Ibrahim Kanaan a craché le morceau. Après un long suspense, le député du Metn a annoncé mercredi sa démission du Courant patriotique libre. En soi, cette décision n’a pas l’effet d’une surprise, les désaccords entre le parlementaire et Gebran Bassil, chef du parti, étant profonds autour de gros dossiers, à commencer par la présidentielle.
De toute évidence, la décision de M. Kanaan constitue un nouveau pas vers la « bassilisation » totale du CPL. Mais si M. Bassil peut se réjouir d’avoir désormais un détracteur en moins dans les rangs de son parti, il n’est pas pour autant au bout de ses peines. Car les députés radiés ou ayant démmissioné préparent leur riposte : ils commencent à planifier la prochaine phase avec le regard (et les ambitions) braqué sur les législatives de 2026. Une façon pour les dissidents, forts de leur parcours au sein du CPL, de faire comprendre au parti qu'il n'aura pas raison de leurs carrières politiques.
« Je n’ai plus que le choix de démissionner », a déclaré Ibrahim Kanaan dans un communiqué publié mercredi. Une annonce faite deux semaines après sa dernière conférence de presse, lors de laquelle il avait proposé une « ultime » initiative pour souder les rangs du parti secoué par les exclusions des députés Élias Bou Saab (Metn) et Alain Aoun (Baabda), et la démission de leur collègue de Jbeil, Simon Abi Ramia. Dans ses grandes lignes, la proposition de M. Kanaan était principalement axée sur un dialogue entre la direction du CPL et ses détracteurs. Sauf que la présidence du parti n’a pas tardé à enterrer l’initiative. De quoi pousser le député vers la porte de sortie. C’est du moins l’impression qui se dégage du communiqué qu'il a publié. « J’avais accordé (à la direction du parti) une semaine pour resserrer les rangs du CPL, comme le veut la base populaire. Mais ce délai a expiré sans qu’une volonté de répondre aux tentatives de sauvetage ne se manifeste », a-t-il souligné, dénonçant ce qu’il a appelé « les attaques contre (sa) démarche et (sa) personne » et une « atteinte à (sa) dignité ».
Reste que le départ d’Ibrahim Kanaan est aussi le résultat de cumuls de mésententes avec Gebran Bassil, qui reproche aux dissidents un « manque de discipline partisane ». Les députés frondeurs avaient notamment dérogé au mot d’ordre aouniste de voter Jihad Azour (ancien ministre des Finances et haut cadre du Fonds monétaire international, qui avait fait l’objet d’une convergence entre le CPL et l’opposition) lors de la dernière séance électorale de la Chambre consacrée à la présidentielle, le 14 juin 2023. « Ibrahim Kanaan n’a pas présenté une initiative. Il a tenu une conférence de presse pour évoquer les affaires internes du parti dans les médias », commente pour L’Orient-Le Jour un responsable haut placé du CPL sous couvert d’anonymat. « Il aurait dû en discuter dans les coulisses et avec M. Bassil, comme le stipule le règlement intérieur », dit-il. Ce responsable se fait l’écho de la position officielle de la formation à l’égard du départ du député metniote. « M. Kanaan a choisi d’annoncer sa démission dans les médias, après avoir été déféré devant le Conseil des sages (tribunal partisan du CPL) le 24 août, devant lequel il devait comparaître mardi », a déclaré le courant aouniste sur son compte X, rappelant que le député s’était absenté de trois réunions consécutives du comité politique (duquel il a finalement été radié il y a une quinzaine de jours), qui devait débattre de la situation interne du parti, et qu’il devait s’entretenir avec le leader du parti vendredi. « Ce sont des infractions au règlement intérieur du CPL que nous ne tolérons pas », lâche un haut cadre du parti. Sur son compte X, la direction a d’ailleurs promis de « dévoiler les détails » de l’affaire Kanaan ultérieurement.
Une guerre « psychologique » ?
Mais le départ d’Ibrahim Kanaan, tout comme la mise à l’écart de son collègue Alain Aoun, pourraient avoir des effets lors des prochaines législatives. M. Kanaan est une figure dotée d’une base populaire non négligeable dans le Metn. Quant à Alain Aoun, il est lui aussi perçu comme une figure populaire du courant aouniste, y compris dans les milieux politiques. Cela n'empêche pas le CPL d'affirmer que « c’est au parti que les députés détracteurs doivent aujourd’hui leurs sièges », pour reprendre les termes d’un responsable de la formation orange. Il estime donc que les anti-Bassil portent un coup dur à leur propre avenir politique. Gebran Bassil « ne peut pas nous massacrer politiquement et s’attendre à ce que nous restions les bras croisés », rétorque un parlementaire dissident qui a requis l’anonymat. C’est dans ce cadre qu’il place l'enregistrement audio qui circule depuis mercredi sur les réseaux sociaux et dans lequel Alain Aoun affirme que le tandem chiite (qui s'allie avec le CPL à Baabda en général) ne le lâcherait pas lors des prochaines élections. On y entend même le député affirmer qu'Amal et Hezbollah lui ont proposé de choisir les deux autres candidats chrétiens qui figureront sur la liste. Une affirmation que les milieux du Hezbollah ne confirment pas, se contentant de dire qu’aucune décision n’a été prise à ce sujet.
Se rajoute à cela des informations qui font état de discussions entre les ex-membres du CPL qui pourraient former un nouveau groupe parlementaire, à même de jouer un rôle de faiseur de roi au Parlement, au détriment de Gebran Bassil . « Aujourd’hui, les détracteurs de Bassil sont dans une guerre psychologique contre lui. À l’heure où il les met à l'écart, ils usent de tous les moyens pour faire face à ses tentatives de tirer un trait sur leur carrière politique », confie à L’OLJ une source proche du club des détracteurs. Ce point a figuré dans un communiqué publié mardi par Alain Aoun. « Il est normal que j’entre en contact avec mes collègues députés (du tandem chiite) surtout que nous avons collaboré ensemble lors de trois scrutins (2009, 2018 et 2022) », affirme-t-il, soulignant que les propos fuités étaient une réponse à une question portant sur ses choix pour la prochaine phase. « Je garde toutes mes options électorales ouvertes, mais je trancherai plus tard sur la base de mes principes, comme je l’ai toujours fait », dit M. Aoun à L’OLJ.
Nous sommes d'acccord que le parachuté chef du CPL est un arrogant nain politique au quotient émotionnel de ZÉRO par contre s'en séparer pour continuer la même politique de collaboration avec la milice iranienne et donc l'effritement continu de l'état pour assouvir des desseins présidentiels est un pêché envers les electeurs qu'ils représentent et la position historique du parti dont ils sont issus.
08 h 57, le 30 août 2024