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Culture - Concert

Giuseppe Andaloro, revenez-nous plus souvent !

Le pianiste italien a donné deux concerts dans le cadre du Festival al-Bustan avec une implacable technique de haute école.
Giuseppe Andaloro, revenez-nous plus souvent !

Le pianiste italien Giuseppe Andaloro. Photo DR

Giuseppe Andaloro perdait ses lunettes parfois et l’on ne sait pas comment il faisait pour les rattraper pendant qu'il jouait. Cela tenait du miracle. Le récital présenté dans le cadre du Festival al-Bustan fut en effet miraculeux.

Une gentille petite mise en bouche avec la Partita sopra l’Aria di follia de Frescobaldi qui, après avoir terminé ses études en Italie, va séjourner quelque temps aux Pays-Bas. Ce compositeur de très grande classe et un extraordinaire virtuose du clavier fut nommé en 1608 organiste de la cathédrale Saint-Pierre, à Rome. 

Le thème des Folies d'Espagne est une danse apparue au XVᵉ siècle, probablement au Portugal, thème qui a été utilisé par plus de 150 musiciens, de Jean-Baptiste Lully à Sergueï Rachmaninov. Styliste admirable, M. Andaloro a su faire revivre cette page de musique « légère », imprégnée par l'esprit de la danse, et lui a donné une vie tressaillante avec son implacable technique de haute école qu'on retrouvera tout au long de son récital.

Sa Chaconne de Bach semble débuter sans malice. Puis l'édifice colossal se construit poco a poco. Cela crie, sublime, s'apaise, repart irrésistiblement. Infime rubato, mais qui soulève cette page à une véritable marée sonore. On aime Bach ainsi, écrasant tellement il semble si simple. D'autant plus que la transcription de Ferruccio Busoni est d'une grande difficulté technique et que notre interprète, à notre avis, a trop appuyé les forte fortissimo voulant faire un contraste entre les piano pianissimo.

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Franz Liszt, rhapsode du peuple hongrois dont il se voulait et dont il fut l’Homère, n'est pas moins novateur en tant que tel. Le nationalisme s'unit ici au romantisme, mais avec une authenticité ethnique réelle. On a pu en douter, parce que plus tard, cette musique a été galvaudée et corrompue par les orchestres de brasserie. On sait que Liszt a transcrit certaines de ses Rhapsodies hongroises à l'orchestre et que certains pianistes se complaisent à ne voir dans les rhapsodies que matière à des prouesses, d'esbroufe, renchérissant sur le pathos du Lassan et de la frénésie de la Friska.

M. Andaloro est une exception qui ne s’enivre pas de technique acrobatique parce qu'il la domine. Il sait comment timbrer, dégager les plans dans cette 12ᵉ rhapsodie. Il a l'accent qu'il faut. Il respire, il s'élance dans une trajectoire capricieuse, guidée par un poignet sûr et aborde en pur poète les moments lyriques. N'en déplaise à ceux pour qui Rachmaninov reste le pourvoyeur de sirop et de filtre de langueur, la première sonate peut de prime abord paraître ennuyeuse, mais les doigts et les mains de notre pianiste sont rompus à une technique de feu qui ne brûle pas d'impatience mais sont capables d'intensité poétique contrôlée et de vérité expressive.

On a pu entrevoir dans le premier mouvement allegro moderato, la figure de Faust, dans le deuxième andante, celui de Marguerite, et dans l'Allegro molto, Méphisto. Le jeu est aéré, le toucher charnu, simple et limpide, jeu étincelant où l’interprète a donné libre cours à sa technique époustouflante dans le troisième mouvement, sorte de chevauchée fantastique dans le sens lisztien du terme.

On a pu l'écouter sans ressentir le moindre ennui, sans perdre le fil une seconde. On a pu aussi apprécier le bonheur des phrasés, la clarté de l'articulation, le charme de la couleur. La tempête et l'élégie s'accordaient idéalement. Giuseppe Andaloro a su donner à cette page une grandeur et une force qui nous a fait découvrir un grand musicien et qui nous fera certainement connaître un beau talent de pianiste.

Dédié à toutes les victimes du monde, en bis, un arrangement de Bohemian Rhapsody de Queen aux relents lisztiens. Monsieur Andaloro, revenez-nous plus souvent. En attendant, rendez-vous avec Monsieur Nelson Goerner le 29 février avec des compositeurs comme Haendel, Schumann, Rachmaninoff et Schulz/Evler (Arabesque sur un thème du Danube bleu).



Bio Express

Giuseppe Andaloro est considéré comme l'un des artistes les plus appréciés de sa génération.

 Né à Palerme en 1982, il a commencé très jeune une activité de concertiste passionnée et intense, en interprétant un vaste répertoire allant de la Renaissance à la musique moderne et contemporaine. Son arrangement pour deux pianos et deux violoncelles du Sacre du printemps de Stravinsky a été salué par la critique et s'est joué à guichets fermés dès le soir de la première. Héritier de la tradition pianistique de Giuseppe Fiorentino, vainqueur de prestigieux concours internationaux tels que le Ferruccio Busoni, le London Piano Competition, le Concours international de piano de Sendai, le Concours international de piano de Porto et le Concours international de piano de Hong Kong, Andaloro se distingue par son vaste répertoire et sa maîtrise de l’interprétation, en particulier des maîtres russes. Au Festival al-Bustan, il était invité par l’ambassade d’Italie au Liban, l’Institut culturel italien de Beyrouth et le CIDIM (projet Suono Italiano). 

Giuseppe Andaloro perdait ses lunettes parfois et l’on ne sait pas comment il faisait pour les rattraper pendant qu'il jouait. Cela tenait du miracle. Le récital présenté dans le cadre du Festival al-Bustan fut en effet miraculeux.Une gentille petite mise en bouche avec la Partita sopra l’Aria di follia de Frescobaldi qui, après avoir terminé ses études en Italie, va séjourner quelque...

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