquement incorrect(e)

    18 h 13, le 26 septembre 2024

  • L’avenir du Liban ? Hezbollanais ou Libanais ?

    Jacques Dupé

    17 h 24, le 26 septembre 2024

  • N'oublions pas que le Hezbollah participe avec l'Iran à la guerre contre Israël déclarée par le Hamas le 7 octobre et que la situation d'aujourd'hui découle du 7 octobre. Le Hezbollah est aux ordres des ayatollahs iraniens qui ne pensent qu'à la destruction d'Israël au nom d'un Allah, Dieu de la violence...Le Hezbollah n'a que mépris pour le Liban et pour les Libanais. Il règne par la terreur et tient en ses mains les responsables politiques libanais avec lesquels il joue comme avec des marionnettes. Le Liban, si riche de ses composantes multiculturelles, mérite d'être libéré du Hezbollah

    Michel Le Tallec

    16 h 36, le 26 septembre 2024

  • Chère Fifi, merci pour ce beau texte, toujours si juste et éloquente. Il ne nous reste plus que cet amour du prochain envers et contre tout.

    Alexandre Choueiri

    15 h 17, le 26 septembre 2024

  • Madame, Merci pour ce joli texte, il m'a fait oublier un moment tous ces vampires assoiffés de sang qui nous entourent.

    KHL V.

    14 h 01, le 26 septembre 2024

  • Parole, Parole , Parole , son tanto parole.... Bla, bla ,bla...

    Dan Lewis

    13 h 33, le 26 septembre 2024

  • En dépit de la solidarité qui joue actuellement, les Libanais sont pris entre l'enclume et le marteau pour une cause qu'ils n'ont pas souhaitée, le problème gazaoui est affligeant et triste, mais n'avons nous suffisamment pâti pour une cause éloignée des préoccupations premières, notre propre sécurité, une idéologie d'un autre temps et ce droit de vie ou de mort que certains se sont octroyés de facto sans concertation aucune, tous les efforts entrepris, qui tiennent sur un post it , ont été annihilés en un rien de temps.. Où sont passés les défenseurs de notre cause ?

    C…

    12 h 14, le 26 septembre 2024

  • si nous ne sommes capables de nous unir que dans la souffrance, alors la souffrance fera toujours partie de notre paysage, de près, ou de loin. Vient le moment où nous devons, en conscience et en vérité, nous élever intérieurement, confronter nos préjugés, et au lieu de les justifier, les questionner, pour permettre que s’ouvrent en nous d’autres chemins que la souffrance comme seul moyen d’appartenance. À chacun de nous de prendre son courage à deux mains, pour voir comment chez soi les limites de certaines croyances engendrent les œillères qui font que ces cycles se répètent. SURSUM CORDA!

    Shammah Dania

    11 h 58, le 26 septembre 2024

  • Que d'épreuves, que de souvenirs enterrés qui ressurgissent, que de vécus personnels qu'on voit avec horreur se répéter avec des amis proches ou lointains, de la famille ou des familles autres qui portent les mêmes larmes de leurs enfants. Jusqu'à quand? Jusqu'à quand non pas la guerre mais Jusqu'à quand faut il attendre pour que l esprit national d être Libanais non pas reprenne (comme c est le cas maintenant) mais s'ancre dans notre quotidien. Nous avons une obligation et une opportunité, accepter nos differences religieuses nous "unir" civilement et penser au nom de NOTRE Liban.

    Georges Khoury

    09 h 36, le 26 septembre 2024

  • le grand probleme n'est pas le hezbollah, le grand probleme c'est tout ces partis politiques qui acceptent de composer avec. meme en temps de super crise comme maintenant, ce n'est pas le moment de se taire comme jumblat, gemayel, geagea...bravo a nos heros tel que Makram Rabah et Mariam Majdoline qui osent...marcel ghanem lors de son emission a ete tellement nulllllll, il a mis un devant un aboyeur, fares souaid en cravate...les vendus sont partout

    Elementaire

    08 h 51, le 26 septembre 2024

  • Bravo

    Rafi Haladjian

    08 h 34, le 26 septembre 2024

  • C'est si bien dit. Nous voyons les maisons dans les villages les plus reculés des montagnes, dans les zones chrétiennes, druzes, et de toutzs les religions, s'ouvrir pour accueillir nos compatriotes. Que plus personne n'ose dire que le Liban n'existe pas.

    K1000

    03 h 11, le 26 septembre 2024

  • Merci Madame Abou Dib de nous donner à entrevoir cette étincelle d'espérance dont nous avons tant besoin...

    Doumit El Khoury Marielle

    01 h 02, le 26 septembre 2024

Retour en haut