En plein cœur de Hasroun, pittoresque village du Liban-Nord, à proximité des Cèdres, la Villa Chamoun, une ancienne maison familiale érigée en 1965, a été transformée en maison d’hôtes à la décoration très inspirée des sixties. Au mobilier d’origine méticuleusement restauré par de talentueux artisans du village, Rony Zibara, l’actuel propriétaire des lieux, féru d’art et de design, a ajouté des pièces originales signées Nada Debs. Il y a également instauré un événement estival annuel baptisé KDSHA Art Narratives qui a pour vocation, indique-t-il, « d’encourager les échanges sur le rôle de l’art dans le monde complexe d’aujourd’hui dans le paysage serein et inspirant du nord du Liban et de sa fameuse vallée de la Qadicha ». Et cela en y programmant des expositions d’œuvres d’artistes contemporains libanais et internationaux, ouvertes aux férus d’art de passage dans la région.
Cette année, l’exposition de KDSHA est intitulée « Mashawir » (Promenades). Curatée par Rania Tabbara en collaboration avec Crème Fraîche, une agence d’artistes londonienne, elle propose aux visiteurs de la Villa Chamoun une promenade au fil des sculptures de Samar Mogharbel, Hady Sy et Ghassan Zard, qui peut se terminer, ou pas, par un Splash, un plongeon dans la piscine ornée d’une fresque picturale réalisée in situ par l’artiste britannique Daniel Rey.
Les tortues et les arbres de Ghassan Zard
Une expérience artistique tout en décontraction et sérénité qui commence par la rencontre avec les tortues Wandering Turtles de Ghassan Zard, amusantes représentations sculpturales en résine colorée de ces reptiles à carapace, qui accueillent dès l’entrée au jardin les visiteurs, suivie par une traversée d’une sorte de forêt enchantée, intitulée Whispers of Nature. Une installation occupant le perron de la maison et composée d’un groupement de troncs d’arbre greffés d’oniriques champignons-fleurs-oreilles en métal, signée du même sculpteur qui fait partie de l’écurie d’artistes de la galerie Tanit.
Le Liban au « Mécanisme compliqué » de Hady Sy
Direction ensuite les jardins arrière, où se déploient le long d’une allée menant à la piscine quatre grandes sculptures de Hady Sy tirées de sa collection intitulée « It’s a Numbers Game », précédemment présentée à la galerie Saleh Barakat de Clemenceau.
Une suite d’œuvres en acier stylisé déclinant, à travers des assemblages de chiffres, les caractéristiques du pays du Cèdre. Depuis les 10 452 kilomètres carrés qui dessinent sa silhouette cartographique aux données numériques façonnant son Mécanisme compliqué en passant par la représentation de son emblématique Cèdre ou de son tout aussi emblématique Minotaure…
Couleurs et légèreté nouvelles chez Samar Mogharbel
La promenade se poursuit par les belles œuvres aux rondeurs colorées de la sculptrice et céramiste d’art Samar Mogharbel, qui explore dans cette série récente, intitulée The Unbearable Lightness of Sculptures (L’insoutenable légèreté des sculptures), les jeux de résistance et d’abandon, de mouvement et de gravité, à travers un travail où la fibre de verre évoque le façonnage à l’argile privilégié jusque-là par cette artiste.
Une toile au fond de la piscine
Enfin, c’est dans un endroit de prime abord insolite, en toile de fond de la piscine justement, que se niche la seule « œuvre picturale » de cette exposition. Une très grande peinture (au style très matissien) représentant une sorte de nageur géant occupant toute la surface du bassin réalisée par l’artiste plasticien britannique Daniel Rey, invité en résidence à la Villa Chamoun. Une œuvre qui donne irrésistiblement l’envie de s’y plonger… Histoire de se rafraîchir la tête, encombrée ces derniers temps d’un magma de d’angoisses, d’appréhensions et de tensions. C’est aussi à cela que sert l’art. Dix-sept œuvres au total qui animent les jardins de la Villa Chamoun, jusqu’au 2 octobre 2024. À découvrir si vous êtes en villégiature (ou réfugié) dans la belle région du Nord.