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Société - Santé

La pollution des générateurs provoque une forte hausse des cancers du poumon au Liban

Les taux de cancer au Liban ont augmenté de 10 à 30 % ces dernières années, le cancer du poumon représentant la plus grande part des cas recensés.

La pollution des générateurs provoque une forte hausse des cancers du poumon au Liban

La pollution bien visible au-dessus de Beyrouth, comme une chape de plomb. Photo d’archives João Sousa

Lorsque Christina*, la trentaine, a commencé à se sentir essoufflée et à souffrir d’une toux sévère en janvier dernier, elle est allée consulter un médecin. Après plusieurs examens, celui-ci l’a transférée chez un oncologue. « J’ai demandé que les tests soient répétés trois fois pour confirmer son état, et le résultat a été choquant », déclare le Dr Hassan Kanaan, chef du service d’oncologie à l’hôpital général Sahel dans le quartier sud de Beyrouth, à Haret Hreik. « Je ne pouvais pas croire qu’une jeune femme d’une trentaine d’années en bonne santé, sans antécédents familiaux de cancer, souffrait effectivement d’un cancer du poumon », explique-t-il, ajoutant craindre que son cas, qu’il qualifie de l’un des plus inhabituels de sa carrière, ne soit emblématique d’un problème croissant.

Une étude bientôt publiée par des chercheurs de l’Université américaine de Beyrouth (AUB) a révélé que « le taux de polluants carcinogènes dans l’atmosphère », résultant de la dépendance généralisée aux générateurs électriques privés alimentés au diesel, « a doublé depuis 2017 », selon la députée et scientifique Najat Saliba, qui a dirigé la recherche. Et les conséquences sur la santé pourraient être dévastatrices. Alors que le ministère de la Santé estime une augmentation des taux de cancer de 10 à 15 % depuis 2016, les chefs de département d’oncologie des hôpitaux ont estimé pour L’Orient Today une hausse beaucoup plus élevée, de 30 % ces dernières années.

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Les oncologues ajoutent que le cancer du poumon représente le plus grand nombre de cas. À l’instar des chercheurs de l’AUB, ils accusent les polluants atmosphériques toxiques provenant des générateurs électriques qui fonctionnent souvent 24h/24 pour pallier le manque d’électricité publique fournie par l’État en raison de la crise financière qui sévit dans le pays depuis 2019. Largement répandus au Liban, ces générateurs sont installés sur les places publiques, dans les parkings, montés sur des camions, sur les toits, dans les quartiers résidentiels, dans les cours des hôpitaux et devant les magasins. Une étude de 2006 avait révélé que 370 000 générateurs au diesel fonctionnaient alors à travers le Liban, émettant plus de 40 substances toxiques – comme le dioxyde d’azote et le dioxyde de soufre. Un nombre qui a très probablement augmenté depuis.

Patients plus jeunes, cancers plus agressifs

Le Liban se classe au premier rang des pays d’Asie occidentale en termes d’incidence du cancer dans la population, avec un taux de 242 cas pour 100 000 habitants en 2018, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il a ainsi enregistré 28 764 cas de cancer au cours des cinq dernières années, dont 11 600 cas rien qu’en 2020, selon un rapport de l’OMS publié en 2021.

Il n’y a pas de cause unique pour le cancer, selon le Dr Kanaan. Bien que des facteurs comme le « tabagisme, l’alcool et l’obésité » puissent conduire au cancer, ils sont aggravés par la pollution qui « non seulement augmente les taux de cancer, mais les rend également plus agressifs, avec des patients se présentant devant leur médecin au troisième voire même quatrième stade » de la maladie, la rendant plus difficile à traiter.

Le Dr Maroun Sadik, chef du service d’oncologie à l’hôpital Geitaoui à Beyrouth, affirme lui que le nombre de patients se rendant dans ses cliniques d’oncologie a augmenté d’au moins 30 % par rapport à la période pré-2020. Depuis, le taux d’occupation des patients subissant des séances de chimiothérapie à l’hôpital a augmenté jusqu’à 40 %. L’oncologue ajoute qu’environ 30 à 40 % de ces cas ont été diagnostiqués avec un cancer du poumon, certains malades ayant moins de 50 ans.

Une patiente atteinte d’un cancer reçoit des soins à Beyrouth. Photo João Sousa

« La moyenne d’âge des patients qui nous ont consultés au cours des trois dernières années a diminué : nous avons commencé à voir des personnes de moins de 50 et 40 ans dans nos cliniques », ajoute le Dr Fadi Nasr, chef du service d’oncologie à l’hôpital Hôtel-Dieu de Beyrouth. Celui-ci observe également que 30 à 40 % de ces patients ont été diagnostiqués avec un cancer du poumon. Cette pathologie se classe au troisième rang en termes de prévalence au Liban, après le cancer de la vessie et le cancer du sein, selon des chiffres de 2020 publiés par l’OMS.

Le ministère de la Santé a cessé d’analyser et de publier des données sur les taux de cancer en 2016. Ghada Gebran, conseillère du ministre sortant de la Santé Firas Abiad, indique que le ministère est en train de reprendre la collecte de données et de publier les résultats. Selon elle, les médecins du ministère estiment que l’augmentation des taux de cancer depuis 2016 jusqu’à présent se situe entre 10 et 15 %, moins que l’augmentation de 30 % estimée par les oncologues des hôpitaux de Beyrouth.

Une raison potentielle à cet écart : plusieurs oncologues de divers hôpitaux nous ont affirmé qu’un grand nombre de patients cancéreux qu’ils rencontrent ne sont pas enregistrés sur la plateforme de suivi du cancer du ministère de la Santé. Cela est dû à des pénuries généralisées des médicaments que la plateforme est censée fournir gratuitement aux patients atteints de cancer.

Quid du ministère de l’Environnement ?

Les générateurs diesel sont censés être une source d’électricité de secours en cas d’urgence, mais sont devenus une source d’électricité principale, remplaçant le fournisseur d’État Électricité du Liban (EDL). Pourtant, ces groupes électrogènes installés dans tous les régions et quartiers du Liban sont considérés comme illégaux, car ils violent la loi sur la régulation de l’électricité n° 462/2002, qui restreint la production et la distribution d’électricité uniquement à EDL et à d’autres institutions ayant des contrats avec EDL (comme Électricité de Zahlé).

Les ministères de l’Énergie et de l’Environnement ont publié plusieurs circulaires différentes au cours des derniers mois dans le but de réglementer ce secteur, la dernière datant de septembre 2023. Dans celle-ci, le ministre sortant de l’Environnement Nasser Yassine ordonnait le traitement immédiat de la fumée d’échappement des générateurs en les équipant d’un système capable de retirer les particules fines.

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Cette circulaire pourrait être appliquée si les autorités compétentes surveillaient sa mise en œuvre et tenaient les contrevenants pour responsables. Cependant, depuis 2011, des textes similaires ont été publiés (bien que la dernière circulaire soit considérée par les experts comme la meilleure en termes de conditions techniques imposées), mais peu de propriétaires de générateurs ont réellement fait l’objet de contrôles.

 Selon Issam Laqqis, le chef du département de génie mécanique de l’AUB qui a participé à des études précédentes sur les polluants, les générateurs devraient être entreposés dans des propriétés privées avec une ventilation nécessaire, l’émanation du générateur devant être située au point le plus élevé possible du bâtiment. Mais les autorités ont autorisé les générateurs à être placés dans des endroits cernés de bâtiments, ce qui empêche la ventilation nécessaire et soumet les résidents au risque d’inhalation d’émissions toxiques.

De plus, les propriétaires de générateurs ont obtenu l’autorisation de placer leurs générateurs dans des espaces publics. Par exemple, dans la région de Koreitem, une personne a été autorisée à placer un générateur électrique à l’intérieur d’un petit parc public en échange du paiement de frais et de l’éclairage d’un certain nombre de rues la nuit, selon l’universitaire. Un résident a confirmé à L’Orient Today que des générateurs occupaient désormais une grande partie de l’espace dans le parc, bloquant l’entrée.

L’absence d’électricité publique au Liban. Photo d’archives João Sousa

Issam Laqqis estime « difficile d’assurer une surveillance efficace de ces générateurs, car le coût de l’embauche d’experts et de la collecte de centaines de milliers d’échantillons des émanations de générateurs pour des inspections régulières est prohibitif. Il pourrait être plus rentable pour les autorités compétentes de faire fonctionner des centrales électriques ou de louer des navires à la place ».

En parallèle, les stations de contrôle de la qualité de l’air du ministère de l’Environnement seraient hors service depuis 2019. Elles viennent de recevoir des fonds de la Banque mondiale en février pour entreprendre des travaux de maintenance, nous a déclaré le ministre sortant de l’Environnement Nasser Yassine, ajoutant que le ministère « répare » les machines des stations et va lancer leur évaluation« dans les semaines à venir ».

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Nasser Yassine a précédemment déclaré lors d’une interview sur la Voix du Liban que « la pollution de l’air causée par les générateurs diesel est une preuve d’une mauvaise gestion du dossier de l’électricité, en plus du manque d’une politique de transport public ». Il existe d’autres machines de contrôle de la qualité de l’air appartenant au Comité national de la recherche scientifique, a déclaré une source de ce comité sous couvert d’anonymat. Mais il ne publierait pas les résultats de son travail, tandis que ses chercheurs analysent toujours des échantillons collectés en 2017.

Depuis son diagnostic, la patiente de Hassan Kanaan, Christina, a commencé des séances de chimiothérapie et de radiothérapie. Elle souffre d’un cancer de stade III, ce qui signifie que les cellules cancéreuses se sont propagées aux zones autour de ses poumons. Selon son médecin, Christina a souffert d’une grave dépression en apprenant sa maladie et s’inquiète pour sa petite fille. Pour l’instant, il espère simplement qu’elle réagira bien au traitement.

*Le nom a été changé pour protéger la confidentialité de la patiente.

Lorsque Christina*, la trentaine, a commencé à se sentir essoufflée et à souffrir d’une toux sévère en janvier dernier, elle est allée consulter un médecin. Après plusieurs examens, celui-ci l’a transférée chez un oncologue. « J’ai demandé que les tests soient répétés trois fois pour confirmer son état, et le résultat a été choquant », déclare le Dr Hassan Kanaan, chef...

commentaires (2)

Exemple type d'état terroriste corrompu

CBG

14 h 38, le 09 mars 2024

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Commentaires (2)

  • Exemple type d'état terroriste corrompu

    CBG

    14 h 38, le 09 mars 2024

  • Pas besoin de les chercher. Les assassins sont au conseil des ministres, au parlement, dans la structure de l'etat et au palais de justice.

    Michel Trad

    15 h 11, le 08 mars 2024

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