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Politique - Analyse

Face à Israël, la capacité de dissuasion du Hezbollah s’effrite

Au fur et à mesure des semaines, conscient que son adversaire fera tout ou presque pour éviter la guerre, Israël fait sauter de plus en plus de digues.

Face à Israël, la capacité de dissuasion du Hezbollah s’effrite

Les funérailles d’un membre du Hezbollah au Liban-Sud le 27 février 2024. Hassan Fneich/AFP

Hassan Nasrallah a attendu presque un mois avant de faire son premier discours à la suite de l’opération Déluge d’al-Aqsa. L’objectif ? Entretenir le plus longtemps possible « l’ambiguïté stratégique » concernant les intentions du Hezbollah dans cette séquence. Une fois le discours du « sayyed » passé, le doute a toutefois quasiment disparu : depuis le 3 novembre, il est extrêmement clair que le Hezbollah ne veut pas d’une guerre totale avec Israël. Les responsables du parti le répètent en public et en privé depuis des mois. Au point que la formation chiite a fini par perdre une partie de sa capacité de dissuasion face à Israël.

Entendons-nous bien. Les responsables israéliens ont tout à fait conscience que le Hezbollah de 2024 n’est plus celui de 2006. Que la milice dispose d’environ 150 000 missiles dont certains ont une portée de plus de 100 kilomètres. Qu’en cas de guerre, malgré leur préparation à ce scénario et l’amélioration de leur capacité militaire, le Hezbollah pourra leur faire mal. Qu’il pourra cibler des villes de premier plan et contraindre des centaines de milliers de personnes à se déplacer. Le Hezbollah dispose encore d’une capacité de dissuasion : c’est la principale raison pour laquelle Israël n’a pas encore lancé une opération militaire de grande envergure au Liban. Mais plus les semaines passent, plus cette capacité de dissuasion s’effrite. Plus le Hezbollah répète qu’il ne veut pas la guerre, plus Israël se permet d’élargir ses opérations au Liban.

Depuis le milieu de la décennie 2010, Israël mène régulièrement des raids en Syrie contre des membres de l’« axe de la résistance ». Ses frappes peuvent aussi bien viser le sud du pays que Damas ou même la côte syrienne, pourtant le fief de Moscou. Israël ne s’interdit rien parce qu’il perçoit le renforcement de l’Iran et de ses alliés à sa frontière comme une menace et parce qu’il sait que son ennemi n’a pas les moyens de lui répondre.

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Pendant des années, Israël s’interdisait toutefois d’agir avec la même logique sur le terrain libanais. Non pas parce qu’il considérait que la menace y était moins élevée, mais parce qu’il savait que cela aurait d’autres répercussions. La donne a changé depuis le 8 octobre, date du lancement des hostilités entre les deux ennemis à la suite d’une frappe du Hezbollah.

Israël poursuit depuis trois objectifs sur le terrain libanais. Éliminer les responsables du Hamas réfugiés au Liban, éliminer un maximum de membres de la force al-Radwan, l’unité d’élite du parti chiite, spécialisée dans les opérations d’infiltration et détruire des cibles-clés pour affaiblir son adversaire.

Beaucoup plus à perdre

Au fur et à mesure des semaines, conscient que son ennemi fera tout ou presque pour éviter la guerre, Israël fait sauter de plus en plus de digues. L’État hébreu se permet d’assassiner Saleh el-Arouri, le numéro deux du Hamas, dans la banlieue sud de Beyrouth. Puis de frapper les régions de Nabatiyé, de Saïda, de Baalbeck comme pour signifier que son opération ne connaît aucune limite géographique. Certes, le Hezbollah riposte. Mais il le fait, le plus souvent, en respectant les « règles d’engagement », ce qui encourage Israël à recommencer.

Le Hezbollah est constamment sur la défensive. Contraint de réagir sans pouvoir reprendre l’initiative. Contraint d’espérer qu’une trêve soit décrétée à Gaza pour sortir de ce cercle vicieux. Israël, pour sa part, est déjà dans une logique de guerre au Liban. Il mène son opération, atteint une partie de ses objectifs et prépare le terrain pour la suite. Si la diplomatie fonctionne, tant mieux. Sinon, il intensifiera probablement ses opérations jusqu’à la rupture. Le risque pour l’État hébreu, c’est de finir par sous-estimer la menace que représente son ennemi et de se lancer dans un conflit qui aurait pour lui d’importantes répercussions.

Pour le Hezbollah, l’enjeu est plus complexe. Le parti a beaucoup plus à perdre qu’à gagner dans une guerre totale avec Israël. Les Libanais n’en veulent pas, y compris sa base, et ne lui pardonneraient pas. Même s’il parvenait à « résister » à l’offensive ennemie, il y laisserait dans tous les cas beaucoup de plumes. Il ne veut pas non plus donner un sentiment de faiblesse ni en interne ni sur la scène régionale.

Le « front de soutien » au Hamas ressemble de plus en plus à un traquenard. Il n’a aucun effet décisif sur la poursuite de l’offensive israélienne sur Gaza, mais met le parti – et le Liban – en danger. Idéalement, le Hezbollah aimerait sortir de cette séquence avec un Hamas encore « vivant » à Gaza, un accord avec Israël qui renforcerait sa position au Liban et une forme de reconnaissance américaine du rôle de l’Iran dans la région. Mais à l’heure qu’il est, la survie militaire du Hamas est loin d’être assurée et le deal irano-américain apparaît (au mieux) lointain. Quant à l’accord avec Israël, il est si intrinsèquement lié à la situation à Gaza que le parti dépend là aussi de la volonté de l’État hébreu. Et si ce dernier décidait de poursuivre ses opérations au Liban-Sud, même en cas de trêve à Gaza, que ferait alors le Hezbollah ? Comment peut-il, en cas de défaite militaire du Hamas, se sortir de ce traquenard sans risquer de tout perdre et sans se renier ?

Hassan Nasrallah a attendu presque un mois avant de faire son premier discours à la suite de l’opération Déluge d’al-Aqsa. L’objectif ? Entretenir le plus longtemps possible « l’ambiguïté stratégique » concernant les intentions du Hezbollah dans cette séquence. Une fois le discours du « sayyed » passé, le doute a toutefois quasiment disparu : depuis le 3 novembre,...

commentaires (13)

C'est comme à la récré, mais avec de vrais morts. Qui a commencé cette fois la bagarre? Dans cette séquence, c'est bien le Hezbollah qui a lancé des roquettes en premier sur Israël pour soutenir le Hamas après le 7 octobre. Et si l'autre répond avec des moyens disproportionnés, à qui la faute? Quant au Hezbollah qui dit avoir un cœur pour les Palestiniens qu'il commence d'abord à accepter d'octroyer la nationalité libanaise aux réfugiés qui le désirent. Des Palestiniens bien ancrés dans le tissu économique du Liban apporteraient des richesses dans un pays qui en a bien besoin.

Fingal Victor

12 h 09, le 01 mars 2024

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Commentaires (13)

  • C'est comme à la récré, mais avec de vrais morts. Qui a commencé cette fois la bagarre? Dans cette séquence, c'est bien le Hezbollah qui a lancé des roquettes en premier sur Israël pour soutenir le Hamas après le 7 octobre. Et si l'autre répond avec des moyens disproportionnés, à qui la faute? Quant au Hezbollah qui dit avoir un cœur pour les Palestiniens qu'il commence d'abord à accepter d'octroyer la nationalité libanaise aux réfugiés qui le désirent. Des Palestiniens bien ancrés dans le tissu économique du Liban apporteraient des richesses dans un pays qui en a bien besoin.

    Fingal Victor

    12 h 09, le 01 mars 2024

  • Gallant dit qu'ils continueront leur offensive au Liban même s'ils parviennent à un cessez le feu avec le Hamas. À suivre.

    Onaissi Antoine

    13 h 14, le 29 février 2024

  • Le Sayyed est beaucoup plus futé que ne veut l'imaginer (comme d'habitude) l'auteur de cet article ! Wait and see !

    Chucri Abboud

    12 h 51, le 29 février 2024

  • En pratiquant la politique des propagandes mensongères, HN croyait pouvoir intimider son adversaire en se lançant dans une guerre qui ne le concerne aucunement si l’on croit à ses discours de protecteur de son pays. Israël n’a à aucun moment inclu le Liban dans ses ripostes à Gaza avant que HN ne lui déclare la guerre. HN agit sur ordre et oublie que notre pays a encore une entité, une armée et une constitution. Il part perdant à cause de son manque de patriotisme et de son obéissance aveugle à ses maîtres qui eux n’en ont cure de son devenir ni de son pays. Il sera remplacé au pied levé.

    Sissi zayyat

    11 h 59, le 29 février 2024

  • Vous confirmez, indirectement et sans le vouloir, que le hizb devrait frapper plus fort. Vous avez raison. Mais d'abord il commence à le faire. Ensuite, sa base le suit et le suivra, pas d'illusions sur ce sujet. Mais que faire de "l'opposition " et ses voix de sopranos qui ne s'élèvent que contre lui, et jamais contre nos aimables voisins(?) L'opera bat son plein..

    Raed Habib

    11 h 52, le 29 février 2024

  • Le Hezbollah a déjà laissé des plumes car il n'a jamais eu et n'a toujours pas les moyens de sa politique. Israël n'attaque toujours pas car il est plus intelligent de le faire une fois isolé et seul. Le Hamas détruit et affaibli, le Hezbollah sera seul face a son ennemi, faible et honni même par son propre peuple, trahi par ses propres ouailles et tout ce que HN a trouvé pour justifier son incapacité et incompétence c'est de s'en prendre au téléphone portable. Pathétique! Espérons qu'ils reprennent leurs sens et acceptent de remettre leurs armes a l’armée et permettent a l’état de négocier.

    Pierre Christo Hadjigeorgiou

    11 h 23, le 29 février 2024

  • DES PLUSIEURS MAUX ON CHOISIT LE MOINDRE. NOUS VOULONS UN LIBAN SANS MAUX !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 19, le 29 février 2024

  • Israël risque aussi de perdre beaucoup de plumes et il le sait.

    Politiquement incorrect(e)

    11 h 06, le 29 février 2024

  • Enfin une analyse de bon sens, loin du charabia de la moumanaa et de la "victoire inevitable". Le Hamas va presque certainement disparaitre et quand bien-meme il ne le serait pas, Gaza ne pourra pas redevenir un espace de vie. Le Hezbollah se prend des roustes quotidienement et l'auteur de l'article a mentionné LE mot-clé: INITIATIVE. c'est les Israeliens qui sont a la manoeuvre au Liban et il ne s'arreteront que quand ils seront sur a 1000% que ce qui c'est passé dans les kibboutzs autour de Gaza ne risque pas de se reproduire dans le Nord d'Israel.

    Lebinlon

    09 h 57, le 29 février 2024

  • Très bonne analyse. Entre un pays qui se bat pour son existence et un voisin qui veut le faire disparaître lequel des deux est légitime

    Rigotti Micaël

    06 h 38, le 29 février 2024

  • Hamas se bat pour recuperer un pays. Israel se bat pour sa survie. Quelqu'un peut-il expliquer pourquoi le Hezbollah mene une bataille perdue d'avance?

    Sami Mouracade

    06 h 21, le 29 février 2024

  • On dirait que l1auteur de cet article se réjouit qu'Israel puisse frapper notre capitale et nos régions montagneuses ! Je rappelle à mes collègues et chers lecteurs que depuis toujours , les extrêmistes messianiques autour de Natanuayou ont dans leurs plans déclatrés de parvenir à l'expansion terriroriale vers le Grand Israel qui inclt entre autres tout le territoire libanais , et pas seulement notre Sud !

    Chucri Abboud

    01 h 30, le 29 février 2024

  • ESPÉRANT QU'IL VA TOUT PERDRE ET QUE LA JUSTICE RESPIRE ET PREND LA RELÈVE.

    Gebran Eid

    01 h 26, le 29 février 2024

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