Les houthis ont lancé dimanche un missile longue portée qui a atterri près de Tel-Aviv. C’était la première fois que les rebelles yéménites ciblent le centre d’Israël avec un tel projectile, après une première frappe de drone mi-juillet. Le missile a visé une position militaire à Jaffa. Il a parcouru près de 2 000 kilomètres avant d’atteindre sa cible, une distance encore plus élevée que celle des projectiles lancés par Téhéran contre l’État hébreu en avril.
Selon l’armée israélienne, le projectile a été touché par un missile intercepteur et s’est fragmenté dans les airs. Ses débris ont provoqué un incendie près de l’aéroport Ben Gourion, sans faire de victimes directes, bien que des personnes aient été blessées alors qu’elles cherchaient un abri.
Le porte-parole des houthis, Yahya Saree, a revendiqué une attaque lancée avec un « nouveau missile hypersonique avancé », une affirmation toutefois démentie par l’armée israélienne qui a évoqué un tir de projectile balistique ordinaire.
Fabian Hinz, chercheur à l’Institut international d’études stratégiques (IISS), répond aux questions de L’Orient Today sur cette attaque sans précédent.
Le missile houthi qui a touché le centre d’Israël était-il vraiment « hypersonique » ?
Tous les missiles balistiques atteignent des vitesses hypersoniques à un moment de leur trajectoire. Cependant, le terme « hypersonique » implique souvent un missile plus rapide que les autres, ce qui est trompeur. Ce qui distingue les missiles hypersoniques, c’est leur capacité à manœuvrer. En revanche, un missile balistique ordinaire suit une trajectoire prévisible, un peu comme le lancer d’une pierre.
Les missiles hypersoniques peuvent changer de cap dans l’atmosphère à des vitesses élevées pour échapper aux défenses aériennes. Les Israéliens ont rapporté avoir détecté une trajectoire balistique ordinaire sur leur radar, mais nous manquons de confirmation indépendante pour chacune des affirmations. Il est toutefois probable que le missile soit de type balistique ordinaire. Les houthis qualifient parfois leurs armes de systèmes hypersoniques, même si elles ne répondent pas aux définitions occidentales. Reste que c’est la première fois qu’ils tirent un missile aussi loin.
Comment a-t-il franchi les systèmes de défense américains et britanniques en mer Rouge ? Pourquoi les systèmes de défense aérienne israéliens n’ont-ils pas réussi à l’intercepter ?
Le missile est probablement passé au-dessus de la mer Rouge dans l’espace, à environ 100 kilomètres d’altitude. De nombreux systèmes intercepteurs, comme ceux sur les navires britanniques, ne peuvent engager des cibles que lors de leur descente, pas lorsqu’elles sont dans l’espace. Les États-Unis ont un système capable d’intercepter dans l’espace, mais il n’est pas clair pourquoi il n’a pas été utilisé.
Les Israéliens possèdent également des systèmes intercepteurs atmosphériques et spatiaux, donc l’échec de l’interception pourrait être dû à une erreur ou à un problème technique — ce sont des choses qui arrivent. Israël dispose de deux principaux systèmes de défense : Arrow 2, qui intercepte les missiles dans l’atmosphère, et Arrow 3, capable de les intercepter dans l’espace à des distances significatives. L’interception dans l’espace donne plus de temps pour mener à bien l’opération, tandis que l’interception pendant la descente est techniquement difficile en raison de la vitesse élevée du missile, qui peut dépasser plusieurs fois la vitesse du son.
Une autre possibilité est que le missile se soit désintégré en rentrant dans l’atmosphère. Lorsque les missiles rencontrent des températures extrêmes et des vibrations, ils peuvent se désagréger, créant plusieurs fragments avec des trajectoires imprévisibles, ce qui en complique l’interception. Alternativement, les houthis pourraient avoir développé un système plus avancé conçu pour échapper aux défenses antimissiles, mais cela reste incertain. Les houthis n’ont pas fourni de séquences de lancement, et les vidéos existantes ne semblent pas liées au tir de dimanche. Pour une confirmation complète, nous devons identifier le système utilisé et voir des preuves comme des vidéos de lancement ou des débris récupérés par Israël.
Le missile visait-il un endroit précis en Israël ou était-ce juste un message ?
La cible était probablement spécifique. Toutefois, la question du type de missile utilisé demeure, alors que certains manquent de précision. Par exemple, le missile présenté lors du défilé de septembre 2023 (le Toofan, missile à longue portée d’une portée prétendue de 1 950 kilomètres, avait été alors présenté lors d’un défilé militaire à Sanaa, NDLR) peut atteindre Israël mais n’est pas guidé avec précision, ce qui signifie qu’il peut dévier de plusieurs centaines de mètres, voire de plus d’un kilomètre.
Les missiles guidés avec précision deviennent de plus en plus difficiles à utiliser sur de longues distances ; alors que les houthis peuvent frapper avec précision à 200 kilomètres, réussir la même chose à plus de 2 000 kilomètres nécessite des systèmes plus complexes.
Cet article est une traduction d’un entretien publié en anglais sur « L’Orient Today ».