En dépit de l’annulation de son festival de musique cette année pour cause de solidarité avec Gaza, ainsi que l’a déclaré sa présidente Nora Joumblatt, le palais de Beiteddine, niché dans la belle montagne du Chouf, ouvre ses portes aux visiteurs en journée.
Comme chaque année, les arts plastiques y prennent leurs quartiers d’été dans ses ancestrales salles voûtées. Et cela à l’initiative du galeriste beyrouthin Saleh Barakat, qui œuvre à décentraliser et à promouvoir l’art libanais en régions.
Après y avoir présenté au cours des éditions précédentes des accrochages d’œuvres mettant aussi bien en lumière la collection de toiles (Trésors cachés) appartenant au palais des Émirs que l’évolution de l’art abstrait libanais, le galeriste curateur y programme cette fois deux expositions, jusqu’à fin septembre.
La première annonce ses couleurs, mordorées, inspirées de la magnificence vénitienne, dès la grande cour du palais où trône une majestueuse installation, baptisée Lahab, célébrant la puissance du soleil, entièrement réalisée à la feuille d’or par Zad Moultaka.
S’inscrivant dans le même esprit qu’Oro Tenebris, l’exposition de ce musicien-plasticien, présentée il y a deux mois à la galerie Tanit de Beyrouth et curatée par Naïla Kettaneh-Kunigk, se poursuit par une suite d’œuvres peintes exprimant une « Prière aux ténèbres ». Qui, dans le clair-obscur d’une salle carrée aux voûtes en pierre de taille, trouvent le cadre idéal à l’impression de puissance et de mystère archaïque qu’elles dégagent.
Le paysage libanais dans ses déclinaisons
La seconde exposition, consacrée au paysage Libanais, est divisée en deux volets qui se complètent. Car elle déroule d’une part des représentations figuratives du Liban-Sud réalisées au cours des années 2000 par Abdel-Hamid Baalbaki (1940- 2013), et d’autre part une sélection de peintures immortalisant la nature spécifique aux différentes régions du Liban signées par des artistes libanais contemporains aux techniques et aux styles variés.
Peintre féru de réalisme social et professeur aux beaux-arts de l’Université libanaise, Abdel-Hamid Baalbaki a marqué de son empreinte toute une génération d’artistes actuels de talents. Intrinsèquement tourné vers les représentations de scènes de rue et de genre, destinées à être comprises et appréciées des couches populaires, ce n’est qu’au cours de la dernière décennie de sa vie qu’il s’adonnera à la peinture de paysage, consacrant son temps à peindre la nature verdoyante environnant son village natal de Odeïssé où il s’était retranché. Comme s’il pressentait qu’il fallait immortaliser sa sérénité originelle avant le désastre…
« Car ces collines verdoyantes et ces champs d’oliviers que l’ont voit dans ses huiles sur toile sont aujourd'hui pour la plupart malheureusement réduits en cendre par les agressions israéliennes », indique Saleh Barakat. Lequel, pour atténuer la tristesse de son constat, a choisi de mettre en lumière dans la deuxième partie de cette même exposition, le « pluralisme du paysage libanais » à travers un florilège d’œuvres picturales et photographiques inspirées des panoramas typiques aux différentes régions du pays du Cèdre. A l’instar des plaines de la Békaa que célèbre en peintures et tapisseries Mazen Rifaï ; du mont Sannine que représente dans une abstraction colorée Ribal Molaeb ; des cèdres de Tannourine qu’immortalise dans une technique photographique à l’ancienne Jack Dabaghian ; des pins parasols géants de la montagne qui reviennent inlassablement sous le pinceau de Nada Matta ; des genévriers du Liban-Nord qui foisonnent dans les huiles de Hassan el-Samad ou encore et toujours le Sud et ses horizons que dépeint dans ses toiles au calme inquiétant Oussama Baalbaki...fils de Abdel-Hamid.