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Moyen-Orient - ENTRETIEN EXPRESS

« Pour l’instant, rien de concret n’indique que la coalition en Israël s’effrite »

Thomas Vescovi, chercheur indépendant en histoire et spécialiste du conflit israélo-palestinien, répond aux questions de « L’Orient-Le Jour ».

« Pour l’instant, rien de concret n’indique que la coalition en Israël s’effrite »

Le ministre israélien des Finances Bezalel Smotrich (à gauche) aux côtés du Premier ministre, Benjamin Netanyahu, à Jérusalem, le 25 juin 2023. Photo AFP

Jamais les signes de défiance à l’encontre de Benjamin Netanyahu n’ont semblé aussi nombreux. Signe d’une frustration croissante des États-Unis envers le Premier ministre israélien, son rival Benny Gantz se rendait début mars à Washington contre son gré. Lundi soir, le ministre centriste Gideon Saar a démissionné suite au refus qu’il a essuyé pour qu’il intègre le cabinet de guerre, accroissant la pression sur Benny Gantz pour en faire de même. Ce dernier a par ailleurs menacé de quitter le gouvernement d’urgence dans le cas où une loi prolongeant l’exemption du service militaire pour les ultraorthodoxes serait votée. Thomas Vescovi, chercheur indépendant en histoire et spécialiste du conflit israélo-palestinien, répond aux questions de « L’Orient-Le Jour » sur la possibilité d’élections anticipées en Israël.

Quelles sont les chances que Benny Gantz quitte ses fonctions au sein du cabinet de guerre ? Quel serait l’impact pour le gouvernement de Benjamin Netanyahu ?

Depuis le début de l’opération israélienne menée sur Gaza, Benny Gantz se montre particulièrement loyal. Il ne veut parler que de ça et refuse d’aller sur d’autres considérations politiques. Il n’empêche que le répit que Netanyahu a pu obtenir, alors même que la société israélienne – y compris au sein de son électorat – le considère grandement responsable du chaos du 7 octobre et de l’incapacité de l’armée israélienne à véritablement ramener les otages et éradiquer le Hamas, s’explique avant tout par l’entrée dans le cabinet de guerre de figures issues de l’opposition dans le cadre d’un gouvernement d’urgence nationale. Sans la présence d’un Benny Gantz ou d’un Gadi Eisenkot (observateur du cabinet de guerre et ministre sans portefeuille, NDLR), il est évident que Netanyahu perd absolument toute forme de ce qui lui reste de légitimité et de crédibilité. Il n’aura donc pas d’autre choix que de s’en remettre aux urnes puisque s’il continue à estimer qu’il peut manœuvrer et rester au pouvoir jusqu’aux prochaines élections prévues en 2026, la société israélienne risque, elle, de bruyamment se manifester bien plus qu’elle ne le fait jusqu’à présent.

Des élections anticipées sont-elles réalistes dans le contexte actuel, sachant que les dernières législatives ont été répétées plusieurs fois faute de pouvoir former une coalition ?

Jusqu’à présent, les Israéliens restent majoritairement opposés à des élections en temps de guerre. Dès lors, il faut évidemment imaginer que les élections anticipées ne pourraient avoir lieu que dans le cadre d’un cessez-le-feu temporaire ou permanent. De même, elles ne seraient convoquées que si vous avez à la Knesset un réel blocage qui empêche le gouvernement de continuer. Il est très peu probable que Netanyahu, de lui-même, dissolve son gouvernement. Pour qu’il y ait un blocage au Parlement, il faudrait que la coalition gouvernementale s’effrite, et pour l’instant, rien de concret ne l’indique. Certes, les critiques montent, mais il est évident que les membres du gouvernement – notamment au Likoud, mais également à l’extrême droite – voient les sondages comme tout le monde et savent très bien qu’il y a un risque réel d’aller aux élections sans avoir un tant soit peu obtenu des choses, disons « positives », de leur point de vue, à Gaza. Pour le Likoud, il s’agit d’un retour des otages. Pour l’extrême droite, d’un début de recolonisation de la bande de Gaza, puisque c’est ce qu’elle souhaite vivement.

Cependant, la question de la conscription des ultra-orthodoxes est un point susceptible de fracturer la coalition au pouvoir. Alors que des sessions de la Knesset autour de projets de loi visant à placer les ultra-orthodoxes dans l'effort collectif de la société israélienne pour faire face à la guerre à Gaza doivent avoir lieu cette semaine, ces derniers qui bénéficient d'une exemption de conscription se voient de plus en plus sollicités, voire poussés à participer à l'effort de guerre. Or, pour les partis ultra-orthodoxes, leur enrôlement militaire est une ligne rouge à ne pas franchir. Il est évident que si Netanyahu ne parvient pas à trouver un terrain d'entente, la coalition ne pourra pas tenir très longtemps. 

Si le scrutin avait lieu, pourrait-il jouer en faveur de Benjamin Netanyahu ?

L’issue des élections est très incertaine. Il ne faut pas oublier que les sondages actuellement publiés, qui laissent voir une espèce de défaite claire et évidente du camp Netanyahu, sont réalisés dans le cadre de la guerre. Les opinions publiques sont donc chauffées à blanc par ce qui se passe à Gaza et par le sort des otages. Mais rien ne dit que ce soit le cas demain, dans le cadre d’une négociation ou même si l’armée israélienne parvenait à mettre la main sur un des hauts dirigeants du Hamas ou sur une cache avec de nombreux otages. Il y a fort à parier que Netanyahu pourrait redorer son image en expliquant que la ligne qu’il a tenue – refus de négociations sur les conditions du Hamas et surtout opération militaire jusqu’au-boutiste – est celle qui a permis d’accéder à ce résultat, et cela pourrait donc complètement s’inverser dans les sondages et Netanyahu pourrait remonter. 

La société, pendant toute l’année 2023, a été fracturée par des manifestations et un mouvement populaire d’ampleur. Sauf que, évidemment, le 7 octobre a empêché d’aller au bout de ce processus politique contestataire. Et donc, depuis le 7 octobre, on a vu différents dirigeants israéliens annoncer leur retrait de la vie politique, estimant qu’ils ont fait leur temps et que l’événement impose une nouvelle séquence et donc de nouvelles figures politiques. Il est possible que de nouvelles coalitions ou alliances puissent se former. Il est malheureusement bien trop tôt pour pouvoir en parler tant qu’une guerre à caractère génocidaire continue dans la bande de Gaza et surtout tant qu’il n’y a, en Israël, aucune volonté majoritaire d’aller aux élections.

Pour Netanyahu, la stratégie est de gagner du temps coûte que coûte. Il n'a pas de projet sur le long terme, pas même jusqu'en 2026. Il a une première vision : l'élection présidentielle américaine prévue en novembre 2024 et l'espoir de voir un Donald Trump remporter le scrutin. Cela lui donnerait le champ libre pour pouvoir agir à sa guise en Israël et vis-à-vis des Palestiniens, redorer son blason et démontrer à quel point il est le seul et unique maître du pays. 

Jamais les signes de défiance à l’encontre de Benjamin Netanyahu n’ont semblé aussi nombreux. Signe d’une frustration croissante des États-Unis envers le Premier ministre israélien, son rival Benny Gantz se rendait début mars à Washington contre son gré. Lundi soir, le ministre centriste Gideon Saar a démissionné suite au refus qu’il a essuyé pour qu’il intègre le cabinet de...

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Si Natanyahou attend l'élection de Trump en Novembre pour se rassurer , il risque fort d'ici là de voir son tableau totalement renversé ! S'il croit que son pays ne sera pas unanimenent condamné par l'immense majorité des habitants de la planète, il se trompe vraiment ! Même Trump vient d'alerter sur ce danger ! Et Trump n'est pas aveugle !

Chucri Abboud

13 h 19, le 27 mars 2024

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Commentaires (2)

  • Si Natanyahou attend l'élection de Trump en Novembre pour se rassurer , il risque fort d'ici là de voir son tableau totalement renversé ! S'il croit que son pays ne sera pas unanimenent condamné par l'immense majorité des habitants de la planète, il se trompe vraiment ! Même Trump vient d'alerter sur ce danger ! Et Trump n'est pas aveugle !

    Chucri Abboud

    13 h 19, le 27 mars 2024

  • Il faudrait qu’une coalition de militaires se forme par l’ONU pour interdire aux extrémistes de coloniser Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem et de bouter les ultras extrémistes hors de ses colonies pour permettre à la Palestine de créer leur état souverain.

    Mohamed Melhem

    03 h 57, le 27 mars 2024

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