Rechercher
Rechercher

Culture - Rencontre

Autour d’une tasse de thé avec le pianiste russe Boris Berezovsky

Le pianiste russe est en concert dans le cadre du Festival al-Bustan, mardi 5 et mercredi 6 mars, où il proposera un clin d’œil au blues, sa nouvelle passion, avec le trio Blues Doctors. 

Autour d’une tasse de thé avec le pianiste russe Boris Berezovsky

Le pianiste russe de renommée mondiale Boris Berezovsky. Photo DR

Boris Berezovsky, qui est aujourd’hui un habitué du Festival al-Bustan, nous reçoit au Scottish Bar où, détendu, il parle de sa famille, de la musique et ses effets sur l’état du monde. Il se livre aussi sur son attachement au Liban qu’il qualifie de joyau qu’il a connu au sortir de la guerre. Il se souvient des barrages et des armes et dit « comprendre que ce monde soit gouverné par la force militaire et la géopolitique, mais les musiciens ne sont que le maillon faible et ne désirent que jouer leur musique ».

« C’est d’ailleurs ici, confie-t-il, dans cet hôtel, que ma première épouse m’a annoncé être enceinte de mon fils qui aujourd’hui est un beau jeune peintre de 20 ans qui vient au Liban pour la première fois. » Le pianiste à la carrière internationale a décidé de s’octroyer quelques jours de vacances en famille dans ce pays qu’il entend faire connaître à ses enfants et redécouvrir à sa (deuxième), femme qui s’y était rendue pour la dernière fois il y a 20 ans. « Je pourrais réclamer le droit à la citoyenneté libanaise », lance-t-il, mi-figue, mi-raisin.

Celui que le Times a un jour qualifié d’« artiste exceptionnellement prometteur, d’une virtuosité éblouissante et doté d’une énergie formidable », a depuis foulé les scènes les plus prestigieuses du monde.

Lire aussi

Sacré tsar Boris !

Boris Berezovsky est né le 4 janvier 1969 à Moscou. Son père jouait de la trompette dans un orchestre militaire dans la capitale soviétique. Il remarque qu’à l’âge de quatre ans, Boris était capable de reproduire spontanément n’importe quel rythme ou mélodie au clavier. Très vite, il commence donc par apprendre le solfège, avant de prendre des cours de piano avec des professeurs qui percevront le génie qui sommeille en lui. Il étudie au Conservatoire de Moscou, où il est formé par des professeurs éminents, dont Eliso Virsaladze, et prend des cours particuliers avec Alexandre Satz qu’il évoque avec beaucoup d’admiration.

Sa carrière décolle au début des années 1990 avec le prestigieux Concours international Tchaïkovski, où il remporte la médaille d’or à l’unanimité à l'âge de 22 ans, en ayant attiré l’attention du monde musical par sa dextérité et son goût du risque. Mais c’est surtout sa capacité à faire fusionner technique et sensibilité qui fait son empreinte musicale. Son jeu prend racine dans la tradition russe, mais s’inspire aussi de l’univers d’une myriade de compositeurs, de Chopin à Rachmaninov en passant par Prokofiev. Il maîtrise tous genres de répertoire, du classique au contemporain, et suscite une émotion particulière auprès du public qui lui prête oreille. Berezovsky est un collaborateur prisé en musique de chambre. Il a partagé la scène avec des artistes de renom tels que Vadim Repin et Dmitri Hvorostovsky, exploré un répertoire diversifié allant des sonates classiques aux œuvres contemporaines. C’est également un enseignant engagé. Il donne des masterclasses dans le monde entier, partage son expertise et œuvre à la transmission auprès des pianistes en herbe. Si remarquable soit-il, Boris Berezovsky est désormais banni des scènes européennes à cause de ses positions politiques en faveur de Moscou. Des positions qu’il assume totalement. « Je suis juste surpris que les soi-disant démocraties ne tolèrent pas l’expression d’une opinion quelle qu’elle soit, juste ou fausse », s’étonne-t- il. « Mais finalement, les musiciens devraient peut-être juste se tenir à l’écart de tout ça, après tout, l’histoire du monde n’est faite que de conflits et de guerres. Je sais qu’en Russie la démocratie n’existe pas, mais être relégué sur le banc des accusés pour des opinions ou programmes divergents, en France ou ailleurs, cela me surprend, mais c’est comme ça. »

Retrouvailles familiales à Beyrouth

Le Liban est donc l’occasion de ces retrouvailles avec sa famille disséminée dans plusieurs pays et d’un concert avec sa fille Evelyne qui poursuit sa propre carrière et le rejoint depuis Londres pour jouer avec son lui. « J’évite de jouer trop souvent avec elle pour ne pas lui faire de l’ombre, car elle est bourrée de talent et mène une carrière musicale indépendante brillante. D’ailleurs, elle commence à avoir son propre public et peut s’enorgueillir de n’avoir jamais bénéficié de l’intervention de son papa. En 16 ans, nous n’avons joué ensemble que trois fois », tient-il à préciser.

Boris sera rejoint sur la scène du Bustan par sa fille Evelyne. Photo DR

Masha, sa petite dernière de 15 ans, férue de xylophone, se fera elle aussi une place sur scène en famille le temps d’un morceau.

Avec la guerre qui oppose la Russie à l’Ukraine, Boris Berezovsky s’est découvert une nouvelle passion, le blues, qu’il mettra à l’honneur mercredi avec le trio des Blues Doctors. « Cette situation m’attristait tellement que la musique classique ne se faisait plus l’écho de mes sentiments. J’ai essayé d’écouter Bruckner, Mahler, mais rien n’y faisait. J’ai fréquenté tous les soirs un club de blues à Moscou et compris que le blues correspondait à mon état d’âme, ma tristesse. Quand vous l’écoutez ou quand vous la jouez, cette musique est un véritable remède », raconte-t-il. « J’ai rencontré en Russie l’un des meilleurs collectifs de blues, les Blues Doctors, avec lesquels j’ai commencé à jouer, et ensemble, nous abordons un nouveau chapitre de ma trajectoire inspirée par des pointures du blues comme BB King, Ray Charles et tant d’autres de ces musiciens noirs américains des années 1940-1960, dit-il. C’est une musique fantastique dont je ne me lasse pas. »

Boris Berezovsky fait par ailleurs part de son intérêt pour la musique locale dont il est un grand admirateur. « La musique nationale qui est le commencement de toute musique rend tout le monde heureux, le reste n’est que variations et complications et pas des meilleures. » Pour lui, la musique classique reste forcément un peu élitiste : « Il faut être ne serait-ce qu’un peu averti. Si vous écoutez une sonate par exemple, vous devez être familier avec sa forme pour l’apprécier. Mais la musique classique continue de traverser les siècles et d’être écoutée pour une raison ou une autre, ce qui la rend géniale. La bonne musique est celle qui ne tombe pas dans l’oubli. »

Et c’est un peu laconique, les yeux rivés sur cette vue imprenable de la mer depuis l’hôtel al-Bustan, que Boris Berezovzky conclut cette parenthèse conviviale en demandant qu’on lui organise une baignade dans cette Méditerranée dont, pour le Russe qu’il est, la température de ce mois de mars ne peut être que clémente.


Boris Berezovsky, qui est aujourd’hui un habitué du Festival al-Bustan, nous reçoit au Scottish Bar où, détendu, il parle de sa famille, de la musique et ses effets sur l’état du monde. Il se livre aussi sur son attachement au Liban qu’il qualifie de joyau qu’il a connu au sortir de la guerre. Il se souvient des barrages et des armes et dit « comprendre que ce monde soit gouverné...

commentaires (2)

C'est presque du jamais vu que les soit-disant democracies Europennes interdisent artistes et athletes Russes. Ce qu'une grande partie du monde ignore, c'est que les Russes sont des Européens à part entière. Déclencher une guerre culturelle en Europe ne fait qu'aggraver les choses. Bravo pour Al Bustan de refuser de s'enliser dans cette hypocrisie. Le monde en a marre des guerres Europennes interminables. La 1ère et 2ème guerre mondiale, maintenant la troisième (?!!)

Raed Habib

11 h 23, le 05 mars 2024

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • C'est presque du jamais vu que les soit-disant democracies Europennes interdisent artistes et athletes Russes. Ce qu'une grande partie du monde ignore, c'est que les Russes sont des Européens à part entière. Déclencher une guerre culturelle en Europe ne fait qu'aggraver les choses. Bravo pour Al Bustan de refuser de s'enliser dans cette hypocrisie. Le monde en a marre des guerres Europennes interminables. La 1ère et 2ème guerre mondiale, maintenant la troisième (?!!)

    Raed Habib

    11 h 23, le 05 mars 2024

  • Cet immense artiste dit des bêtises

    M.E

    10 h 14, le 05 mars 2024

Retour en haut