Suicides au Liban : une augmentation de 21,7 % enregistrée en 2023

L'année 2023 a connu une hausse des suicides au Liban de 21,7 % par rapport à 2022, alerte l'ONG Embrace dans son rapport annuel sur la santé mentale dans le pays, publié le 1er mars. Un bien triste constat dans un pays enfoncé dans une crise économique, politique et sociale sans précédent depuis 2019.

L’association Embrace, qui travaille pour une meilleure prise en charge de la santé psychique et gère la seule ligne d’écoute téléphonique anonyme du Liban pour la santé mentale (1564), révèle ainsi que 168 personnes sont mortes par suicide en 2023, dont 119 Libanais, 34 Syriens, 5 Éthiopiens, 3 Palestiniens et 7 personnes de nationalités non communiquées. Cent trente-huit cas de suicide avaient été rapportés en 2022. Les chiffres de 2023 signalent par ailleurs une augmentation des suicides au Liban de 46 % par rapport à l'année 2021.

Des chiffres certes alarmants, mais qu'il faut considérer avec précaution, prévient Mia Atoui, cofondatrice et présidente d'Embrace, une multitude de facteurs pouvant entrer en jeu quant à l'exactitude des cas rapportés chaque année. « Ces chiffres peuvent représenter une réelle augmentation des suicides au Liban. Mais ils peuvent également être signe d'une hausse des signalements de suicides par les familles ou la police », explique Mme Atoui à L'Orient-Le Jour.

En moyenne, une personne décède par suicide tous les deux jours au Liban, selon Embrace.

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Les 23-32 ans plus vulnérables

Parmi les catégories les plus à risque, les personnes âgées de 23 à 32 ans, parmi lesquelles 48 cas de suicides ont été rapportés en 2023. Les 33-42 ans sont également plutôt vulnérables (29 suicides rapportés l'année dernière), suivis par les 13-22 ans (24 cas), les 43-52 ans (23 suicides) et les 63-72 ans (16 cas). Huit suicides de personnes âgées entre 53 et 62 ans ont été signalés, ainsi que quatre suicides de personnes entre 73 et 82 ans.

Les taux importants de suicides parmi les jeunes de moins de 40 ans relevés dans le rapport peuvent s'expliquer, selon l'ONG, par la profonde crise que traverse le pays et qui affecte notamment les jeunes adultes.

Quarante-neuf pour cent des suicides signalés ont eu lieu au Mont-Liban, 23 % dans la Békaa, 15 % au Liban-Nord, 9 % au Liban-Sud et 4 % à Beyrouth, poursuit l'ONG. Des données similaires à 2022, selon Embrace, « probablement parce que le Mont-Liban est une des régions les plus peuplées du pays ». Les villes les plus affectées par les suicides sont Jdeidé, Jounieh, Beiteddine, Zahlé, Baalbeck, Aley, la banlieue sud de Beyrouth, Zghorta et Tripoli. 

Nombre de suicides par mois en 2023 au Liban. Illustration Guilhem Dorandeu/ Source Embrace

« Contagion du suicide »

« À chaque crise que traverse le pays, les gens connaissent des moments difficiles sur le plan psychique. Beaucoup de gens nous ont contactés après les explosions au port de Beyrouth et durant la pandémie de Covid-19 », explique la directrice d'Embrace à L'OLJ. Elle ajoute que les appels sur la ligne de prévention contre le suicide sont en constante augmentation. Elle dit par ailleurs s'attendre à une recrudescence des appels, une fois que les hostilités au Liban-Sud se seront calmées. « La guerre dure depuis plusieurs mois. Lorsque les gens sont pris en plein dedans, ils ne se rendent pas compte de leurs souffrances. C'est une fois l'événement passé qu'ils risquent d'en prendre conscience et de nous appeler », ajoute-t-elle.

Pour contrer la recrudescence des suicides, la directrice d'Embrace appelle, entre autres, à un traitement plus éthique de la question dans les médias, pour éviter le phénomène de « contagion du suicide » dans le pays. Elle donne pour exemple le mois de mars 2023, lorsque 17 cas de suicide ont été rapportés dans les médias libanais, et met en garde contre les effets qu'une surmédiatisation pourrait avoir sur les personnes les plus vulnérables. « Attention à ne pas rapporter des détails macabres, comme la lettre laissée par le défunt, l'arme utilisée ou la manière dont le suicide a été effectué. Attention également à ne pas publier de photos montrant la personne décédée. Ce genre de détails peut avoir une influence sur les individus les plus vulnérables. Ces derniers pourraient voir leurs idées noires augmenter et décider de passer à l'acte », met-elle en garde.

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Si vous avez des pensées suicidaires ou si vous connaissez quelqu’un dans ce cas, appelez la ligne d’assistance nationale pour la prévention du suicide au Liban au numéro 1564.