
Photo d'archives OLJ
Un torrent d’arbres ruisselle dans mon cœur
Je suis venu... je suis venu,
Circulez dans les rues de mon bras secourable, vous arriverez au but.
Gaza ne prie plus quand sur ses minarets s’allument les feux de ses blessures
Le matin calme se transporte vers le port où la mort se consomme.
Je suis venu... je suis venu
Mon cœur est bon à boire
Circulez dans les rues de mon bras secourable, vous arriverez au but.
Gaza ne vend plus d’oranges, car leur suc c’est le sang de Gaza mis en boîte.
Je m’étais enfui de ses ruelles et par son nom
J’écrivais ma mort sur le tronc d’un sycomore
Et voici qu’elle devint Dame souveraine
M’emportant dans ses bras, moi, libre adolescent
Compagnon de nos peines et de nos travaux, de nos nuits et de nos jours.
Louée soit celle qui, nuitamment, a remis mes veines jugulaires entre ses mains
Je suis venu... je suis venu
Gaza ne prie plus.
Je n’ai trouvé personne pour se pencher sur ma blessure
Sinon sur elle cette sienne petite bouche...
Et le rivage de la Méditerranée a traversé l’éternité.
N’empêchez pas mon sang de couler jusqu’à épuisement
L’horloge de la Nativité a passé comme une chaîne au cou du temps
Elle a essayé de m’avoir.
J’étais coriace – elle a essayé de m’avoir
J’étais un peuple – elle a essayé encore une fois...
Je vois un rang serré de martyrs se laisser entraîner jusqu’à moi
Et voici qu’ils s’abritent dans ma poitrine
Et qu’ils s’y consument.
Le temps ne les a pas brisés, et mon cadavre n’a pas de limites.
Et pourtant je sens, j’éprouve en moi cette sensation
Comme si tous les combats des Arabes depuis toujours
Aboutissaient à mon cadavre
Et je voudrais que le voile des jours se déchire dans ma chair
Et que le temps me quitte enfin...
Alors les martyrs s’apaiseraient dans ma poitrine
Et ils seraient d’accord.
Ils n’ont pas trouvé ce lieu trop étroit pour eux
Car mon cadavre n’a pas de limites.
Mais la transmission califale ne cesse pas d’être importante
Que vos ennemis, votre poussière et votre Envoyé...
N’empêchez pas mon sang de couler jusqu’à épuisement.
L’horloge de la Nativité a passé comme une chaîne au cou du temps
Elle a essayé de m’avoir.
J’étais coriace – elle a essayé de m’avoir encore une fois
Je vois un rang serré de martyrs se laisser entraîner vers moi
Plus personne !
Toutes ces nations proches et lointaines se sont partagé ma dépouille.
Tout juge était un boucher
Instruit dans les sciences de la prophétie
Et de l’erreur pécheresse
Et nous avons divergé d’opinions
Quand le tout ne fut plus qu’une partie de lui-même
Et ce fut la blessure pour nous tous mortelle
Et nous nous éloignâmes les uns des autres
Va, va-t’en vers la mort si belle...
Je m’en suis allé.
J’étais seul.
Vous avez dit : nous attendons l’enterrement avec ses couronnes grandes et ses tambours
Et nous nous retrouverons à Jérusalem...
Plût à Dieu que Jérusalem fût plus lointaine que mes cercueils
Je pourrais alors suspecter les témoins.
Nous n’avons rien contre toi ! Tu t’en es allé vers la mort si belle
Et la capitale du pétrole a réservé un fauteuil
Au paradis d’al-Rahman le Miséricordieux
Bonheur et félicité au financier et au muezzin... et au martyr !
Les panégyriques éplorés sont fatigués des victimes
Et les chagrins des victimes sont gelés
Hélas ! Trois fois hélas ! Qui fera le panégyrique éploré des panégyriques fatigués
Je ne sais pas quelle rime pourrait m’embaumer
Et faire de moi une photo offerte à la foire prochaine des livres
Et je ne sais pas quelle statistique pourrait m’englober.
Ô poètes !... ne vous multipliez pas !
Mes blessures ne sont pas enregistrables au cahier du poète
Ô leaders des communautés !... ne vous multipliez pas !
Mes os ne sont pas une chaire à prêcher.
Invoquez donc mon sang... vous y trouverez peut-être
Une encre de compréhension mutuelle entre
Les choses de la nature et la divinité
Invoquez mon sang, langue de mutuelle harangue
Entre les murs de la ville et les razzieurs.
Mon sang est la poste des prophètes.
Et de moi-même, spontanément, je reviens...
Plût à Dieu que ma fenêtre fût lointaine
Alors je pourrais voir ma mère
Et plût à Dieu que cette chaîne par quoi je suis attaché
Fût plus proche, alors je pourrais sentir battre mon pouls
Et plût à Dieu que la mer fût plus lointaine
Alors je pourrais avoir peur des déserts
Ah ! plût à Dieu que tout soit réfracté en son contraire
Alors toutes choses s’entredévoreraient en moi
Et revêtiraient la forme de la joie véritable.
Nous nous sommes éloignés et nous nous sommes rapprochés ô dormeurs de la Caverne, levez-vous
Et crucifiez-moi de neuf
Car en vérité, je viens de la mort qui viendra demain
Je viens de l’arbre très lointain
Et je m’en vais dans mon présent – votre demain à vous.
J’ai effeuillé les vagues de la mer
Et c’est un lys que j’ai effeuillé
Un lys qui a son sens en soi Et Gaza ne prie plus...
Un torrent d’arbres ruisselle, surgi des côtes du rocher
L’anéantissement me fourbit
Un torrent coule de mon cœur verticalement
Et le ciel descend comme à sa rencontre
J’ai vu ce que voit le cœur, les lumières m’ont liquéfié
Et je suis devenu une voix
Et les cailloux menus s’en sont fait l’écho
Et l’antique tombe a respiré
La pierre s’est mise à bouger
Je récupère par vous sa reptation première
Je suis les vivants et les villes d’autrefois.
Cherchez à dépouiller vos noms, vous trouverez mes mains
Cherchez aussi à dépouiller vos vêtements, vous trouverez mon sang.
Ou cherchez à brûler ces cartes géographiques
Vous apercevrez mon corps.
Je suis les vivants et le lieu d’origine
Que vous avez écrit dans votre histoire
C’est à partir de mon cadavre que se sont élancés
Les razzieurs, les prophètes et les réfugiés
Et c’est en lui que viennent se clore et se sceller à nouveau pour jamais Leurs biographies.
Les pierres se mettent en mouvement.
Voici mon bras levé s’incliner comme la terreur
Le Seigneur n’est pas au nombre des habitants de ce désert
Voici mon bras.
Les pierres se mettent en mouvement.
Ils n’ont pas volé le bâton de Moïse
Et certes la mer est plus éloignée de vous que ma main
Ainsi donc les pierres se mettent en mouvement
Qu’ils se soient levés, qu’ils se soient agenouillés
Qu’ils n’aient fait que passer ou qu’ils aient fui...
Je suis la pierre, je suis la pierre qu’a touchée une secousse sismique
J’ai vu les prophètes mettre en location leur croix
Et tu m’as concédé à perpétuité le verset du Trône
Et finalement
Tu n’as plus rien été qu’une carte de félicitations
Les martyrs et ce bas monde se sont transformés
Et voici mon bras.
Les pierres se sont mises en mouvement
Pour s’enrouler autour d’une légende
Vous ne me comprendrez pas à moins d’un miracle
Car votre langue à vous est comprise.
Assurément la clarté est un crime.
Et l’obscurité de vos morts
est pour vous le Vrai, la vérité-réalité.
Hélas ! les pierres ne se mettent en mouvement
Que quand les vivants restent immobiles
Pour s’enrouler autour d’une légende.
Un torrent d’arbres ruisselant, Gaza ne prie plus,
Le rivage de la Méditerranée a traversé l’éternité.
Vous ne me comprendrez pas
La Vierge sort de ma côte
Elle est ma volonté
Et de plein fouet je suis atteint par les pluies
Et par l’éclair qu’elle portait en elle avec persévérance
Vous ne me comprendrez pas
Moi qui surgis, renaissant, de votre tombe
Et la terre appartient aux martyrs.
J’ai mis fin à la dernière aventure
Et j’ai fait un nouveau commencement :
Voici l’exode et la sortie. Voici l’entrée.
Voici le départ et voici le retour.
Il n’y a pas de lieu ici
Je suis ce temps tel que vous ne me comprendrez pas
Au sortir du temps qui vous a jetés dans la caverne.
Voici mon heure :
Une tombe se fend
Et je surgis, renaissant, en criant :
N’empêchez pas mon sang de couler jusqu’à épuisement.
L’instant de la Nativité m’abrite et m’apaise
Depuis l’éternité qui n’a pas de commencement.
Reposez-vous dans mes blessures
Voici notre lieu d’origine qui se renouvelle
Notre lieu d’origine qui se glorifie
Approchez-vous des arbres
Et faites avec moi un nouveau commencement !
À Gaza le temps est devenu différent du lieu
et les marchands de poisson
Ont vendu leur seule chance d’espérance pour me laver les pieds
Où est la Magdaléenne ?
Ses doigts ont fondu avec le savon
En même temps que s’écroulaient des écritures et des écritures
Et les soldats entassaient victoire sur victoire
Ils récitaient leur prière
Et s’épuisaient à fouiller sous les ongles
Des pieds et des mains d’un fedaï
Pour découvrir le secret de sa joie
Et ils retrouvaient leur propre vie
Avec les larmes d’Agar.
Le désert était assis sur ma peau
Et la première larme qui fut jamais versée sur la terre
Fut une larme arabe.
Vous souvenez-vous des larmes d’Agar ?
De la première femme qui ait jamais pleuré
Au sein d’une hégire sans fin ?
Ô Agar, viens fêter ma nouvelle hégire
Qui nous emmène
Depuis les côtes de la tombe d’où je surgis, renaissant,
Jusqu’à l’univers.
Les martyrs habitent mes côtes rendues à leur liberté
Et maintenant
Comme on dépouille un arbre de ses feuilles
J’arrache et je déchire les tombes
Et le rivage de la Méditerranée.
Viens, Agar, viens fêter ma nouvelle hégire.