Le Premier ministre libanais sortant, Nagib Mikati, a assuré samedi que « la plupart des Syriens se trouvant au Liban » seront « expulsés (...) lorsque la communauté internationale reconnaîtra » l'existence de zones sécurisées en Syrie, lors d'une rencontre avec le patriarche maronite, Béchara Raï, à Bkerké. Des propos qui interviennent dans un contexte de tensions exacerbées et d'actes xénophobes envers la communauté syrienne au Liban, après le meurtre dimanche dernier d'un cadre des Forces libanaises (FL) par un gang syrien, selon l'armée libanaise.
« Nous sommes en train de mettre en place une solution à travers nos contacts », a assuré M. Mikati au patriarche maronite, tout en appelant à « faire la distinction entre les Syriens qui travaillent au Liban et ceux qui arrivent au Liban comme réfugiés pour tirer profit (de ce statut) ».
« La solution commence par le fait de considérer la plupart des régions en Syrie comme étant sécurisées pour pouvoir y renvoyer les Syriens qui sont venus au Liban en tant que réfugiés (...) Lorsqu'il y aura des régions sécurisées en Syrie et que la communauté internationale le reconnaîtra, la plupart des Syriens qui se trouvent au Liban sans y exercer un emploi ou sans prétexte légal seront expulsés. Nous respecterons les droits de ceux qui ont des permis de séjour et de travail comme nous respectons n'importe quel citoyen arabe », a encore dit le chef du gouvernement. «Rien n'unit les Libanais aujourd'hui plus que le dossier des déplacés» syriens, a-t-il ajouté.
Critiques de Geagea
Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a pour sa part critiqué samedi « le plan du Premier ministre pour résoudre le problème des réfugiés syriens », notamment l' « expulsion des migrants en situation illégale ». « Ces plans sont une perte de temps. Selon les lois internationales, le Liban n'est pas un pays d'asile. Appliquer la loi au Liban est une décision souveraine qui n'a pas besoin de concertations, ni avec le Haut-commissariat pour les réfugiés (de l'ONU) ni avec les organismes rattachées aux Nations unies ou avec les organisations humanitaires internationales », a écrit M. Geagea sur X.
Le leader des FL a appelé Nagib Mikati et son gouvernement à exécuter les décisions du ministre sortant de l'Intérieur, Bassam Maoulaoui, à cet égard. Il a également suggéré que le ministre sortant de la Défense, Maurice Slim, demande aux services sécuritaires et à l'armée de veiller à l'application de ces décisions sur le terrain. « Si le gouvernement ne met pas ces mesures en oeuvre, il sera pleinement responsable des dégâts que le Liban et les Libanais pourraient subir », a ajouté Samir Geagea.
En octobre dernier, M. Maoulaoui avait lancé une batterie de mesures de répression contre les migrants syriens illégalement installés. Le ministre avait appelé les Forces de sécurité à « stopper les motos conduites par des Syriens qui n'ont pas de titre de séjour ». Il avait également pressé les mohafez (gouverneurs), présidents de municipalités et mokhtars d'appliquer une « interdiction catégorique d'accepter les dons (...) liés aux déplacés syriens » et demandé au gouvernorat de Beyrouth de « combattre la mendicité dans la capitale », dont la responsabilité serait imputée à des réseaux syriens.
Le meurtre, dimanche dernier, du cadre FL Pascal Sleiman, a suscité une vive tension au Liban, avec une recrudescence des violences verbales et physiques contre des ressortissants syriens, et ceux qui les représentent. Depuis lundi, des vidéos montrant des individus agressant des Syriens ou vandalisant leurs voitures circulent en boucle sur les réseaux sociaux. Mercredi, des inconnus ont saccagé un bureau du Parti social nationaliste syrien (PSNS) à Jdita, une localité de la Békaa centrale. Les assaillants ont brisé les fenêtres du bureau, versé de l'essence et tenté de mettre le feu au local avant de s'enfuir en laissant derrière eux un drapeau des Forces libanaises.
Par ailleurs, le chef du gouvernement sortant, dont la visite à Bkerké coïncide avec le 49e anniversaire du début de la guerre civile au Liban le 13 avril 1975, a tenu à appeler à « tirer des leçons » du passé, l'affaire Pascal Sleiman ayant fait ressurgir les spectres de la guerre et fait craindre des dérapages sécuritaires. « Nous commémorons aujourd'hui le 13 avril, date du début de la douloureuse guerre civile (1975-1990). J'appelle les générations qui n'ont pas connu la guerre à en tirer des leçons », a déclaré Nagib Mikati. « Nous serons perdants si nous commençons à nous faire la guerre (...) Tout le monde doit rentrer dans le giron de l'État », a-t-il ajouté.
« Pas de menaces directes »
Interrogé sur les risques, pour le Liban, après l'annonce mercredi du président américain Joe Biden que l'Iran «menace de lancer une attaque importante contre Israël», le chef du gouvernement a déclaré: « Il n'y a pas de menaces directes (pour le Liban), mais les menaces rentrent dans le cadre d'une sorte de guerre préventive. Je ne sais pas s'il y aura des frappes. Dans tous les cas, l'effet de surprise (concernant la frappe) est désormais nul ».
« Le patriarche m'a confié ses craintes sécuritaires, politiques, sociales et économiques. Ces craintes sont légitimes, et la solution réside dans un État fort et capable. La solution commence par l'élection d'un président, la formation d'un nouveau gouvernement pour ensuite mettre en place des réformes généralisées », a encore dit M. Mikati.
Le Liban est sans chef de l'État depuis fin octobre 2022, date de l'expiration du mandat de Michel Aoun. Depuis, le Parlement a tenté à douze reprises d'élire un nouveau président, sans succès, faute de consensus politique.
M. Mikati a par ailleurs critiqué ceux qui « se lamentent » face à la situation et à l'état des institutions. « L'État réunit tout le monde. Il est vrai qu'il y a une augmentation du taux de criminalité, mais la plupart des criminels ont été arrêtés en l'espace de quelques heures ou de jours. Cela est un point positif pour les Forces de sécurité intérieure et les renseignements de l'armée », a-t-il souligné.
Le Premier ministre a également abordé la question du travail du gouvernement sortant, qui continue à se réunir en l'absence de président de la République pour régler sur les affaires les plus pressantes. « J'ai assuré au patriarche que nous ne cherchons à prendre la place de personne (...) Nous allons continuer à travailler parce que nous pensons que notre travail permet de préserver l'État », a déclaré Nagib Mikati, dans une réponse à ceux qui l'accusent de chercher à s'arroger les prérogatives du président de la République.
Un des gangsters de la république reçu par le Patriarche ! Quelle infamie
15 h 42, le 14 avril 2024