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Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

Face au conflit à Gaza, Erdogan enterre la hache de guerre avec Sissi

Après plus d’une décennie de brouille, la visite du président turc chez son homologue égyptien souligne les intérêts bilatéraux croissants entre les deux pays, accélérés par le contexte de guerre.

Face au conflit à Gaza, Erdogan enterre la hache de guerre avec Sissi

Le président turc s’est entretenu avec son homologue égyptien en marge du sommet du G20 en Inde. Murat Cetin Muhurda/Présidence turque/Anadolu Agency via AFP

La symbolique de la date peut prêter à sourire. Ce mercredi 14 février, jour de la Saint-Valentin, les deux vieux ennemis, Recep Tayyip Erdogan et Abdel Fattah al-Sissi, se retrouvent en face à face au Caire. La rencontre marque la première visite du dirigeant turc en Égypte après plus d’une décennie de brouille, apaisée l’année dernière par le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays. Sujet principal des discussions : la guerre dans la bande de Gaza, a annoncé lundi le président turc lors d’une allocution télévisée. L’armée israélienne menace de lancer une vaste offensive sur Rafah, dans le sud de l’enclave, où 1,3 million de Palestiniens ont trouvé refuge. Une situation préoccupante pour les deux poids lourds régionaux qui pourraient trouver dans ce rapprochement bilatéral l’opportunité d’accroître leur influence sur la scène diplomatique. Sur le dossier israélo-palestinien bien sûr, où leurs vues sont davantage alignées, mais aussi en faisant des concessions respectives sur leurs différends en Libye et en Méditerranée orientale. Embourbés dans de graves crises économiques, les deux pays espèrent également que leur coopération permettra de doubler leur commerce bilatéral, qui passerait de 10 milliards de dollars actuellement à 20 milliards en quelques années.

La rencontre devrait concrétiser un rapprochement qui pourrait dessiner un nouvel élan dans la région. Les relations égypto-turques étaient arrivées au point mort après le coup d’État mené par l’armée égyptienne en 2013, entraînant l’arrivée au pouvoir de Abdel Fattah al-Sissi, un « tyran illégitime » aux yeux du président turc qui l’avait qualifié ainsi en 2014. Membre de l’organisation des Frères musulmans, le dirigeant déchu Mohammed Morsi était un proche allié du reïs turc et de sa formation politique, le Parti de la justice et du développement (AKP). « Erdogan franchit une étape supplémentaire en se rendant au Caire, ce qui suggère qu’Ankara est fortement motivé pour dépasser ce passé conflictuel », souligne Alper Coskun, chercheur au centre Carnegie. Profitant d’un contexte de désescalade régionale, les deux dirigeants avaient échangé une poignée de main chaleureuse en novembre 2022, à l’occasion de la Coupe du monde de football organisée à Doha, avant d’acter leur réconciliation en mars dernier par le rétablissement de leurs liens diplomatiques. Une rencontre avait eu lieu en septembre 2023, en marge du sommet du G20 à New Delhi.

Course au leadership

Les deux dirigeants s’étaient par la suite entretenus à plusieurs reprises au téléphone sur les derniers développements concernant les opérations israéliennes à Gaza et l’acheminement de l’aide humanitaire. « La guerre à Gaza est devenue l’objectif principal de la rencontre, influençant de manière significative le calendrier et l’ordre du jour », note Nebahat Tanriverdi Yasar, une analyste politique indépendante basée à Ankara. L’Égypte occupe une place prédominante dans les négociations entre Israël et le Hamas, menant avec le Qatar le ballet diplomatique pour parvenir à un accord de trêve dans l’enclave palestinienne, alors qu’une crise humanitaire sans précédent se joue dans la bande de terre. Ce mardi encore, Le Caire accueillait notamment le directeur de la CIA et le chef du Mossad israélien, venus négocier la libération d’otages israéliens encore détenus par le Hamas et d’autres factions palestiniennes. Pour les Égyptiens, l’appui turc pourrait représenter un moyen de pression supplémentaire sur Tel-Aviv, sans risquer une concurrence trop forte. « L’Égypte veillera à ne pas laisser la Turquie jouer un rôle trop important », prévoit Alper Coskun.

Face au leadership égyptien, la Turquie semble en effet toute petite dans ce dossier. Recep Tayyip Erdogan avait pourtant espéré jouer un rôle de premier plan. Aux premiers jours de la guerre, il se contentait certes d’appeler à la paix entre les deux adversaires pour s’imposer en médiateur et ne pas risquer ses bonnes relations commerciales avec l’État hébreu. Mais face aux opérations extrêmement meurtrières menées par l’armée israélienne, le reïs a multiplié les sorties controversées, qualifiant les combattants du Hamas de « libérateurs » et Israël d’« État terroriste ».

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« Les critiques acerbes de la Turquie à l’égard d’Israël et son soutien ouvert au Hamas ont limité le potentiel de la Turquie à jouer un rôle significatif dans les négociations, explique Nebahat Tanriverdi Yasar. En se rapprochant de son voisin égyptien, Ankara pourrait contribuer à un cessez-le-feu et à une résolution politique à Gaza, ce qui renforcerait son assise diplomatique, qui souffre d’un certain isolement depuis plusieurs années. » En déplacement ce mardi aux Émirats arabes unis, Recep Tayyip Erdogan a déclaré que « la voie de la paix, du calme et du développement économique dans notre région passe par la création d’un État palestinien », ajoutant être « prêt à prendre part à cette solution ».

Harmonisation régionale

Au-delà du dossier israélo-palestinien, Ankara peut d’ores et déjà se servir de son succès avéré dans le domaine militaire pour renforcer son influence régionale et mettre en pratique le retour à sa politique étrangère de « zéro problème avec ses voisins ». La Turquie a en effet accepté le 4 février de fournir ses drones Bayraktar à l’Égypte, qui rejoint ainsi les nombreux clients d’Ankara, dont Abou Dhabi et Riyad, à bénéficier de cette technologie qui fait la fierté du président turc. « Les ventes de l’industrie de la défense et les drones en particulier sont devenus un élément central de la politique étrangère et de sécurité de la Turquie », soutient Alper Coskun, pour qui le « techno-nationalisme » vanté par Ankara pourrait rayonner sur la scène domestique turque à l’horizon des élections locales en mars prochain. « Atteindre ce niveau de coopération entre les deux pays nécessite de résoudre les désaccords sur certains différends régionaux ou, au moins, de convenir d’une feuille de route commune en vue de leur résolution », analyse toutefois Nebahat Tanriverdi Yasar. Ambitionnant de devenir des plaques tournantes de l’énergie, l’Égypte et la Turquie se disputent certaines voies d’acheminement du gaz naturel foré en Méditerranée orientale. « La Turquie cherchera à éloigner l’Égypte de son alignement sur les positions de la Grèce et de Chypre en ce qui concerne les projets énergétiques, affirme Alper Coskun. Inversement, l’Égypte attendra de la Turquie qu’elle mette clairement fin à son soutien aux entités que Le Caire considère comme hostiles », notamment sur le terrain libyen, où les deux pays soutiennent des groupes rivaux.

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Une harmonisation stratégique qui passera aussi par le renforcement des liens économiques. En dépit de la décennie de brouille entre les deux pays, ceux-ci avaient suivi leur cours, Ankara se maintenant au rang de cinquième partenaire commercial du Caire. Mais les efforts devraient s’intensifier : tandis que la Turquie est frappée par une inflation galopante, les investisseurs étrangers se font rares en Égypte, confrontée à un casse-tête financier, l’État consacrant plus de 45 % de son budget au remboursement de sa dette. Bien que leur économie soit en berne, les entreprises turques pourraient jeter leur dévolu sur les secteurs industriel ou encore pharmaceutique, pour acquérir des actifs à bas prix. « Malgré tous ses problèmes, la Turquie dispose d’un monde des affaires solide qui n’hésite pas à prendre des risques ou à investir à l’étranger, estime Alper Coskun. Et l’Égypte est un pays où il verrait un fort potentiel de collaboration. »

La symbolique de la date peut prêter à sourire. Ce mercredi 14 février, jour de la Saint-Valentin, les deux vieux ennemis, Recep Tayyip Erdogan et Abdel Fattah al-Sissi, se retrouvent en face à face au Caire. La rencontre marque la première visite du dirigeant turc en Égypte après plus d’une décennie de brouille, apaisée l’année dernière par le rétablissement des...

commentaires (2)

Ces pays arabes qui n'osent même pas prendre une décision facile et efficace qui serait LA RUPTURE DE LEURS RELATIONS DIPLOMATIQUES AVEC L'ETAT SIONISTE ! Quelle honte après tout ce carnage ! Il faudrair que tous les pays su Sud Global le fassent illico presto !

Chucri Abboud

13 h 57, le 14 février 2024

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Commentaires (2)

  • Ces pays arabes qui n'osent même pas prendre une décision facile et efficace qui serait LA RUPTURE DE LEURS RELATIONS DIPLOMATIQUES AVEC L'ETAT SIONISTE ! Quelle honte après tout ce carnage ! Il faudrair que tous les pays su Sud Global le fassent illico presto !

    Chucri Abboud

    13 h 57, le 14 février 2024

  • Le seul et unique problème reste la question de savoir où seraient exilés les pauvres déplacés de Gaza ... et combien de milliards pourraient réclamer les pays qui accepteraient de les recevoir en rendant plus facile la pernicieuse et ignominieuse besogne de cet odieux tortionnaire international , premier criminel de la planète Natanyahou !

    Chucri Abboud

    13 h 37, le 14 février 2024

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