Rechercher
Rechercher

Moyen-Orient - Focus

La cause LGBTQ+, vitrine utilisée par Israël contre les Palestiniens

Derrière le soutien affiché par l’État hébreu à la communauté queer, des témoins dénoncent des stratégies toutes autres : menaces de révéler leur homosexualité, intimidations ou encore moqueries.

La cause LGBTQ+, vitrine utilisée par Israël contre les Palestiniens

Un soldat israélien posant avec le drapeau des Fiertés LGBTQ+ sur lequel est écrit « Au nom de l'amour » à Gaza, devant des immeubles détruits. Photo publiée par le compte officiel de l'État d'Israël sur X le 13 novembre 2023.

« À vomir. » Ces photos ont beau avoir été publiées il y a quatre mois, Hussam ne les digère toujours pas. « Comment on peut se mettre en scène comme ça, au milieu d'un champ de bataille ? » s’indigne le Palestinien de 29 ans, né à Riyad de parents gazaouis et vivant en Allemagne.

La source de son dégoût : une publication du 13 novembre 2023 par le compte officiel de l’État d’Israël sur X. Avec deux photos d’un soldat israélien, l’une devant un tank, l’autre près de bâtiments en ruine. Dans les mains du soldat, un drapeau arc-en-ciel. « Le tout premier drapeau des Fiertés hissé à Gaza. Yoav Atzmoni, membre de la communauté LGBTQ+, a voulu envoyer un message d'espoir à la population de Gaza vivant sous la brutalité du Hamas », ajoute le texte associé. Sur les bandes de couleur du drapeau des Fiertés est écrit « Au nom de l’amour », comme une devise. Martelée en anglais, arabe et hébreu.

Analyse

Israël, la nouvelle Afrique du Sud de l’apartheid ?

Et cette communication ne s'arrête pas là : le lendemain, Israël publie une vidéo sur son compte Instagram, un dessin animé représentant une marche des Fiertés à Haïfa. La joie se lit sur les visages, le drapeau israélien est brandi à côté de l’arc-en-ciel. Un écran noir s’affiche soudain, avec ce texte : « Pendant ce temps à Gaza » ; puis le dessin se transforme. Les manifestants deviennent des combattants du Hamas. Une femme est jetée d’un balcon, un corps dégouline de sang au premier plan. « Tenez-vous du bon côté de l’histoire. Tenez-vous avec Israël contre le Hamas », assène la légende.

« C’est honteux ! Savent-ils seulement combien de victimes LGBTQ+ figurent dans les Palestiniens qu’ils ont tués ? » réagit Amir, jeune Palestinien de 20 ans vivant à Naplouse. « J’ai trois amis queers à Gaza, deux sont morts », poursuit-il, révolté. Hussam, lui, lâche avec un soupir : « Quand on sait qu’ils forcent des Palestiniens queers à devenir indicateurs… »

« S’ils voient qu’on est gay, ils le clament »

Nombreuses sont les personnes LGBTQ+ de Gaza et de Cisjordanie à condamner ainsi « une hypocrisie » d’Israël sur la question queer et à dénoncer des pièges tendus par les renseignements ou l’armée israélienne contre eux. « Les colons ont renforcé leurs barrages entre les villes. Ils regardent les téléphones de tout le monde et s’ils voient qu’une personne est gay, ils le clament pour l’afficher aux yeux de tous », raconte Youssef, natif de Hébron en Cisjordanie occupée. Depuis le 7 octobre, le jeune homme de 25 ans redouble de vigilance en ouvrant Grindr, application de rencontres similaire à Tinder et utilisée par la communauté LGBTQ+. « Je fais très attention. Je ne partage ni informations personnelles ni photos. Car ça peut être utilisé contre nous. »

Pour les voyages, Youssef a trouvé la parade : garder son téléphone à 0 % de batterie lors de ses trajets. « Comme ça, ils ne peuvent rien fouiller. » Un autre Palestinien de la région de Hébron fait le même constat : « Ils prennent des photos des gens et menacent de les diffuser s'ils ne donnent pas d’infos ou ne coopèrent pas... » Mais il préfère couper court à la conversation, par précaution.

Grand angle

Homosexualité et monde arabo-musulman, l’amnésie collective

Sur une dizaine de témoignages recueillis, le même mode opératoire revient : collecter des informations sur une personne, la menacer de les divulguer, la forcer à collaborer avec Israël. « Après l’attaque du Hamas, certains ont créé un groupe de discussions entre amis. Ils proposaient d’« outer » leurs connaissances LGBTQ+ palestiniennes pour qu’ils soient tués par le Hamas », lance par exemple Ayman*, originaire de Naplouse, ville de l’ouest de la Cisjordanie.

L’outing, cette pratique consistant à révéler publiquement l’homosexualité d’une personne contre son gré, sert de moyen de pression à l’armée israélienne – entre autres. Dès 2014, l’association palestinienne queer Qaws dénonçait « le chantage par la sexualité, tout aussi oppressif que le chantage basé sur l’accès aux soins, la liberté de mouvement, la révélation d’infidélités conjugales, les finances, l’utilisation de drogues ou quoi que ce soit d’autre ». Des méthodes qui n'étonnent pas Jean Stern, journaliste et auteur de Mirage gay à Tel- Aviv, publié en 2017. « L'armée israélienne piège les Palestiniens LGBT et les méprise, elle les présente uniquement comme victimes du Hamas. Comme s'ils n'étaient pas d'abord victimes de l'occupation ! » poursuit-il.

La macabre affaire Zuhair Ghalit

Qu’ils viennent de Gaza ou de Cisjordanie, tous les témoins sont marqués par une seule et même histoire, bien antérieure au 7 octobre. Celle de Zuhair Ghalit, un Palestinien tué en avril 2023, selon les rares médias qui ont abordé l’affaire.

Une vidéo toujours visible sur YouTube et postée par la chaîne palestinienne Fajer TV a été abondamment partagée. On y voit un homme jeune, veste kaki, devant un mur, s’adressant à la caméra d’un ton blême : « Je m’appelle Zuhair Ghalit, je suis de Naplouse. J’ai été piégé par Israël, ils m’ont attrapé en obtenant une vidéo de moi ayant une relation sexuelle avec un homme. » Avec désespoir, il liste les missions que les renseignements israéliens lui ont confiées, moyennant quelques centaines de shekels et des paquets de cigarettes. « Ils m’ont demandé d’observer, de surveiller », explique-t-il.

Forcé à être indic, Ghalit a ainsi aidé Israël à éliminer cinq personnes, selon la vidéo. Les articles de presse sur le sujet précisent qu’il était proche des Areen al-Oussoud (Tanière des lions), ce groupe armé retranché dans Naplouse, une des bêtes noires de l’armée israélienne. Il avait 23 ans lorsqu’il a été retrouvé mort dans une rue de la ville, tué par des Palestiniens revanchards, selon les médias qui ont traité l'affaire.

« Un paradis au milieu de l'enfer » : le double mensonge israélien

Cet épisode tragique continue de créer l’émotion et le débat chez les personnes interrogées. Si certains expriment leur pitié envers quelqu’un « qui a dû choisir entre sa vie privée et l’intérêt de son pays », d’autres dénoncent son erreur, comme Mahmoud*, travailleur dans une ONG palestinienne. « Je trouve qu’il a été faible. Personnellement, je préfère me faire outer et être tué plutôt que de trahir la cause palestinienne », affirme le trentenaire. Il peste surtout contre une stratégie israélienne consistant à mettre en avant un soutien à la communauté LGBTQ+ pour détourner le regard des crimes de la colonisation et des exactions envers les Palestiniens... voire les justifier.

« Israël et son armée sont aux avant-postes de ce rainbow-washing », abonde Jean Stern. « En plus d'être d'un cynisme honteux, c'est hypocrite. C'est mentir sur la société arabo-musulmane en la présentant comme purement conservatrice, mais aussi mentir sur la société israélienne qui est restée très homophobe par endroits. Surtout si on s'éloigne de Tel-Aviv, ville bourgeoise, connectée et occidentalisée », analyse l'ex-journaliste à Libération, qui rappelle néanmoins la nécessité de dénoncer l'homophobie du Hamas. « Tout comme il faut dénoncer celle des juifs intégristes et de certains catholiques... C'est un combat universel », estime-t-il.

Pour Adam, la stratégie israélienne revient à nier les combats menés depuis longtemps par les Palestiniens de la communauté et du tissu associatif LGBTQ+ présent sur place. « Israël se prend pour un paradis au milieu de l'enfer du Moyen-Orient. Ils veulent tromper les gens en faussant l'image de notre société », s'indigne ce trentenaire habitant Ramallah. 

La politique sociétale israélienne favorable à la cause LGBTQ+ comporte en outre un effet pervers, renforçant l'adhésion de cette communauté au gouvernement et à ses actions. Jean Stern rappelle que dans une visée nataliste, Israël a autorisé très tôt la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui à l'ensemble de la population, y compris les personnes LGBTQ+, bien avant certains pays occidentaux. « Les homosexuels étaient très mal vus jusqu'aux années 1980-1990 en Israël, parce qu'ils ne procréaient pas d'enfants. Car depuis 1948, l'idée est de donner des fils et des filles à la nation, c'est-à-dire des soldats et soldates », explique-t-il.

« Je me sens énervé, parce qu'ils ameutent tous les gays du monde avec leur campagne de rainbow-washing », confie Youssef. Vivant en Allemagne depuis six ans, Hussam confirme. « Je reçois des messages disant que je serais tué si je vivais à Gaza. Des gays pro-Israël m'excluent de la communauté LGBTQ+ et des Palestiniens rejettent mon soutien à la cause nationale parce que je suis gay. » Visiblement, le lavage de cerveau couleur arc-en-ciel fonctionne. Et il lave salement, en entachant les valeurs associées aux couleurs du drapeau.

*Les prénoms ont été modifiés à la demande des interviewés.

« À vomir. » Ces photos ont beau avoir été publiées il y a quatre mois, Hussam ne les digère toujours pas. « Comment on peut se mettre en scène comme ça, au milieu d'un champ de bataille ? » s’indigne le Palestinien de 29 ans, né à Riyad de parents gazaouis et vivant en Allemagne.La source de son dégoût : une publication du 13 novembre 2023 par le compte officiel de...

commentaires (3)

Apartheid, sionisme, génocide c’est kif kif Maintenant ils veulent un soutien de la communauté LGBTQ+ pour détourner le regard de leurs crimes et des exactions envers les Palestiniens... voire se justifier OH !!! SI C’EST-CE QU’IL LEUR RESTE DE SOUTIEN ? Des malades mentaux . Un palestinien devenant indicateur ou aide israël à éliminer UN palestinien C’EST UNE BALLE DANS LA TETE.

aliosha

19 h 45, le 14 mars 2024

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • Apartheid, sionisme, génocide c’est kif kif Maintenant ils veulent un soutien de la communauté LGBTQ+ pour détourner le regard de leurs crimes et des exactions envers les Palestiniens... voire se justifier OH !!! SI C’EST-CE QU’IL LEUR RESTE DE SOUTIEN ? Des malades mentaux . Un palestinien devenant indicateur ou aide israël à éliminer UN palestinien C’EST UNE BALLE DANS LA TETE.

    aliosha

    19 h 45, le 14 mars 2024

  • Article intéressant...Mais l'OlJ était-il obligé de mettre en ligne la vidéo de ce jeune homme? J'y vois une forme malsaine de voyeurisme, alors que cet homme, qui a payé de sa vie sa trahison, a droit à l'oubli comme toute personne "condamnée" par une certaine morale sociale.

    otayek rene

    17 h 39, le 14 mars 2024

  • Regardez-moi ça !!!! N'importe quel sujet est abordé pour faire oublier qu'ils sont de véritables génocidaires ! Mais quel culot ! Quel culot ! On en est abasourdi !

    Chucri Abboud

    14 h 49, le 14 mars 2024

Retour en haut