Béchara Raï n’en démord pas. Depuis que le Hezbollah s’est impliqué à partir du Liban-Sud dans la guerre opposant le Hamas à Israël à Gaza, le patriarche maronite multiplie ses critiques à l’encontre du parti chiite sans le nommer, appelant à épargner au Liban le scénario d’une guerre totale.
« L'héroïsme ne consiste pas à faire la guerre à l'aide d'armes développées et destructrices, mais réside plutôt dans la raison, la volonté et le cœur qui appellent et cherchent à instaurer la paix et la justice, et faire primer l'amour », a lancé le prélat dans son homélie dominicale, selon des propos rapportés par l'Agence nationale d'information (Ani, officielle). « L'héroïsme consiste à éviter la guerre et non à la faire », a-t-il insisté.
Poursuivant sur sa lancée, le chef de l’Église maronite s’en est pris au Hezbollah, citant un article écrit par l’évêque grec-catholique Cyrille Bustros, et publié samedi dans les colonnes de notre confrère an-Nahar. « Au Liban, chaque communauté religieuse œuvre pour empiéter sur les droits des autres communautés (…). On voit souvent qu'au sein d'une communauté (bien déterminée), on ne considère les autres que comme un groupe de traîtres et d’agents », a lancé Mgr Raï, reprenant le texte de Mgr Bustros. Encore une flèche décochée en direction du Hezbollah, en particulier sa base populaire. Celle-ci avait mené sur les réseaux sociaux une campagne de diffamation et d’insultes contre plusieurs figures, dont le patriarche Raï lui-même et le chef des Kataëb, Samy Gemayel, qui avaient décrit les souffrances des habitants du Liban-Sud contraints, selon eux, de subir les contrecoups de la décision du parti de Hassan Nasrallah de soutenir le Hamas à partir du Liban. Un point que le secrétaire général du Hezb avait évoqué dans son discours prononcé le 13 février. « Depuis 1982 (quand le Hezbollah a été fondé, NDLR), des personnes critiquent la résistance, a-t-il regretté. Ils ont, de toute façon, des points de vue préconçus. Quel que soit le résultat, ils ne reconnaissent pas la victoire. Même lorsqu’on leur montre quelque chose, ils ne le voient pas. Ils ne parviennent pas à reconnaître leurs torts. Ces individus sont peine perdue, nous n’arriverons jamais à les convaincre... » a-t-il ajouté, appelant ses partisans à les ignorer plutôt que de les attaquer. « Nous ne pouvons pas continuer dans cet état d’éloignement et de manque de confiance mutuels qui bloquent la vie de l'État », a souligné Mgr Raï, appelant à ce que tout le monde « place au-dessus de tout l'objectif de construire l'unité nationale ».
Les critiques du chef de l’Église maronite à l’égard du parti chiite interviennent deux jours après le dernier discours de Hassan Nasrallah, vendredi dernier. Celui-ci s’en était alors pris au patriarche maronite sans le nommer avec, en toile de fond, les mises en garde des évêques maronites contre des « tentatives internationales et internes visant à imposer un accord suspect » sur la frontière entre le Liban et Israël en l'absence d'un président de la République. « Ceux qui craignent un accord « suspect » et nous accusent de vouloir contourner la présidence sont-ils anormaux ? » a lancé Hassan Nasrallah. Et d'ajouter : « Il n'y a pas besoin de délimiter la frontière terrestre, elle est déjà tracée. Si discussion il y aura, ce sera pour faire sortir les Israéliens de nos terres, ce qui ne nécessite pas la signature d'un responsable. »
Audi aussi
À son tour, le métropolite grec-orthodoxe de Beyrouth, Élias Audi, a critiqué, dans son homélie, l’engagement du Hezbollah dans les hostilités à la frontière libano-israélienne et l'affaiblissement de l'armée libanaise. « Comment peut-on construire un pays dont l'armée est affaiblie ? Comment un pays peut-il connaître la stabilité et la prospérité lorsque les armes y sont répandues, ses frontières ouvertes à tout vents, son système judiciaire opprimé, ses administrations vidées de personnes compétentes, et lorsque la décision de l'État est confisquée et la guerre imposée à l'État et ses citoyens ? », s'est-il interrogé.
commentaires (12)
Bravo au métropolite Audi, paroles censées qui décrivent notre réalité présente sans détours, il va droit au but!
CW
18 h 38, le 10 mars 2024