Bassil prépare sa revanche : cap sur la présidence des commissions parlementaires

Gebran Bassil donne rendez-vous à ses détracteurs en octobre. Après le départ, volontaire ou forcé, de quatre députés de son bloc parlementaire (Élias Bou Saab, Alain Aoun, Simon Abi Ramia et Ibrahim Kanaan), le chef du Courant patriotique libre semble déterminé à prendre sa revanche. Et la séance d’élection des présidents des commissions parlementaires, prévue dans quelques semaines, paraît être l'occasion parfaite pour cela. D’autant plus qu'Ibrahim Kanaan est à la tête de la très juteuse commission des Finances et du Budget, tandis que Simon Abi Ramia dirige celle, moins voyante, de la Jeunesse et des Sports. De son côté, Alain Aoun est secrétaire général du bureau de la Chambre. Il est donc très probable de voir le leader du courant aouniste tenter de démettre ces dissidents de leurs fonctions parlementaires et les remplacer par des figures purement « bassiliennes ». Une façon pour le chef du CPL de faire comprendre à ses frondeurs que c’est surtout à son parti qu’ils doivent leur carrière politique et parlementaire. En face, les intéressés ne comptent pas rester les bras croisés. Ils poursuivent leurs contacts pour former un bloc soudé face à celui de leur ancien chef.

Le 22 octobre, le Parlement devra se réunir pour inaugurer sa nouvelle session ordinaire, qui s’ouvre le premier mardi après le 15 octobre. Au fil des années, cette échéance parlementaire passe généralement inaperçue, le président du Parlement, Nabih Berry, ayant réussi à consacrer (ou presque) la coutume de tenir ce scrutin à la faveur d’ententes conclues au préalable. Sauf que cette fois-ci, les choses sont plus compliquées, l’hémicycle étant en passe d’être un champ de bataille entre le CPL et ses anciens députés, à commencer par Ibrahim Kanaan. 

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Le député du Metn est depuis 2009 à la tête de la commission des Finances et du Budget, devenue un des piliers de ce que le CPL appelle sa « lutte contre la corruption ». De par cette position, M. Kanaan, compté parmi les militants de la première heure au sein du parti, a joué un grand rôle dans la rédaction du fameux « Quitus impossible », brûlot aouniste critiquant la politique économique et monétaire du premier gouvernement Siniora (2005-2008). Plus récemment, M. Kanaan a contribué à l’adoption de plusieurs budgets de l’État. Ce qui lui avait valu les félicitations de M. Bassil lui-même, notamment dans un discours prononcé lors de la campagne électorale de 2022 dans le Metn, comme le montre une vidéo qui a fait le tour des réseaux sociaux ces derniers jours.

Berry à l’épreuve

Mais depuis la démission de M. Kanaan, Gebran Bassil a de nouveaux calculs. « Il nous revient de choisir les présidents des commissions qui relevaient de notre quote-part », lance à L’Orient-Le Jour un cadre du CPL, dans une menace à peine voilée à l'adresse du député du Metn qui a claqué la porte du parti fin août. Le même responsable CPL reconnaît toutefois que sa formation n’a pas encore décidé de la prochaine étape, les discussions sérieuses au sujet des commissions devant être entamées fin septembre. Ce qui est sûr, à ce stade, c’est que pour les aounistes, la balle est dans le camp de Nabih Berry. « Nous verrons comment le chef du Parlement agira à l’égard de cette affaire. Va-t-il participer ou non à une tentative de nous lier les mains et de réduire notre poids au sein des commissions ? » dit le cadre CPL cité plus haut. Une épreuve à laquelle les aounistes soumettent M. Berry en plein recentrage politique de Gebran Bassil qui multiplie les clins d’œil en direction de Aïn el-Tiné dans le cadre de la présidentielle, comme le montre son feu vert renouvelé au dialogue berryste. 

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Quoi qu’il en soit, le CPL prendra en compte un autre paramètre pour préparer la bataille à venir : les calculs des dissidents dans la perspective de cette échéance.  « Nous sommes prêts à tous les scénarios », affirme le responsable CPL, à l'heure où, dans les cercles des anti-Bassil, le flou est de mise. « Nous n’avons pas encore entamé les préparatifs », confie un proche de M. Kanaan, affirmant que « tous les protagonistes, y compris les Forces libanaises, se félicitent du bilan de M. Kanaan à la tête de la commission des Finances ». Dans certains milieux politiques, on n’exclut d’ailleurs pas la possibilité de voir les protagonistes hostiles à Gebran Bassil soutenir les députés frondeurs pour les reconduire à leurs postes respectifs, dans le cadre du règlement de comptes politiques traditionnel.

Le député du Metn semble donc briguer un nouveau mandat pour marquer un point dans les filets du CPL, avec lequel le fossé n’en finit pas de se creuser. Lundi, M. Kanaan s’est indigné, sur son compte X, de la « campagne orchestrée portant atteinte à (sa) réputation », et l’accusant d’avoir transféré un million de dollars à l’étranger dans la foulée de la crise économique de 2019. « Les auteurs de cette campagne seront poursuivis en justice », a-t-il lancé dans ce qui a été perçu comme un message adressé à l’armée électronique aouniste. De quoi pousser le CPL à publier un communiqué se lavant les mains de ce genre d’agissements.

En attendant le 22 octobre, la priorité d’Ibrahim Kanaan et de ses collègues réside dans la mise sur pied d’un bloc parlementaire « dont la référence sera les constantes historiques du patriarcat maronite », pour reprendre les termes d’un des intéressés. C’est d’ailleurs dans ce but qu’ils s’entretiendront jeudi avec le patriarche maronite, Béchara Raï, à Dimane. Et comme pour contrecarrer la démarche, Gebran Bassil a dépêché lundi à Dimane deux députés, Nada Boustani et Georges Atallah, ainsi que la vice-présidente du parti pour les affaires politiques, Martine Najm Kteily, afin d’« expliquer ce qui s’est réellement passé récemment avec certains députés du parti », comme on peut lire sur le compte X du CPL.    

Bassil sets sights on parliamentary committee leadership