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Culture - Musique

Félicien Brut, l’accordéoniste français qui souffle sur Beyrouth

Pour sa deuxième participation au Festival al-Bustan, le musicien français aura passé deux semaines entre représentation sur la corniche, jam sessions, concert classique (ce vendredi 15 à l’église Saint-Joseph) et pérégrinations touristiques.

Félicien Brut, l’accordéoniste français qui souffle sur Beyrouth

L'accordéoniste français Félicien Brut. Photo DR

Avant d’arriver à Paris sous Louis-Philippe dans les bagages d’immigrés russes, polonais et italiens, l’accordéon avait été inventé à Vienne en 1829. Il était alors prisé des dames de la noblesse, qui en jouaient dans leurs salons. Très vite, il est récupéré en France par les Auvergnats dans les bals musettes qui connaissent alors un essor conséquent. Natif d'Auvergne, Félicien Brut n’a pas grandi, comme le veut souvent la tradition, dans une famille de musiciens. Il reçoit son tout premier accordéon, un jouet en plastique, à l’âge de deux ans et tombe éperdument amoureux du son émis par l'instrument. Tout jeune, ses parents l’emmènent souvent aux bals musettes et le petit Félicien ne tarde pas à se passionner pour l’accordéon et la musique populaire. Il confie avoir été un garçon plutôt sérieux, bon élève, tentant le concours de médecine avant de s'orienter vers la physique-chimie, pour ne pas angoisser ses parents. Mais un drame dans son cercle familial le fera changer d'avis. Son cousin, alors âgé de 20 ans comme lui, est tué dans un accident de voiture. Félicien réalise alors qu’il faut absolument faire ce qu’on a envie de faire et prendre quelques risques puisque l'on ne sait jamais quand sonne l’heure du départ définitif.

Félicien Brut est d’abord un interprète de musette et le revendique avec ferveur. Avec le Trio Astoria, une formation dédiée au Nuevo Tango d’Astor Piazzolla, il sort, en 2016, son premier album Soledad del Escualo et décide alors de constituer son propre programme de musique classique en y associant le répertoire musette. Virtuose, raffiné, sensible, le musicien s’emploie à ériger des passerelles entre musiques populaire et savante.

Félicien Brut sur la scène du Festival al-Bustan 2024. Photo DR

L'Orient-Le Jour l'a rencontré au lendemain de son concert en duo avec le clarinettiste Joë Christophe et d’une performance qui a amené sa musique dans la rue, sur la corniche à Aïn el-Mreissé où il a séduit un public complètement éclectique et dont il garde un souvenir ému. Très prolixe sur le rôle de la musique, Félicien Brut l’est aussi sur le Liban. Il se dit touché « par la profonde envie de vivre pleinement des Libanais » qui,  pour lui, s’est encore renforcée depuis l’année dernière et très « chamboulé par ce pays dont on ne revient pas indemne à l’instar de nombreuses personnes qu’il a croisées ».

« C’est encore plus fort pour moi de faire de la musique dans ce pays. Si elle peut permettre d’échapper à la morosité ne serait-ce que le temps d’un concert et susciter une émotion collective, c’est là que je me sens profondément humain. Cela va à l’encontre de la situation actuelle, voire des modes de vie des sociétés d'aujourd’hui et de leurs addictions aux réseaux sociaux », indique le musicien qui affirme croire à la beauté de cette « capacité humaine à se retrouver pour partager des moments forts en émotion, c’est fondamental ».

« Le rêve collectif est très important. Nous, les musiciens, défendons quelque chose de plus grand que nous et c’est très dur de se sentir légitime dans ce rôle, c’est une question existentielle de tous les jours. La musique sert à remuer des choses que l'on aurait du mal à remuer avec les mots », poursuit-il.

L'instrument qui a tracé sa route

La musique classique que l'accordéoniste découvre sur le tard en tant que jeune adulte provoque chez lui un véritable engouement. « Elle n’est réservée à personne », insiste-t-il. Il suffit de pousser la porte d’une salle de concert et de se laisser surprendre. Le seul risque que l'on prend, c’est de s’ennuyer une heure, ce qui n’est pas bien grave, observe-t-il.  « D’ailleurs, c’est important d’accepter de s’ennuyer et de ne pas apprécier. La première fois, on sera un peu déstabilisé, puis la deuxième, un peu moins, en fait plus on y goûte, plus on aime cela, ce qui nécessite un peu d’initiation et se heurte aussi au goût de l’époque où nous sommes happés par l’instantané, analyse l'accordéoniste pour qui aller au concert revient à s’engager dans l’inconnu et à se laisser gagner par cette part de magie que représente la musique dont on ne maîtrise pas tous les paramètres.

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L' accordéon véhicule souvent une connotation surannée, étant la plupart du temps associé aux bals musettes mais, en réalité, il est inhérent à la musique classique depuis très longtemps. « En Russie, par exemple, il est présent dans le répertoire classique depuis le début du XXe siècle, explique l'artiste dont la rencontre, à 30 ans, avec Richard Galliano, premier accordéoniste à avoir mené une carrière internationale d’envergure et dans tous les registres musicaux, a été déterminante. « Il m’a appris que c’était possible », confie-t-il à propos du maître dont il loue la générosité.

Le rapport entre l’accordéon et la musique classique est en pleine mutation. Félicien Brut ne l’attribue pas à sa génération mais a un très long cheminement. Il rappelle que l’accordéon est un instrument relativement récent, qui doit encore tracer sa route, ce qui suppose de passer des commandes aux compositeurs d’aujourd’hui pour lui inventer un répertoire en musique classique. « Il faut amener l'accordéon là où on ne l’attend pas », martèle-t-il. D’où ses efforts pour l’intégrer dans des compositions classiques ainsi que pour inclure de la musique moderne dans ses concerts. « Je crois aussi qu’il faut respecter ce côté populaire de l’accordéon, c’est un instrument connu », dit-il.

Ni grande ni petite musique

Pendant longtemps, la musique classique se transmettait par l'écrit tandis que les musiques dites populaires étaient plus orales. La première avait une forme longue et complexe alors que la deuxième était courte et simple. Puis l’enregistrement est né et les Queen ont sorti Bohemian Rhapsody qui fait quelque 7 minutes. « Ce morceau n’est-il pas de la musique classique ? » interroge l'accordéoniste français.

Félicien Brut sera en concert le 15 mars à l’église Saint-Joseph pour la Petite Messe solennelle de Rossini,  « un petit opéra qui comprend tout. Truculence, humour, drame, formation étrange écrite à la base pour un petit chœur : 4 solistes soprano, alto, ténor, basse, piano et harmonium, que l'on remplace depuis quelques années par un accordéon car il s’y prête complètement », précise-t-il. Un exercice périlleux qui devrait être un moment fort du festival.

Avant d’arriver à Paris sous Louis-Philippe dans les bagages d’immigrés russes, polonais et italiens, l’accordéon avait été inventé à Vienne en 1829. Il était alors prisé des dames de la noblesse, qui en jouaient dans leurs salons. Très vite, il est récupéré en France par les Auvergnats dans les bals musettes qui connaissent alors un essor conséquent. Natif d'Auvergne,...

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