Malgré la guerre qui continue de faire rage depuis octobre au Liban-Sud entre Israël et le Hezbollah, la saison de nidification des tortues de mer s'est poursuivie sans interruption cette année, grâce à des bénévoles et des scientifiques qui veillent à la sécurité de ces petites créatures.
La côte sud du Liban, qui abrite la réserve naturelle de Tyr et la plage de Mansouri, est un lieu de nidification vital pour les tortues de mer. Depuis la mi-mai 2024, des défenseurs de l'environnement comme Fadia Joumaa et sa petite équipe de quatre personnes montent la garde, surveillent la ponte et protègent les nouveaux-nés menacés.
Le nombre de nids de tortues marines a augmenté cette saison, selon Ali Badreddine, directeur de la réserve naturelle de Tyr et biologiste marin. Paradoxalement, le conflit a créé des opportunités inattendues pour les tortues. La diminution du nombre de visiteurs sur les plages a réduit l'interférence humaine, ce qui a permis de protéger un plus grand nombre de nids, explique Fadia Joumaa.
Sur la seule plage isolée de Mansouri à Tyr, à moins de 20 kilomètres de la frontière libano-israélienne, l'équipe de la jeune femme a pu protéger 51 nids. « La saison, comparée à l'année dernière et aux années précédentes, est l'une des meilleures », se réjouit-elle, ajoutant que plus de 2 000 bébés tortues ont rejoint la mer depuis la réserve de Mansouri cette année.
Pondre des oeufs en pleine guerre
En moyenne, le projet de protection des tortues de la plage de Mansouri a permis de sauver plus de 30 nids de tortues marines chaque été, avec des pointes occasionnelles de 40 nids. Chaque nid contient entre 45 et 110 œufs. L'été 2006, pendant la guerre israélo-libanaise, a également été une saison exceptionnelle. La diminution du nombre de baigneurs et de l'activité humaine sur ce littoral a permis à environ 80 nids de tortues marines de prospérer à l'époque.
Cet été, en plein conflit, une scène remarquable se déroule à l'aube, alors qu'au loin les bombardements grondent. Des tortues de mer émergent instinctivement pour pondre leurs œufs sur la plage de Mansouri. Le conflit dans le Sud a forcé de nombreux habitants des villages voisins à fuir, mais Fadia Joumaa a décidé de rester. « Au début de la saison, nous craignions de ne pas pouvoir atteindre la plage », explique-t-elle à L'Orient Today. « Les bombardements sont parfois aléatoires. Certaines frappes ont eu lieu à quelques kilomètres seulement de la réserve », se souvient-elle. « La guerre n'a pas directement affecté les tortues, mais plutôt notre travail en tant qu'équipe, car nous n'avons pas toujours été en mesure d'atteindre la plage tôt ou de rester longtemps pendant la nuit », souligne Fadia Joumaa.
Sauver les nids de tortues
Après une interruption de deux ans, le projet Mansouri a été relancé l'été dernier, mais l'équipe n'a pu sauver que sept nids de tortues – six nids de tortues caouannes et un nid de tortues vertes. Ce sont les deux principales espèces de tortues marines que l'on trouve sur les côtes libanaises. La tortue verte est considérée comme une espèce en voie de disparition, tandis que la tortue caouanne est considérée comme une espèce vulnérable par l'Union internationale pour la conservation de la nature.
Pour protéger les œufs des prédateurs affamés (comme les renards, les chiens et les oiseaux) et des actes malveillants de plagistes, des cages en fer sécurisées avec du sable sont placées au-dessus de chaque nid. Certains œufs sont retirés de leur nid de sable et transférés avec précaution dans des nids artificiels construits dans des seaux. L'équipe s'assure que les œufs sont nichés dans le même sable que celui dans lequel ils ont été pondus, afin de maintenir la température nécessaire à leur survie. Le processus d'éclosion peut durer de 45 à 60 jours. Après l'éclosion, les tortues sont relâchées sur le rivage, des bénévoles les guidant jusqu'à ce qu'elles atteignent l'eau.
Les campagnes de sensibilisation affectées par la guerre
Fadia Joumaa, qui participe à ce projet depuis 2016, a suivi des cours de formation spéciaux au Centre de sauvetage des tortues de mer en Italie afin d'acquérir l'expertise nécessaire pour le projet de la plage de Mansouri.
La guerre a eu un impact sur les efforts de sensibilisation de son équipe. Les années précédentes, ces campagnes attiraient des visiteurs de tout le Liban. « Cet été, de nombreuses personnes ne sont pas venues en raison du conflit », explique-t-elle. « Les campagnes de remise en liberté constituent un aspect important du projet, car elles permettent de faire découvrir au public ces créatures en voie de disparition », souligne l'écologiste. « Nous ne bénéficions que de l'aide de la municipalité de Tyr pour obtenir des fonds », explique Fadia Joumaa, qui finance personnellement une partie du projet. Son travail s'inscrit dans le prolongement de celui de Mona Khalil, qui a œuvré pendant 21 ans à la protection des tortues de mer, avant de prendre sa retraite il y a trois ans.
Un message d’espoir. Félicitations
14 h 06, le 06 septembre 2024