Rechercher
Rechercher

Économie - Succès d’entreprise

« Deyermendar », ou le cercle vertueux de la production libanaise responsable

Un couple de trentenaires a fondé sa marque de remèdes naturels à base de plantes (pommades et crèmes, entre autres) à partir de son exploitation agricole cultivée de manière naturelle.

« Deyermendar », ou le cercle vertueux de la production libanaise responsable

Des produits, pommades et crèmes principalement, tous à base de plantes et fabriqués maison sur fond de recettes de grand-mère. Photo Joëlle Abou Chabké

Deux fois par mois, « L’Orient-Le Jour » se propose de raconter les récits d’entreprises libanaises qui prennent des risques et parviennent parfois à obtenir des résultats, en dépit de la crise. Dans ce vingt-et-unième épisode, les jeunes mariés Joëlle Abou Chabké et Melhem Saydé ont tout plaqué pour revenir aux sources sur les hauteurs du Liban et fonder « Deyermendar », une petite entreprise de remèdes naturels à base de plantes. 

Dans le salon de leur appartement situé dans la plaine agricole de Ferzol (Békaa centrale), au milieu duquel trône un poêle à charbon traditionnel, Melhem Saydé (37 ans) et Joëlle Abou Chabké (36 ans) ont le sourire affable des gens sereins. Qui aurait dit qu’il y a quelques années seulement, la jeune femme, diplômée en cinéma, était autoentrepreneur dans son domaine à Paris, et que son mari travaillait dans une grande entreprise d’ingénierie entre le Liban et l’Arabie saoudite ? Quand ils parlent de « Deyermendar », leur entreprise naissante de produits agricoles et de remèdes naturels à base de plante, ils évoquent tout un cheminement vers un retour à la terre et à l’essentiel.

« En 2016, suite à l’épisode de contestation ratée après la crise des déchets (des manifestations anti-corruption avaient été organisées en 2015 sur fond d’amoncellement d’ordures dans les rues et de scandales de corruption, NDLR), je trouvais que ce pays ne me ressemblait plus, et j’ai mis les voiles pour Paris », raconte Joëlle. Il aura fallu la pandémie de Covid-19 et des mois de confinement dans un 28 mètres carrés pour lui faire comprendre qu’elle avait besoin d’un changement de vie.

Joëlle et Melhem, un cheminement vers une philosophie de vie commune. Photo @Bokeh

« La transformation s’opérait déjà en moi puisque j’ai profité de cette période pour prendre des cours en ligne de médecine à base de plantes et me familiariser avec la permaculture (pratiques agricoles visant à produire un environnement harmonieux et durable, NDLR) », se souvient-elle.

Parallèlement, Melhem, qui faisait des allers-retours en Arabie saoudite pour les besoins du travail, a été bloqué six mois dans ce pays pendant la pandémie entre les quatre murs d’une chambre d’hôtel, en raison de la fermeture de l’Aéroport international de Beyrouth en février 2020. Sans connaître Joëlle, il a opéré un cheminement très similaire : un besoin de retour aux sources l’a ramené vers les terrains agricoles familiaux, abandonnés depuis son grand-père, dans la riche plaine agricole de Ferzol.

Dans le même dossier

Munchies House : de la pâtisserie express « made in Lebanon »

Tous les deux de retour au pays, ils se rencontrent via les réseaux sociaux, dans le cadre d’un groupe qui gravite autour des pratiques écologiques et agricoles vertueuses, et de la philosophie de vie qui va avec. « Il m’a invitée un jour à monter à Ferzol, et cet endroit si calme, hors du temps, fut une révélation pour moi », explique Joëlle.

Les fleurs et plantes, entre les fruits et légumes

Mariés depuis un an, les jeunes gens se lancent dans la culture des quelque 80 000 m² de terrains agricoles de la famille de Melhem, quittant momentanément leurs emplois respectifs. « Nous avons dû apprendre l’agriculture et faire petit à petit nos propres expériences », souligne le trentenaire.

Des terrains agricoles dans le village de Ferzol dans la Békaa, à l'origine du projet. Photo Joëlle Abou Chabké

Le choix du couple se porte sur la permaculture qui suppose une variété de cultures dans un même champs, à l’opposé de la monoculture qu’on observe dans les autres terrains de la même plaine. Et la différence se voit à l’œil nu : leurs champs donnent l’impression d’un joyeux désordre, bien qu’ils obéissent au contraire aux impératifs de la nature.

« Comme des plantes et des fleurs poussaient naturellement entre les fruits et légumes, nous avons réfléchi au moyen de les utiliser », se souvient Joëlle. De là est venue l’idée de ces « remèdes de grand-mère » à base de plantes que la jeune femme fabrique désormais, grâce à ses recherches et à ses formations, dans une pièce de la maison transformée en atelier.

Le nom donné à cette gamme vient du fond du dialecte libanais, « Deyermendar », une expression qui veut dire « tout autour ». « Ce nom fait référence au fait que les terrains de ma famille, comme tous les terrains de Ferzol en général, sont éparpillés aux quatre coins du village, et sur plusieurs altitudes », explique Melhem.

Lire aussi

Bildits, des matériaux de construction et des jeux made in Lebanon

Parmi les produits proposés, une crème anti-sécheresse et antiallergique à base de soucis (Calendula), une crème contre les piqûres d’insectes à base de citronnelle, une crème pour soulager les maux musculaires à base de cire d’abeille (locale bien sûr), un baume à lèvres également fait de cire d’abeille, un produit pour booster l’immunité fabriqué à partir de la fleur du sureau noir, une pommade contre la migraine à base de menthe poivrée et une autre relaxante faite de lavande…

« Toute notre gamme est fabriquée à partir de produits qui poussent dans nos terres, ou que l’on acquiert dans des exploitations voisines, pour rester le plus local possible », insiste Melhem.

Les soucis ou la Celendula, une fleur utilisée en abondance dans la fabrication des remèdes naturels de Deyermendar. Photo Joëlle Abou Chabké

Ne pas grandir trop vite

Sur le plan financier, il est difficile au couple de déterminer avec exactitude l’investissement placé dans le projet. « Cet investissement a été graduel dans le projet agricole et échelonné sur quelques années », souligne Melhem. Il précise cependant que les bénéfices générés par Deyermendar permettent dorénavant au projet de rentrer dans ses frais. « Les frais les plus lourds sont ceux de l’électricité et du carburant, précise-t-il. Pour ce qui est de l’électricité, nous pensons nous payer une pompe à eau fonctionnant au solaire qui, malgré son coût élevé, sera économique vu la hausse de la facture d’énergie. »

Les produits Deyermendar plaisent à un public de plus en plus friand de naturel, et sont exposés dans certaines boutiques choisies à Beyrouth et dans ses banlieues, dans un marché qui se limite pour le moment au Liban. Le couple préfère grandir petit à petit, sans hâte, en respectant la production des terrains et les saisons. « Ce qui nous a menés à ce projet, c’est un choix de vie, un retour aux sources et à l’essentiel, nous n’avons pas envie qu’il se transforme en un rythme effréné qui ressemble à ce qu’on a pu vivre avant », affirme Joëlle.

Des fruits et légumes cultivés sur leurs terres. Photo Joëlle Abou Chabké

Pour autant, le couple ne renonce pas aux projets d’avenir, et les deux ont repris leurs carrières respectives pour pouvoir se les permettre. Outre le développement de leurs terrains agricoles et de nouveaux produits, leur rêve le plus fou est de construire une maison écologique à base de matériaux traditionnels, sur les hauteurs du village, où ils pourront vivre et organiser des activités. 

Deux fois par mois, « L’Orient-Le Jour » se propose de raconter les récits d’entreprises libanaises qui prennent des risques et parviennent parfois à obtenir des résultats, en dépit de la crise. Dans ce vingt-et-unième épisode, les jeunes mariés Joëlle Abou Chabké et Melhem Saydé ont tout plaqué pour revenir aux sources sur les hauteurs du Liban et fonder «...

commentaires (4)

Une excellente initiative: un couple qui pense 'outside the box'. Une idee qu'une grande majorite de Libanais devraient developper pour le long terme a tous les niveaux.....

Sabri

14 h 56, le 01 avril 2024

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • Une excellente initiative: un couple qui pense 'outside the box'. Une idee qu'une grande majorite de Libanais devraient developper pour le long terme a tous les niveaux.....

    Sabri

    14 h 56, le 01 avril 2024

  • ...et ca protège les proprios de ces terres du vol , de la mainmise et/ou de l invasion sale de certain groupes !

    Marie Claude

    12 h 40, le 01 avril 2024

  • Wow...Bravo! ce retour soudain a la Terre au Liban...!

    Marie Claude

    12 h 38, le 01 avril 2024

  • Excellente initiative ! Bravo ! Pourriez vous partager votre site internet pour de la vente à l’export ?

    SFEIR CARLA WILLIAM

    12 h 10, le 01 avril 2024

Retour en haut