Le chef du Courant patriotique libre (CPL, aouniste), Gebran Bassil, a appelé vendredi soir le patriarcat maronite à organiser une réunion des principaux partis chrétiens libanais, afin de faire face à ce qu'il a qualifié « d'exclusion délibérée » des chrétiens de la politique, dont il accuse régulièrement le Premier ministre sortant Nagib Mikati.
Dans un discours prononcé à l'occasion du dîner annuel de collecte de fonds de son parti, M. Bassil a demandé à Bkerké de « réunir les leaders » chrétiens et « d'élever la voix contre l'exclusion délibérée subie par la composante chrétienne, de la présidence de la République jusqu'au plus petit fonctionnaire des douanes de l'État ».
Alors que la vacance présidentielle se poursuit depuis plus d'un an, le gouvernement sortant, qui est uniquement chargé de l'expédition des affaires courantes, s'est réuni à de nombreuses reprises, pour adopter une série de mesures et notamment nommer des fonctionnaires et hauts responsables. Le CPL et M. Bassil s'opposent avec virulence aux réunions du Conseil des ministres, estimant qu'elles empiètent sur les prérogatives normalement réservées au chef de l'Etat, une fonction traditionnellement réservée aux chrétiens maronites.
Un plan d'action
Les ministres proches du CPL ont jusqu'à présent boycotté toutes les réunions du gouvernement. Dans la foulée, le chef de ce parti avait menacé, en février dernier, de présenter une pétition parlementaire contre le Premier ministre intérimaire devant la Haute cour chargée de juger les présidents et ministres. Une menace lancée après que le cabinet avait nommé l'officier de confession druze Hassane Audi comme chef d'état-major sans le feu vert du ministre de la Défense, Maurice Slim, un proche du CPL et de l'ex-chef de l'Etat, Michel Aoun. De son côté, le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, a critiqué à plusieurs reprises les réunions du cabinet.
Dans son discours, M. Bassil, député de Batroun, a exhorté Bkerké à « lancer l'invitation » à une telle réunion, même si certaines composantes pourraient « refuser de répondre à son appel ». « La responsabilité de Bkerké est d'inviter les protagonistes, et celui qui ne répond pas porte la responsabilité de son absence et de son exclusion devant l'histoire et le peuple », a-t-il lancé. En plus du CPL, les principaux partis de la scène politique chrétienne incluent les Forces libanaises (FL) de Samir Geagea et le courant des Marada de Sleiman Frangié, tous deux farouches opposants de Gebran Bassil.
Le chef du CPL a souligné, en outre, dans son discours qu'un plan d'action devrait également être immédiatement mis en œuvre, incluant un programme « pour faire face aux crises économique et politique du pays et pour affronter la série de crimes gouvernementaux contre la composante chrétienne », ainsi que des pressions pour mettre en œuvre l'Accord de Taëf, qui avait mis fin à la guerre civile libanaise en 1990. Plusieurs aspects de cet accord, notamment la création d'un Sénat à établir après l'abolition du confessionnalisme politique, la décentralisation administrative et le désarmement de toutes les milices, libanaises ou non, n'ont jamais été appliqués.
« Nous soutenons la résistance, mais... »
M. Bassil a également déclaré que son parti « n'a pas rompu l'entente avec le Hezbollah » mais que l'alliance entre les deux « nécessite d'être améliorée, ce qui n'a pas encore eu lieu ». Selon lui, c'est plutôt le Hezbollah qui « a quitté l'accord lorsqu'il a abandonné le principe de construction d'un Etat, le partenariat avec le CPL et a brisé le plafond de protection du Liban ».
L'alliance entre les deux partis, initialement scellée en 2006 avec l'entente dite de Mar Mikhaïl, a connu de nombreuses tensions ces derniers mois. Elles ont commencé après que le Hezbollah a soutenu la candidature de Sleiman Frangié à l'élection présidentielle. Et depuis que le Hezbollah est entré en conflit actif avec Israël dans le sud du Liban le 8 octobre 2023, M. Bassil a de nouveau élevé la voix contre son ancien allié, critiquant, entre autres, la politique de « l'unité des fronts » de la résistance contre Israël, prônée par le parti chiite. C'est au nom de cette unité, et du « soutien » à Gaza, que le Hezbollah a ouvert le front au Liban-Sud. Face aux soubresauts subis par son alliance avec le CPL, une délégation du Hezbollah s'était rendue, début mars, au domicile de Michel Aoun, pour tenter de recoller les morceaux.
À ce sujet, M. Bassil a clarifié que le CPL « n'a pas changé sa position et continue de soutenir la résistance contre Israël tant que l'armée libanaise n'est pas capable de mener à bien cette mission seule », soulignant toutefois que « la libération de la Palestine ne doit pas être uniquement la responsabilité du Liban mais principalement celle des Palestiniens ». Il a ajouté : « Nous et les Arabes aidons, chacun dans la mesure de nos capacités. Le Liban a beaucoup payé et paie encore, avec la mort de sa jeunesse résistante ».
Plus de 200 membres du Hezbollah ont été tués depuis le début de ces combats entre le parti chiite pro-iranien et l'armée israélienne, ainsi que près de 50 civils.
« La position de soutien du Liban, en particulier parmi les chrétiens, est essentielle car » les dirigeants israéliens « commettent un génocide et un nettoyage ethnique » et tentent de le présenter comme un « conflit musulman-juif », a encore estimé Gebran Bassil, selon lequel le Liban « ne peut pas rester neutre dans le conflit avec Israël, mais doit pratiquer la neutralité concernant les conflits qui lui nuisent ».
commentaires (24)
Pourquoi me censurer et ne publier qu’un de mes commentaires sur 3. Vous nous taper sur le système avec votre censure qui n’a ni queue ni tête, tout comme le pays d’ailleurs.
Sissi zayyat
22 h 14, le 17 mars 2024