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Nos Lecteurs ont la Parole

« Nul n’est prophète en son pays »

En plein marasme et décrépitude, et dans un contexte ambiant rien de plus accablant, au regard des pérennes crises en cascade endurées, les Libanais que nous sommes sont incessamment à la recherche d’une bonne nouvelle. Toujours en quête d’une réjouissance quelconque et en attente d’une félicité particulière qui puisse réchauffer leur cœur et rendre à leur fierté nationale ses lettres de noblesse.

Cette bonne nouvelle, tellement attendue (et inattendue), nous l’avons reçue le 6 février 2024. Une réjouissance inopinée que nous avons vécue ardemment en cette même date, lorsque nous avons appris, avec beaucoup de fierté et d’enthousiasme, l’élection de M. Nawaf Salam à la présidence de la Cour internationale de justice. La plus haute instance judiciaire qui relève de l’Organisation des Nations unies. Une responsabilité capitale pour cette figure nationale par excellence, qui s’est donné corps et âme pour faire entendre la voix du Liban au sein même des Nations unies. Un loyal et dévoué représentant permanent du Liban à New York, auprès de l’ONU, durant de nombreuses années. Diplomate, juriste, universitaire, intellectuel, auteur de plusieurs livres, détenteur de diplômes supérieurs de l’université de Harvard et de la Sorbonne, une figure au parcours respectable qui rappelle quelque peu celui de trois grandes références emblématiques de notre diplomatie libanaise. À savoir, à titre d’exemple non limitatif, celui de l’exceptionnel Fouad Boutros qui a décroché avec brio une résolution condamnant Israël après le bombardement de l’aéroport de Beyrouth en 1968, du grand Charles Malek, acteur majeur dans l’élaboration de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, et de M. Ghassan Tuéni au cri retentissant, en 1980, face au Conseil de sécurité « Laissez vivre mon peuple ». Un cri qui reste, encore et encore, brûlant d’actualité, malheureusement.

Nawaf Salam, un homme qui mérite, haut la main, d’être le Premier ministre du Liban, par excellence. Il suffit de penser à son savoir-faire dans la gestion de la chose publique, son background culturel, sa rectitude et sa loyauté.

Ce qui chagrine et fait le plus de peine et de mal dans cette affaire, c’est que le Liban, comme à son habitude (ou plutôt comme à sa mauvaise habitude), a jusqu’à nos jours complètement loupé le coche, en laissant de côté ses bons éléments qui pourraient le faire sortir de l’impasse, ou de préférence du bourbier dans lequel il s’enlise chaque jour, à vue d’œil. Ce même Liban n’a pas su profiter de la carrière professionnelle sans faute, de l’expérience, des hautes études, des diplômes supérieurs et de la science de M. Salam. Malheureusement, c’est d’autres personnes, d’autres boîtes, d’autres entreprises, d’autres organismes et d’autres pays qui en profitent.

Profiter, non pas dans le sens péjoratif et abusif du terme, mais dans le sens de bénéficier et tirer avantage de cette plus-value libanaise bien de chez nous, en faveur du pays agonisant. Un pays qui ignore royalement ses bons éléments au profit de ceux beaucoup moins performants et fâcheusement, très souvent, vendus et véreux.

Pour revenir à M. Salam, il s’agit donc d’un CV, rien de plus méritoire et rien de plus honorable qui est encore loin d’être à portée de main. Loin donc d’être accessible pour les Libanais afin que ces derniers puissent en tirer avantage, vivre avec plus de dignité et que le pays puisse être remis sur les rails.

D’autant plus que nous sommes face à un homme de grande valeur. Une sommité reconnue mondialement ayant de nombreuses qualités et qui est, de surcroît, très humble, paraît-il.

Malheureusement, au milieu des nôtres, ordinairement, nous avons moins de succès qu’ailleurs et c’est parmi les siens que nous avons le moins de chance d’être cru et reconnu.

Jésus de Nazareth, dans l’Évangile de Luc (4, 24), n’a-t-il pas dit, à raison, « qu’aucun prophète n’est bien reçu en sa patrie » ?

Étant fils de Nazareth, cette ville ne l’a même pas admis. Sa mère a dû le mettre au monde à Bethléem. Elle l’a donc enfanté dans les conditions avérées et connues par tous.

Un grand merci à vous M. Salam pour tout ce que vous faites pour notre Liban bien malade ces derniers temps. Votre élection à la tête du CIJ représente assurément pour nous un réconfort et un baume au cœur. Vous méritez félicitations et applaudissements.

Des félicitations qui doivent être destinées, au même titre, au peuple libanais. Ces Libanais de l’époque du déclin et qui aspirent vivement au renouveau et à la renaissance, grâce à des personnes éminentes comme vous !

Encore une fois, de tout cœur, grand merci et mabrouk.

Michel Antoine AZAR

Avocat à la Cour

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En plein marasme et décrépitude, et dans un contexte ambiant rien de plus accablant, au regard des pérennes crises en cascade endurées, les Libanais que nous sommes sont incessamment à la recherche d’une bonne nouvelle. Toujours en quête d’une réjouissance quelconque et en attente d’une félicité particulière qui puisse réchauffer leur cœur et rendre à leur fierté...

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