La tension monte d’un cran. Un drone israélien a visé samedi une voiture à Jadra, sur le littoral du Chouf, faisant au moins deux morts et trois blessés graves hospitalisés. S’étant produite à plus de 60 kilomètres de la frontière, cette attaque est la plus profonde menée par Israël après l’assassinat de Saleh al-Arouri dans la banlieue sud de Beyrouth. Elle visait Bassel Saleh, « responsable au sein du Hamas de l’enrôlement en Cisjordanie », qui a survécu, a indiqué une source de sécurité libanaise à l’AFP. « Il a échappé à la tentative d’assassinat mais souffre de brûlures au dos et a été hospitalisé », a-t-elle ajouté. La frappe a toutefois tué Khalil Farès, un membre du Hezbollah originaire de Aïtaroun, ainsi qu’un civil de nationalité syrienne qui se trouvait près de la voiture visée. En guise de riposte, la milice chiite a annoncé dans des communiqués avoir attaqué une position militaire israélienne près de la frontière et avoir capturé « un drone israélien de type Skylark en bon état ».
En réaction à la frappe de Jadra, le député Bilal Abdallah, élu joumblattiste du Chouf, a estimé qu’il s’agit d’un « indicateur grave » pour l’avenir de la guerre en cours depuis le 8 octobre. « C’est un message clair des Israéliens, à savoir qu’ils se considèrent libres de tout engagement, qu’ils ne respectent plus aucune règle de combat et qu’ils n’hésitent pas à frapper en plein jour des régions pacifiques et très peuplées », dit-il à notre journaliste Suzanne Baaklini. Il souligne que le secteur touché par cette frappe est proche d’une église et d’un marché de maraîchers. En même temps, le député appelle les cadres des formations armées à épargner les lieux sûrs et surpeuplés dans leurs déplacements, et les forces de sécurité libanaises à la vigilance. Reste que, selon les experts militaires de différents bords, cette frappe s’inscrit davantage dans la continuité qu’elle ne représente un réel virage dans le combat opposant le Hezbollah à Israël.
« L’assassinat début janvier de Saleh el-Arouri revêtait encore plus de gravité que la frappe à Jadra de par la symbolique de cette région », analyse Ghassan Hotteit, un ancien général proche du parti chiite joint par notre journal. De même pour Khalil Hélou, général à la retraite et analyste, qui estime que l’incident reste cohérent dans le contexte de l’action israélienne. « Cela fait un bon moment que les frappes contre le Liban-Sud sont de plus grande ampleur que celles du Hezbollah vers l’intérieur israélien », dit-il. Pour ce qui est de l’attaque de Jadra en particulier, « soit la cible devait leur être très précieuse, ce qui expliquerait qu’ils la suivent où qu’elle aille, soit la cible n’est pas le facteur le plus important, et la profondeur de la frappe devient elle-même le message ». Pour cet ancien militaire, « le message serait que les Israéliens ne reculeraient pas devant une escalade au Liban ». Outre la frappe sur Jadra, une pluie d’obus israéliens s’est abattue samedi sur le village frontalier de Houla, tuant deux civils. L’artillerie israélienne a également frappé près de Naqoura, à la frontière libano-israélienne, tuant Imad Ahmad Melhem, un autre combattant du Hezbollah. Cela porte à 188 le nombre de membres du parti chiite tués depuis le 8 octobre.
Deux combattants d’Amal tués
La tension n’est pas retombée dimanche, les affrontements au Liban-Sud ayant fait plusieurs morts et blessés. Ainsi, une attaque israélienne sur la localité de Chihine, non loin de la frontière avec Israël, a détruit une maison, selon notre correspondant Mountasser Abdallah. Cette frappe a fait deux morts appartenant au mouvement Amal, selon une source de ce parti chiite libanais allié du Hezbollah contactée par L’Orient-Le Jour. Il s’agit de Mohammad Rabih el-Masri, né en 2003, et de Hassan Ali Farouk, né en 1996. Avec eux, le nombre de morts parmi les membres du mouvement s’élève désormais à huit. Trois personnes ont également été blessées. L’armée israélienne a, quant à elle, annoncé avoir attaqué « des cibles du Hezbollah » au Liban, des « infrastructures terroristes » et un « point de lancement » du parti chiite, au niveau de Marwahine, indique le porte-parole de l’armée Avichay Adraee sur X.
« L’armée a attaqué un site militaire, un bâtiment militaire et une infrastructure terroriste utilisés par l’organisation (le Hezbollah) à Ramiyé, Yaroun et Chihine », au Liban-Sud, a-t-il ajouté, indiquant également qu’un « objectif suspect » a été ciblé près de Kfar Kila. De son côté, le Hezbollah a mené au moins cinq attaques contre Israël dimanche. Il a ainsi revendiqué une attaque menée sur une troupe de soldats israéliens sur le mont Nézer, ainsi qu’un groupe dans le « triangle de Tayhat », en face de la localité libanaise de Meis el-Jabal. Il affirme également avoir détruit du matériel d’espionnage sur le site d’al-Abad, en face de Houla, et sur le site de Rouaissat al-Alam, entre les collines de Kfarchouba et les fermes de Chebaa.
Les terroristes gangrènent notre pays et on se demande encore si le Liban sera entraîné dans la guerre?
14 h 01, le 12 février 2024