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Lifestyle - Liban Pop

Pourquoi la mini-série documentaire sur Elissa mérite d’être regardée

Après avoir figuré dans le classement « 50 Under 50 » du magazine « Forbes », Netflix consacre « It’s OK», une mini-série en trois épisodes, à Elissa, où son parcours (intime), tous les coups qu’elle a reçus et qu’elle a balayés d’un revers de la manche, mais aussi ses succès et la qualité de son œuvre ne peuvent que séduire… Et nous rendre presque fans.

Pourquoi la mini-série documentaire sur Elissa mérite d’être regardée

Elissa, une mégastar proche de son public qui ne craint pas de dire les choses. Photo Netflix

It’s OK. En français, ça va, rien de grave. It’s OK, une formule a priori commune, presque protocolaire, qu’on emploie depuis que le monde est monde, mais qu’Elissa, gigantesque popstar libanaise, rien qu’en la prononçant à sa manière (tsoké) et à répétition, rien qu’en en faisant sa marque de fabrique linguistique, l’a transformée en une expression dont on croirait qu’elle détient les droits aux Moyen-Orient.

Il aura suffi en ce sens d’une première vidéo devenue virale, datant d’il y a une dizaine d’années, donc bien avant l’ère des vidéos virales où, lors d’un entretien suivant l’une de ses représentations, Elissa répond, exaspérée, «3adé, it’s OK » à une question d’une journaliste visant à la coincer. Très vite, l’extrait de cet entretien se répand partout sur la toile, dans la presse et les médias, suscitant une avalanche de réactions, au mieux comiques et, au pire, comme d’habitude, pleines de venin à l’encontre de l’artiste. En ce sens, que ce soit pour ses interventions chirurgicales ratées (et c’est elle qui l’avoue en premier, en n’attendant l’avis de personne), pour sa vie privée cabossée, pour ses opinions politiques qu’elle dévoile sans concessions et surtout sans peur de représailles, pour sa grande gueule à l’époque des langues de bois, pour sa plastique qui tranche avec les corps de star taillés au millimètre près, bref, pour tout sauf sa musique dont il serait difficile d’argumenter la qualité, Elissar el-Khoury (son nom de naissance), n’a cessé de se faire taper dessus depuis son apparition en 1999 avec Baddi Doub, le tube qui a fait d’elle Elissa, c’est-à-dire, sans conteste, la pop star contemporaine la plus connue, la plus adulée du Moyen-Orient.

Aujourd’hui, dans une mini-série-documentaire – en trois épisodes – produite par pas moins que Netflix, Elissa lève le voile sur la femme (touchante, vraie) qui est derrière la mégastar (parfois irritante). Ses doutes, ses fêlures, ses peines, ses deuils, sa dépression, son cancer et les effets secondaires dont elle écope jusqu’à ce jour, ses rêves, ses amours toxiques, les coups bas de l’industrie et son choix de prendre les rênes et lancer son propre label (doublé d’une boîte de production) E-Records. En somme, les coulisses de ce succès fracassant estimé à plus de 45 millions d’albums écoulés et tous les autres records qu’elle ne cesse de casser ; dont le dernier en date est sa nomination par le magazine Forbes dans son classement « 50 Under 50 ». Et bien évidemment, vingt-cinq ans plus tard, comme un pied de nez à tous ceux qui se moquent et lui prédisaient deux mois de carrière à tout casser, elle a choisi d’appeler cette série It’s OK.

Elissa dans la mini-série « It’s OK » se dévoile en toute sincérité. Photo Netflix

Une fille comme les autres

Commençons par avouer qu’avant le visionnement de It’s OK, nous n’étions pas particulièrement des fans d’Elissa. Hormis un plaisir coupable pour Baddi Doub, Ajmal Ihssas et 3aychalak préférablement jouées en fin de soirée, nous n’avions jamais réellement suivi le parcours de la chanteuse, trébuchant parfois au hasard sur des polémiques autour de l’état de ses lèvres ou sinon d’un tweet acerbe qu’elle aurait posté au milieu de la nuit puisqu’elle ne dort jamais ou très peu. D’ailleurs, nous nous sommes même demandé : sérieusement, à quoi bon une série, et de surcroît en trois épisodes, à propos d’une pop star libanaise ? Sauf que voilà, surprise totale, puisqu’il aura suffi d’une poignée de minutes du premier épisode de It’s OK pour être totalement cueilli par Elissa. Par ce côté vrai, par ce côté « fille comme tout le monde », par cette authenticité dont on se demande comment elle a pu la conserver quand il ne faut plus qu’une poignée de followers achetés par des blogueuses de quartier pour qu’elles se prennent aussitôt pour Beyoncé.

Cela nous rappelle le moment où nous avions été l’interviewer dans son appartement du quartier Sursock à l’été 2016, en vue d’un portrait paru dans ces pages. À l’époque, elle nous avait reçus en survêt’ avec des pantoufles fourrées, pendant que durant tout l’entretien, elle allait faire des câlins à la jeune fille qui l’aide dans les tâches ménagères. Nous avions eu l’impression d’avoir affaire à tout sauf à une pop star qui a systématiquement égrené les premières places des billboards pour chacun de ses douze albums, qui a émergé en faisant de l’ombre aux Nawal et Najwa de ce monde, et qui continue, vingt-cinq ans plus tard, de terrasser les Haïfa et Nancy de notre époque à coups de World Music Awards. Et tout ça avec un physique qui lui a souvent joué de mauvais tours, au sein d’une industrie et une région où, malheureusement, c’est souvent le critère physique qui disqualifie ou fait gagner.

Et c’est exactement à cet exercice de vérité qu’Elissa a choisi de se plier pour It’s OK. Et combien sont-elles les divas moyen-orientales qui, comme Elissa le fait dans cette série, accepteraient de se filmer et suivre dans leurs chambres à coucher, de parler de leur corps, de parler d’âge et de ménopause imposée par un traitement hormonale, de parler sans filtre et avec maladresse de la vie, de parler de leurs mauvais choix de chirurgie esthétique et des hommes toxiques qui leur ont bousillé la vie ? Car c’est dans l’intimité la plus absolue, la plus profonde de la pop star que les trois épisodes de cette série nous plongent, sur fond d’images d’archives qui mettent en parallèle les étapes de sa vie privée (souvent très compliquées) avec les triomphes qu’elle n’a cessé d’empiler (sans ciller ni rien dévoiler) depuis son passage à Studio el-Fann en 1992, et puis la sortie triomphale de son premier album Baddi Doub en 1998.

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Par-delà le fait qu’à la fin de cette série, Elissa nous attache et nous semble être une vieille amie avec, comme nous, son lot de problèmes et de félicités, la construction même de cette mini-série se révèle être également une bonne surprise. It’s OK se centre sur trois « drames » vécus par l’artiste et qu’elle dévoile sans concession. It’s OK, les sales coups que la presse et, plus globalement, l’industrie n’ont cessé d’infliger à Elissa, notamment un contentieux avec le label de distribution Watary (qu’elle ne nomme pas),  mais qui lui coûte jusqu’à ce jour le report de la sortie de son treizième album. It’s OK, la pression constante doublée de machisme dans le milieu, ainsi que les chirurgies esthétiques qui ont suivi et qui, dit-elle, lui ont déformé le visage à tel point que, par moments, elle ne se reconnaissait plus devant son miroir. It’s OK, les séquelles d’un implant mammaire dont elle parle ouvertement, et qui l’ont clouée sur un lit d’hôpital une première fois en 2017. It’s OK, le cancer au sein survenu en 2018 et qui l’a fait rencontrer la mort, mais à l’issue duquel, au moment de sa rémission, elle a choisi de consacrer la chanson Ila Kol Elli Bihebouni pour raconter cette bataille dont un bon nombre de médias pensaient pourtant que c’est un mensonge, en vue d’éveiller les femmes à propos de mesures préventives pour cette maladie.

It’s OK, la relation toxique avec un pervers narcissique qui a abusé d’elle, et l’a trahie et trompée alors qu’elle était au plus bas ; et à partir de laquelle elle a pensé le morceau Ya Merayti où, dans le clip, elle met en scène une scène de violence conjugale (les revenus des ventes de ce clip avaient été reversés à l’ONG Kafa). It’s OK la dépression, les douleurs physiques, les nuits sans sommeil, les matins sans la force de sortir du lit, les jours avec la peur de se montrer. Là où ce n’est plus OK, c’est le décès de son père, « la seule chose qui peut la démolir » lorsqu’elle y repense aujourd’hui. Un professeur de littérature arabe qui s’est saigné aux quatre veines pour élever ses enfants et les scolariser et pour lequel, Elissa avoue-t-elle avec les yeux remplis de larmes « j’aurai aimé faire plus ».

En le racontant, en reprenant les chemins de l’enfance vers l’internat où elle a été scolarisée et où elle retrouve, quarante ans plus tard, sœur Samira qui avait découvert son talent au chant, Elissa devient un peu le modèle de cette classe moyenne libanaise qui a réussi à la sueur de son front et de ses rêves. Elle contient à elle seule un Liban qui n’existe plus et qui s’est toujours débrouillé, malgré tout, à transformer ses drames en quelque chose qui ressemble au bonheur, sans ne jamais oublier d’où il vient. Parce que oui, après chacun de ses drames dont elle avait jusqu’alors refusé de dire quoi que ce soit, c’est une Elissa qui se relève, qui se bat et qui continue de croire en son étoile comme au premier jour. C’est une Elissa qui a confronté chaque chute avec un succès encore plus important que le précédent, et n’a jamais arrêté, même lorsqu’elle était alitée, de superviser avec obsession le micro détail de son œuvre. Parce qu’It's OK, en fait.

Et tout d’un coup, au fil des trois épisodes de It’s OK, cette formule tellement commune résonne autrement, et tout d’un coup, elle nous permet de regarder Elissa autrement. Avec des yeux de presque fans.  

It’s OK. En français, ça va, rien de grave. It’s OK, une formule a priori commune, presque protocolaire, qu’on emploie depuis que le monde est monde, mais qu’Elissa, gigantesque popstar libanaise, rien qu’en la prononçant à sa manière (tsoké) et à répétition, rien qu’en en faisant sa marque de fabrique linguistique, l’a transformée en une expression dont on croirait...

commentaires (7)

Tsoké Elissa, certains voient le monde à travers le trou d'un fusil... d'autres à travers leur coeur. Un bon article concernant une très bonne Libanaise. Tsoké pour certains commentaires

Wlek Sanferlou

21 h 01, le 01 février 2024

Tous les commentaires

Commentaires (7)

  • Tsoké Elissa, certains voient le monde à travers le trou d'un fusil... d'autres à travers leur coeur. Un bon article concernant une très bonne Libanaise. Tsoké pour certains commentaires

    Wlek Sanferlou

    21 h 01, le 01 février 2024

  • Mais… qu’est-ce qu’on s’en fout … !! Sérieux ? Elle a sauvé le monde? Découvert un vaccin? C’est qui déjà ? LOL…

    LE FRANCOPHONE

    15 h 36, le 01 février 2024

  • Si Elissa etait pro-Hezb, ils auraient regardé Netflix, Oumflix et Abouflix aussi, tout grossier et rustre qu'ils sont.

    Pierre Christo Hadjigeorgiou

    15 h 16, le 01 février 2024

  • Merci pour cette article qui nous fait réaliser comme nous sommes rapides a porter des jugements parfois… motivant pour regarder la série

    NFK

    08 h 10, le 01 février 2024

  • C’est ce que j’ai ressenti après avoir vu la série une combattante de mon pays

    Maya B.

    07 h 50, le 01 février 2024

  • Antipathique on ne peut plus. ,personnage rustre et grossier.

    Robert Moumdjian

    05 h 35, le 01 février 2024

  • PFFFFF ! Vous avez le temps de regarder Netflix vous ?

    Chucri Abboud

    00 h 39, le 01 février 2024

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