Amos Hochstein, le retour ? Ayant pris connaissance du refus du Hezbollah de fermer son « front de soutien » du Hamas à Gaza, l’émissaire américain pour le Liban avait décidé de ne pas relancer son action à Beyrouth avant qu’un cessez-le-feu ne soit négocié dans l’enclave palestinienne, se contentant de contacts continus avec le président du Parlement, Nabih Berry, ainsi que son vice-président Élias Bou Saab. C’était sans compter le pic de tension entre Israël et Hezbollah au Liban-Sud dans la foulée de l’attaque contre le consulat iranien à Damas et la chaîne de ripostes qui a suivi, qui pourrait avoir poussé Amos Hochstein à reprendre ses contacts avec les responsables à Beyrouth avec lesquels il œuvre pour la désescalade via un accord diplomatique.
Selon des informations obtenues auprès de sources diplomatiques et politiques concordantes, il se pourrait même que le diplomate US fasse un nouveau déplacement dans la région, y compris au Liban, dans le but de freiner l’escalade et d’obtenir un retour aux règles d’engagement. Cette démarche rappelle la visite en mars dernier de l’envoyé américain au Liban, lors de laquelle il avait appelé à limiter les affrontements à une distance de cinq kilomètres tout au plus de la frontière. Des appels ayant fait long feu, les attaques atteignant désormais des cibles en profondeur, notamment du côté libanais.
L’objectif d’Amos Hochstein est de calmer les tensions plutôt que d’aller vers une plus grande escalade, d’autant que les Israéliens dépassent dernièrement activement les règles d’engagement, intensifiant leurs frappes en profondeur au Liban. En réponse, le Hezbollah abat de plus en plus de drones à l’aide de missiles sol-air, montrant ainsi sa capacité à mener les confrontations vers une nouvelle étape plus violente. « Nous avons encore de nombreuses surprises en réserve pour les Israéliens s’ils continuent à élargir leur champ d’opérations », affirme un proche de Haret Hreik.
Efforts américano-français
Sans surprise, l’approche américaine consistant à consentir à attendre la fin de la guerre à Gaza a été confrontée au refus de Paris. Les Français ont, en effet, intensifié leurs messages aux Libanais sur la nécessité de régler rapidement le problème, la diplomatie pouvant ne plus avoir de chances si les affrontements s’éternisent. D’autant que les Israéliens risquent d’opter pour une escalade significative de leurs opérations militaires, quitte à frôler la guerre généralisée. Malgré cela, le Liban officiel est resté sur sa position, alignée sur celle du Hezbollah et de Nabih Berry. C’est dans ce contexte qu’il faudrait placer la récente visite de l’envoyé français pour le Liban, Jean-Yves Le Drian, à Washington, et sa rencontre avec Amos Hochstein, à l’heure où les deux capitales mènent des efforts conjoints pour éviter l’escalade. À l’issue de cette visite, les Français ont revu leur initiative (qu’ils avaient soumises aux autorités libanaises il y a quelques mois), retirant notamment le point prévoyant un « retrait du Hezbollah du sud du Litani ». L’initiative française est désormais en phase avec celle des Américains qui évoque l’application de la résolution 1701 (qui prévoit également ce retrait), mais en trois étapes.
C’est donc un nouveau round de la course contre la montre pour la diplomatie en vue de contenir l’escalade sur fond de menaces israéliennes croissantes. Le cabinet de Benjamin Netanyahu – dont le ministre Benny Gantz a dit dimanche que l’heure d’une décision se rapproche – souhaite en effet le retour des habitants des localités frontalières avec le Liban, évacuées depuis le début de la guerre, avant la rentrée scolaire (en septembre). Pour cela, il pourrait user de la force, contrairement à la volonté de Washington. Ainsi, pour atténuer l’intensité des confrontations, les États-Unis pourraient remettre sur la table des incitations relatives au développement économique et des moyens de fournir une aide pour la reconstruction et l’investissement au Liban, notamment dans le domaine du pétrole et du gaz.
« Libérer la richesse pétrolière »
Et le Hezbollah n’en serait pas mécontent. Ce week-end, le responsable des ressources et des frontières au sein du parti chiite, Nawaf Moussaoui, a indiqué dans une interview à la chaîne al-Jadeed que « dans la prochaine étape, l’objectif sera de libérer la richesse pétrolière du Liban du blocus américain ». Le Liban officiel – et derrière lui le Hezbollah – a fait des concessions pour permettre la signature de l’accord de démarcation maritime avec Israël en octobre 2022, dans l’espoir de pouvoir exploiter d’hypothétiques gisements d’hydrocarbures dans la zone économique exclusive libanaise, sans succès jusque-là. « Total a effectué son forage dans les blocs 4 et 9, mais nous doutons de la véracité de ce que dit cette compagnie et préférons que le rapport nous soit fourni », a-t-il ajouté. Fin octobre, le consortium mené par le français TotalEnergies avait abandonné l’exploitation du bloc 4 (situé en face des côtes de Batroun, au Liban-Nord), n’ayant pas détecté un gisement commercialement exploitable. L’aboutissement du processus d’exploration du bloc 9 de la ZEE, déjà lancé, avait, lui, été retardé de plusieurs années. Le timing de ces annonces (intervenant au début de la guerre) a poussé une partie des protagonistes à dénoncer une « punition politique » infligée au Hezbollah pour son soutien au Hamas.
De même, lors de son dernier discours, le secrétaire général du Hezb, Hassan Nasrallah, a mis l’accent sur le dossier du pétrole et du gaz, affirmant qu’il ne pouvait pas laisser Israël extraire du pétrole et du gaz du champ limitrophe de Karish sans que le Liban ne puisse faire de même.
Jusqu’ici et depuis le début de la guerre d’octobre, le parti de Dieu n’a pas visé le champ de Karish ou la plateforme pétrolière qui s’y trouve, bien qu’il ait déjà dans le passé envoyé des drones sur ce champ pour faire fléchir la position israélienne dans les négociations maritimes de 2022. Il est conscient que toute attaque de ce type signifierait une escalade des tensions vers une guerre plus large, ce qu’il ne souhaite pas. Toutefois, pour faire comprendre aux Israéliens que le Hezbollah et ses alliés sont capables de leur causer de graves dommages stratégiques si les affrontements dérapent, des factions irakiennes ont lancé durant cette séquence des drones vers Karish.
« L’insistance des Israéliens, qui traversent une période de trouble économique, à maintenir le fonctionnement de ces plateformes constitue l’un des principaux éléments de pression qui empêchent Tel-Aviv d’élargir le champ de la guerre contre le Liban », estime une source diplomatique occidentale. Quant au Hezbollah, il ne consentira pas à la désescalade sans des engagements internationaux pour reconstruire le Sud et développer les zones touchées par la guerre, en plus de relancer l’exploitation des ressources pétrolières et gazières. Et c’est sur cela que mise Amos Hochstein.
commentaires (11)
Cela ne marchera pas. La finalité de toute guerre est économique (y compris celle d'Israel sur les palestiniens). Donner au Liban un atout meme partiel sur les hydrocarbures sera plus couteux pour Israel que les bombardements du Hezb sur le nord du pays.
Moi
11 h 08, le 24 avril 2024