Il était, mille fois, la bêtise de l’homme. Au procès de l’humanité, le démiurge se perd dans les méandres de ses songes. Il ne sait pas trop quoi dire aux êtres qui affluent vers lui. Un silence de marbre règne dans les lieux. Comment expliquer à ces misérables créatures qu’elles n’avaient qu’une seule chance sur terre, et qu’elles l’ont perdue ?
Le problème de l’être humain, c’est qu’il est trop dans le paraître et pas assez dans l’être. L’apparence prime sur l’essence, l’illusion est maîtresse, le diable règne sans partage. Il fait de sa vie une quête pour impressionner les autres, et ce en amassant des biens matériels et en instillant la haine et l’hostilité dans l’esprit des gens. Il est habité par le désir jamais assouvi de posséder, il pense maladivement qu’il sera toujours bien là où il n’est pas, avec ce qu’il n’a pas. Il mène son existence cloué sur un faux trône au sommet d’une gloire éphémère qu’il croit pérenne, sauf que… mettre un clown sur un trône, ça ne fait pas du clown un roi, mais du royaume un cirque. Il s’est trompé sur toute la ligne. Les humains se sont égarés. L’appel du sens adressé au monde reste sans réponse. En prenant les autres comme variable dans l’équation de notre bonheur, en portant un masque pour se conformer aux normes désorientées de la société, et en considérant l’argent comme seul et unique paramètre du succès, il sacrifie sa vie sur l’autel de l’insignifiance. Chaos maîtrisé, démence adoptée comme tendance, ego démesuré, l’homme, l’espèce de tous les superlatifs, se noie dans un grave cynisme.
Tout est périssable, rien n’est éternel. Toute notre existence, nos gloires, nos déboires, nos joies, nos peines, nos rencontres, nos victoires et nos défaites, nos luttes et nos combats, nos amours et nos peines et tout ce qui vient avec, convergent en un trait d’union. Un simple trait d’union qui relie notre année de naissance à celle de notre décès, comme pour mettre l’accent sur la banalité de cette vie sur terre. Et pourtant, l’homme est convaincu qu’il y occupe une place décisive, alors qu’il n’est qu’un point sur une carte, une poussière d’atomes. C’est presque comme s’il vivait selon une maxime montée de toutes pièces « Plus j’ai, plus je suis, et moins ils seront ». Il construit alors son empire, le parant des oripeaux de l’orgueil et de la grandeur, de l’or et de l’argent, pour justifier son existence, pour la valider auprès des autres. Il ignore pourtant que son soi-disant empire est bâti sur des sables mouvants. Il est venu au monde les mains vides et c’est ainsi qu’il le quittera. Il semble avoir oublié que la seule vérité qui soit est que nous sommes des êtres finis.
Il s’agit alors de résoudre l’énigme insondable du bonheur et de comprendre que son vrai nom est le contentement. Il s’agit de surmonter les tranchées, infranchissables uniquement dans l’esprit de l’homme, qui nous séparent du vrai sens de la vie. Il s’agit de reconnaître, dans une profonde humilité, que nous sommes infiniment petits face à l’immensité de l’univers et que, par conséquent, il n’y a pas de place pour la prétention, l’arrogance et la vanité. Il suffit d’admettre que la vie est simple et qu’elle se résume à apprécier le passage du temps. Une simplicité bouleversante, je vous l’accorde, mais c’est l’implacable réalité de la vie.
En 2124, plus personne ne se souviendra de nous. Ce qui restera de notre passage sur terre est une tombe, un tas d’ossements, et une épithaphe. Parfois, un souvenir… On vivra à travers la pensée des vivants. Une plaque avec un nom, une place dans les nuages, et pourtant, l’homme fait de ce chemin un enfer insoutenable. Il faudrait inculquer aux gens la soif inextinguible de vivre, qui magnétise l’homme jusqu’à son dernier atome, l’irrigue jusqu’à son dernier vaisseau. Il faudrait expliquer aux hommes que la vie ne se mesure pas en nombre d’années mais en intensité d’émotion. Il faudrait surtout leur apprendre l’amour comme valeur irréductible, comme standard de civilisation, puisqu’il soulagerait bien des maux de notre société. De l’amour à l’état pur, brut, natif, volcanique, puisqu’on en manque cruellement, et c’est bien le mal de notre temps. Enfin et par-dessus tout, il faudrait réapprendre à vivre, cette fois-ci, en sachant que nous partirons, et en vivant vraiment, détruisant nos risibles idéaux qu’on brandit comme des étendards et renouant avec le vrai sens de notre existence.
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