L’initiative des ex-haririens douchée par le Hezbollah

Si ce n’est pas le coup de grâce, c’est quelque chose qui lui ressemble. L’initiative lancée il y a une dizaine de jours par le bloc de la Modération nationale (rassemblant des députés majoritairement sunnites ex-haririens) – et prévoyant la tenue de concertations parlementaires suivies d’une séance ouverte jusqu’à l’élection d’un nouveau président de la République – a reçu une douche froide de la part du Hezbollah, perçu comme le véritable maître du jeu présidentiel. Alors que d’aucuns s’attendaient à ce que la démarche des parlementaires du Liban-Nord opère une percée à même de faciliter la tenue du scrutin, le parti chiite s’en tient à sa position traditionnelle : il faut que le prochain chef de l’État puisse rassurer « la résistance ». Il y a aussi – et surtout – le fait que le candidat appuyé par le tandem chiite Amal-Hezbollah, Sleiman Frangié, est toujours dans la course pour Baabda. De quoi donner le sentiment que les compteurs sont remis à zéro.

Au dernier jour de leur tournée auprès des divers protagonistes politiques, des députés de la Modération nationale se sont réunis lundi avec le chef du bloc parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad, et un autre membre du bloc, Amine Cherry, à Haret Hreik, dans la banlieue sud de Beyrouth. « La réunion n’était ni positive ni négative », commente pour L’Orient-Le Jour Abdel Aziz Samad, membre de la Modération nationale. Selon lui, ses collègues du parti de Dieu ont demandé un délai de dix jours pour donner une réponse officielle à l’initiative. « Mais lors de la réunion, ils ont fait état de certaines appréhensions liées à la présidentielle, notamment pour ce qui est de leur insistance pour l’élection d’un président qui ne poignarderait pas la “résistance” dans le dos », confie M. Samad. Et d’affirmer que le parti chiite « s’en tient à son candidat Sleiman Frangié ». « Cela relève de leur droit », déclare M. Samad. Comme pour réduire l’impact de la position rigide du Hezbollah sur le sort de l’initiative.

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La réunion de lundi est intervenue quelques jours après l’entretien entre les parlementaires du Nord et Tony Frangié, député Marada et fils du zaïm zghortiote, en présence de ses alliés, William Tok, Farid el-Khazen et Michel Murr. L’occasion pour ce groupe de députés d’assurer que le leader des Marada est toujours dans la course pour Baabda, en dépit des efforts en quête d’un terrain d’entente sur une figure de troisième voie prônée par la communauté internationale, notamment le quintette impliqué dans le dossier (les États-Unis, la France, l’Arabie saoudite, l’Égypte et le Qatar).

De toute évidence, cela donne l’impression que les Marada ont coordonné leur position avec leur principal soutien. « Je ne peux pas trancher ce point. Ce qui est sûr, c’est que le Hezbollah s’en tient à son candidat », se contente de dire Abdel Aziz Samad qui s’efforce malgré tout de se montrer optimiste quant à la prochaine étape. « Notre initiative n’est pas morte. Elle bénéficie du feu vert d’une bonne partie des protagonistes, dont des députés arméniens rencontrés lundi », dit-il.  Selon le député de Denniyé, son groupe devrait se rendre cette semaine à Aïn el-Tiné afin de dresser le bilan de cette première tournée devant le président de la Chambre, Nabih Berry.

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Sauf que contrairement à ce qu’espérerait la Modération nationale, la position du Hezbollah n’est pas sans mettre en péril la démarche dans son ensemble. Tout comme l’attitude adoptée par le mouvement Amal représenté par le bras droit de Nabih Berry, Ali Hassan Khalil, qui avait formulé récemment des remarques à l’égard des fondements de l’initiative, donnant le sentiment de la dynamiter. Son patron s’était pourtant montré dans un premier temps favorable à toute proposition en vue d’un déblocage.

Geagea persiste et signe
Ce partage de rôles entre les deux composantes du tandem chiite remet sur le tapis les appréhensions de certains ténors de l’opposition quant à la démarche qui, selon le chef des Kataëb Samy Gemayel, « ne prend pas en compte le fait que le camp du Hezbollah bloque la présidentielle ». « Elle est amputée », avait-il déclaré dans une interview accordée au site web al-Anba’.

De son côté, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, qui était un des premiers à se prononcer en faveur de l’initiative, maintient son appui à la démarche, y voyant un moyen de mettre Nabih Berry, et derrière lui le camp de la moumanaa dans son ensemble, au pied du mur. « Insister pour paralyser cette initiative mettra encore plus à nu ceux qui bloquent la présidentielle, et qui s’en tiennent à l’équation “Frangié ou personne” », a-t-il lancé dans un entretien accordé au quotidien koweïtien al-Rai. « L’initiative de la Modération est une bonne proposition, et tout le monde devrait y adhérer. Mais il semble que les véritables intentions (du Hezbollah) seront dévoilées au grand jour », a encore dit le chef des FL.