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Moyen-Orient - Soft power

En Égypte, l'Arabie saoudite s'invite sur la scène culturelle et inquiète

Pour la célèbre critique culturelle égyptienne Magda Kheirallah, « il y a une différence entre un partenariat et le financement : dans un partenariat, il y a une production artistique des deux côtés ; là, la partie saoudienne apporte uniquement des fonds (...) alors que nous proposons nos oeuvres, nos artistes, nos stars, notre musique ».

Le président de l'Autorité saoudienne du divertissement, le très puissant Turki Al-Sheikh, et des célébrités égyptiennes lors de la première « Soirée musicale saoudo-égyptienne » à l'Opéra du Caire, en février 2024. Photo Instagram / @turkialalshik

Célébrée en grande pompe, une nouvelle « coopération » culturelle entre l'Égypte et l'Arabie saoudite suscite des critiques au Caire, capitale historique de la culture arabe, où certains redoutent une « OPA » de Riyad.

Début février, la ministre égyptienne de la Culture, Nevine al-Kilani, a rencontré le président de l'Autorité saoudienne du divertissement, le très puissant Turki Al-Sheikh, pour discuter « des moyens de soutenir les coopérations » notamment pour « le théâtre, le cinéma et la chanson ». Ils ont associé un troisième acteur : la société de production « United media services », proche du renseignement égyptien, qui possède une bonne part des médias et des entreprises de divertissements d'Égypte.

Pour la célèbre critique culturelle égyptienne Magda Kheirallah, « l'Arabie saoudite veut changer les stéréotypes sur son rapport à l'art », alors que la première séance publique de cinéma a eu lieu en avril 2018 à Riyad après plus de trois décennies d'interdiction au nom d'une lecture ultrarigoriste de l'islam.

L'Arabie, « seule aux commandes » 
Mais, dit-elle, l'échange entre le royaume ultraconservateur riche en pétrodollars et l'Égypte, phare culturel en perte de vitesse et en pleine crise économique, est inégal. « Il y a une différence entre un partenariat et le financement : dans un partenariat, il y a une production artistique des deux côtés ; là, la partie saoudienne apporte uniquement des fonds (...) alors que nous proposons nos oeuvres, nos artistes, nos stars, notre musique », assure-t-elle.

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Turki al-Cheikh, lui, a défendu sur les télévisions égyptiennes une « complémentarité » qui bénéficiera à tous. « L'Égypte regorge de talents et de professionnels et l'Arabie vit une renaissance énorme, donc en se complétant l'une l'autre, elles pourront faire ensemble un grand bond en avant », a-t-il martelé.

Depuis sa création en 2016, l'Autorité saoudienne du divertissement a organisé de nombreux événements culturels ou sportifs en vue d'attirer 30 millions de touristes chaque année d'ici 2030. Très souvent en faisant appel à des artistes, acteurs, musiciens et autres chanteurs égyptiens.

« On ne peut pas créer une scène artistique du jour au lendemain, donc il faut faire appel à des professionnels confirmés », estime Mme Kheirallah, en allusion à la scène égyptienne, poids lourd du cinéma et de la chanson arabe depuis un siècle.

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Mais le procédé ne va pas sans encombre. En février, la première « Soirée musicale saoudo-égyptienne » a fait polémique. Organisée à l'Opéra du Caire, avec en tête d'affiche le maestro Omar Khayrat, le « King » Mohammad Mounir ou encore la reine de la pop arabe Sherine Abdel Wahab, la soirée a attiré toutes les célébrités du pays. Mais pour Hind Salama, responsable de la couverture de l'actualité théâtrale du magazine égyptien Rose al-Youssef, « il n'y a eu aucun respect pour le lieu ». « L'Opéra du Caire est le symbole par excellence de la culture en Égypte, ce n'est pas une scène privée », dit-elle encore à l'AFP. Or, ajoute-t-elle, « l'Autorité saoudienne du divertissement était seule aux commandes pour les invitations : elle a choisi uniquement des célébrités et ignoré le public » qui devait se contenter d'une retransmission à la télévision.

Et surtout, ajoute le critique égyptien Mohammad Abdelkhaleq, elle a fait fi de la décision du ministère égyptien de la Culture de suspendre toute célébration festive en solidarité avec les Palestiniens bombardés sans répit dans la bande de Gaza par Israël depuis le début de la guerre déclenchée le 7 octobre par l'attaque sans précédent du mouvement islamiste Hamas sur le sol israélien.

« Imposer son contrôle » 
« Le Festival de cinéma du Caire, le Festival de la musique arabe, tout a été annulé, alors pourquoi pas ça ? Est-ce que les massacres à Gaza auraient cessé ? », s'emporte le critique.

Pour mémoire

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L'Arabie saoudite, elle, poursuit son offensive de charme sous l'impulsion du vaste programme de réformes du prince héritier et dirigeant de facto, Mohammad ben Salmane, qui cherche à diversifier l'économie du premier exportateur mondial de pétrole.

L'Autorité du divertissement a déjà donné, fait très rare, la nationalité saoudienne à la star de la comédie populaire égyptienne Mohammad Heneydi, au présentateur de talk-show Amr Adib et à d'autres célébrités. Turki al-Cheikh a annoncé lancer le fond « Big Time » pour les films arabes (plus de 80 millions de dollars), mettant en exergue l'importance des financements.

Dans les années 1950, l'Égypte était le troisième producteur mondial de films. Aujourd'hui, elle revendique trois quarts de la production cinématographique arabe. Celle-ci à chuté à 21 films en 2022, alors que l'Égypte traverse ces dernières années la pire crise économique de son histoire. Pour autant, estime Mme Kheirallah, « il ne faut pas imposer aux créateurs des idées qui vont contre leurs convictions, car alors ce serait uniquement une façon d'imposer, par l'argent, un contrôle sur eux ».

Célébrée en grande pompe, une nouvelle « coopération » culturelle entre l'Égypte et l'Arabie saoudite suscite des critiques au Caire, capitale historique de la culture arabe, où certains redoutent une « OPA » de Riyad.Début février, la ministre égyptienne de la Culture, Nevine al-Kilani, a rencontré le président de l'Autorité saoudienne du divertissement, le...

commentaires (1)

Je ne savais pas que pour le divertissement existe une « autorité » ok pour un ministère, pour une association, pour une organisation de promotion pour tout divertissement,..mais AUTORITÉ?? Du divertissement ? L’autorité c’est « la force qui oblige à appliquer les lois «  ça s’applique à la police, armée, forces de sécurité, aux organismes qui obligent les gens de respecter et éventuellement payer des droits ( redevances etc..) mais pour le divertissement ? Forcer les gens à se divertir ? Ou les autoriser pour qu’ils puissent se divertir ? Je ne sais pas pour vous mais ça me paraît incongru

LE FRANCOPHONE

14 h 44, le 18 mars 2024

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Commentaires (1)

  • Je ne savais pas que pour le divertissement existe une « autorité » ok pour un ministère, pour une association, pour une organisation de promotion pour tout divertissement,..mais AUTORITÉ?? Du divertissement ? L’autorité c’est « la force qui oblige à appliquer les lois «  ça s’applique à la police, armée, forces de sécurité, aux organismes qui obligent les gens de respecter et éventuellement payer des droits ( redevances etc..) mais pour le divertissement ? Forcer les gens à se divertir ? Ou les autoriser pour qu’ils puissent se divertir ? Je ne sais pas pour vous mais ça me paraît incongru

    LE FRANCOPHONE

    14 h 44, le 18 mars 2024

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