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Société - Reportage

Les contractuels payés à l’heure de l’UL agitent la menace d’une grève ouverte

La nécessité de respecter l’équilibre confessionnel serait à l’origine du blocage de la prétitularisation de 1 760 vacataires.

Les contractuels payés à l’heure de l’UL agitent la menace d’une grève ouverte

Devant le ministère de l’Éducation et de l'Enseignement supérieur, les professeurs vacataires horaires de l’UL protestent. Photo AMH/L’OLJ

Quelques centaines de professeurs contractuels de l’Université libanaise payés à l’heure ont observé un sit-in mardi devant le siège du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur à Beyrouth, pour réclamer le statut de vacataires à plein temps, intermédiaire entre leur statut actuel et celui d’enseignant cadré.

L’initiative, menée par le Comité des professeurs contractuels horaires de l’UL, accompagne une grève d’avertissement d’une semaine, qui fait suite à deux semaines d’interruption de cours et de corrections d’épreuves d’examens. Avec la menace d’opter pour la grève ouverte dès lundi si leurs revendications n’étaient pas entendues. Sauf que le dossier ne semble pas près d’être débloqué de sitôt. Initialement lié aux compétences, l’avancement des professeurs de l’UL se trouve entravé depuis 2014 pour des questions d’équilibre communautaire.


L’heure à 2 dollars

« L’heure du professeur universitaire ne vaut que deux dollars, une honte ! », « Nos enfants ont droit à la stabilité », « Où sont nos salaires usurpés ? » ou encore « Oui au traitement dans sa totalité du dossier des vacataires à plein temps ». Sur les panneaux brandis par les manifestants silencieux, les revendications de ces enseignants qui n’en peuvent plus d’être « humiliés » par l’État. « Nous n’avons aucun droit, lance Zouheir Bachnak, professeur de droit, 9 ans d’ancienneté. Non seulement notre heure ne vaut plus que 2 dollars (depuis l’effondrement de la livre libanaise qui s’échange à 89 500 pour un dollar contre 1 500 LL pour un dollar avant octobre 2019), mais nous n’avons ni couverture santé, ni affiliation à la Caisse nationale de Sécurité sociale, ni même d’indemnités de transports ou d’assiduité, voire d’aide sociale. Cerise sur le gâteau, l’année 2022-2023 n’a toujours pas été payée. »

Le salaire horaire de ces contractuels considérés comme des fonctionnaires de deuxième et troisième catégories oscille en effet entre 65 000 et 300 000 LL. Il est versé une fois l’an.

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« Voilà plus de trois ans que nous enseignons gratuitement », résume Hamda Farhat, professeure de psychologie depuis 14 ans. « Au cours de l’année 2020-2021, je n’ai perçu que l’équivalent de 100 dollars pour 160 heures d’enseignement universitaire », gronde Sana’ Chehayeb, professeure de maths venue de Aley. Elle rappelle d’ailleurs que les contractuels à l’heure sont « payés une fois l’an ». Et lorsqu’on leur demande pourquoi ils ont tant attendu pour exprimer leur frustration, ils répondent tout simplement qu’ils « n’en peuvent plus ».


1 760 éligibles au plein temps

Au cœur du mouvement, quelques voix s’élèvent, exprimant une colère tant contenue. « Lundi, nous ne donnerons pas cours, soyez-en sûrs », hurle un professeur. « Réalisez-vous que si on n’a pas d’autre emploi, impossible de faire vivre nos familles ? Nous sommes tout simplement épuisés », crie un autre.

« L’Université libanaise compte 3 000 professeurs contractuels horaires, dont 1 760 sont éligibles à un statut de vacataire à plein temps, car ils ont un doctorat et l’ancienneté requise (deux ans au moins, moyennant 200 heures d’enseignement par an) », explique à L’Orient-Le Jour le recteur de l’Université libanaise, Bassam Badran. Forte de 63 000 étudiants, la seule université publique du pays compte aussi 1 600 professeurs cadrés.

« Les professeurs payés à l’heure sont victimes d’injustice », reconnaît le recteur, affirmant avoir travaillé d’arrache-pied sur le dossier qui se trouve aujourd’hui entre les mains du ministre Abbas Halabi. Les crises successives qui ont secoué le Liban (financière, politique, sanitaire et sécuritaire) ont en effet encouragé nombre d’entre eux à quitter le pays. « Vu les défections, il a fallu remettre les listes à jour », précise le recteur. Alors, en attendant, « des mesures pourraient être rapidement prises pour améliorer les conditions salariales des protestataires, notamment la hausse du salaire horaire, la mensualisation des traitements et enfin le paiement de l’année 2022-2023 ».


« Sortez le dossier du goulot d’étranglement », dit cet écriteau porté par des professeurs protestataires. Photo AMH/L’OLJ

Mais ce qui bloque le dossier, c’est indubitablement l’équilibre confessionnel que la classe politique insiste à respecter. Et pour cause, explique une source informée sous couvert d’anonymat, le nombre de contractuels chiites candidats au plein temps est de loin supérieur aux candidats des autres communautés. De même, le nombre de candidats musulmans est de loin supérieur au nombre de candidats chrétiens. « Parmi les 1 760 contractuels candidats au plein temps, 670 sont chiites, 480 sont sunnites, 530 sont chrétiens et seulement 60 sont druzes, précise-t-elle. Respecter l’équilibre confessionnel signifierait qu’une importante partie des candidats chiites seraient écartés, ce qui provoque déjà la colère du tandem chiite Amal-Hezbollah et des instances religieuses. »

« Nous ne sommes pas des fonctionnaires de première catégorie, la parité communautaire ne s’applique pas à notre cas », réagit Antoine Awad, professeur d’architecture à l’UL de Hadeth. « Nous réclamons que le choix des contractuels à plein temps se fasse au mérite », renchérit sa collègue Nada Fakih. « Parce que je suis chiite, j’ai été écartée du plein temps », gronde pour sa part Hamda Farhat.

Mais rien de tout cela n’est nouveau, car l’UL subit de plein fouet depuis des décennies les interventions politiques et sectaires, au détriment de son indépendance.

La balle est dans le camp du ministère de l’Éducation, dont les portes sont restées closes. Car le mouvement de protestation risque d’entraver le bon fonctionnement de la seule université publique du pays. 

Quelques centaines de professeurs contractuels de l’Université libanaise payés à l’heure ont observé un sit-in mardi devant le siège du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur à Beyrouth, pour réclamer le statut de vacataires à plein temps, intermédiaire entre leur statut actuel et celui d’enseignant cadré.L’initiative, menée par le Comité des...

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Le Liban dans toute sa splendeur ...

Zeidan

19 h 52, le 05 mars 2024

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  • Le Liban dans toute sa splendeur ...

    Zeidan

    19 h 52, le 05 mars 2024

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