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Culture - Roman

« Vent du nord » : la renaissance d’un médecin malade, dans les montagnes du Liban

Pour son premier roman, Antoine Daher livre une histoire captivante et nécessaire sur la redécouverte de soi et les bénéfices de la nature sur l’âme et le corps.

« Vent du nord » : la renaissance d’un médecin malade, dans les montagnes du Liban

Antoine Daher, un médecin écolo qui signe son premier roman. Photo Élie Zahr

« J’ai le mal sans remède, celui que vous savez. J’ai beau être médecin, je fais partie de la race du commun des mortels (...) ma bataille avec la maladie généralisée étant perdue d’avance, je vais vous quitter ici et maintenant. Je partirai comme vous me voyez. Avec rien. Rien qu’un bâton. Je marcherai jusqu’à l’exténuation. Jusqu’à ce que mes jambes renoncent et que je m’éteigne. » Lors d’une veillée précédant son grand départ vers l’inconnu, Alexandre, le protagoniste, annonce à ses proches être atteint d’un cancer incurable. Il est encore loin de se douter de toutes les aventures auxquelles il va faire face et des rencontres qui vont changer le cours de son existence.

Vent du nord est le premier roman d’Antoine Daher, publié le 14 décembre 2023 aux éditions Les impliqués. Tout comme l’écrivain, le personnage principal est médecin. Ce dernier s’est donné corps et âme pour son métier jusqu’à oublier de vivre. Célibataire et sans enfants, il prend la décision de ne pas finir sa vie dans un lit d’hôpital et de partir vers les vallées du nord.

L’histoire débute en 2007, en même temps que la bataille de Nahr el-Bared, un camp palestinien près de Tripoli occupé par le groupe radical islamiste Fatah al-islam. « Ce mouvement est né à la suite de nombreuses divisions de groupe à n’en plus finir tout comme le phénomène néoplasique, c’est-à-dire le cancer. C’est une cellule qui se divise sans cesse jusqu’à créer une tumeur. C’est à partir de cette réflexion qu’est venue mon idée de commencer par cette date », confie l’écrivain à L’Orient-Le-Jour. Bien que le cancer soit la raison du départ d’Alexandre, sa maladie est très peu mentionnée dans le roman. C’est plutôt le changement total de son existence dans la nature qui est au cœur de ce récit.


La couverture de l'ouvrage. DR

La beauté de la nature et ses habitants

Ce n’est sans doute pas un hasard si le roman tourne autour de la nature. Médecin urologue à Kobayyate et journaliste durant un temps pour Byzance et Elle oriental, Antoine Daher milite aussi pour l’environnement depuis une trentaine d’années. Comme le protagoniste du roman, le lecteur se sent transporté dans un voyage hors du temps. La richesse ne réside plus dans le matériel mais dans la nature qui entoure les hommes : c'est cette réflexion que va se faire le médecin malade tout au long de son aventure « L’automne avance. Tout jaunit. L’or est partout, on est vraiment riche. » Alexandre va devenir le disciple de Leyl, un paysan auquel il voue une grande admiration et qui va lui apprendre le langage de la nature. Ensemble, ils vont vivre des moments paisibles tout comme des aventures à la Antar (le poète guerrier de la tribu préislamique Abs v. 525-615, NDLR).

Cet ancien médecin tombe instantanément amoureux d’une bergère du nom de Ghaya avec qui il vivra une idylle franche et intense. « Les personnages s’aiment rapidement, sans vraiment se poser de questions. Les réflexions sur le rang social de l’un ou de l’autre n’existent plus. Dès le premier regard, ils ont su qu’ils étaient faits l’un pour l’autre et ils ont suivi leur cœur », raconte Antoine Daher. Cette facilité à nouer contact avec autrui semble très naturelle pour les personnages du roman. Chaque personne qu’il rencontre a une trajectoire de vie qui sort de l’ordinaire, ce qui renforce le lien entre eux. « Dans la nature, quand vous marchez et faites connaissance avec quelqu’un, il y a une attraction qui naît rapidement. Vous avez l’impression d’être avec des personnes que vous avez toujours connues alors qu’elles peuvent être totalement différentes de vous. Elles ont un côté humain très fort. Elles sont généreuses et simples», déclare l’écrivain.

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Une liberté retrouvée

Alexandre vit enfin une vie qui semble lui convenir. Les jours et les mois ne se comptent plus, seul l’instant présent semble le guider. Parce que vivre dans la simplicité de la nature signifie également vivre libre. L'une des réflexions phares du roman concerne ce lien qui existe entre la nature et la liberté. Alexandre découvre, après s’être bien intégré dans son nouveau milieu, que la raison d’être du Liban se trouve dans la montagne. Un pays si petit regorge de reliefs montagneux différents créant ainsi des climats variés : « C’est ce qui fait que le Liban fait partie des pays qui ont le plus de biodiversité au kilomètre carré. C’est cette nature qui a formé notre identité libanaise », explique l’auteur de Vent du nord. D’après lui, la montagne permet aux être humains d’être à l’abri du despotisme et d’être libres de dire ce qu’ils pensent. « C’est cette nature qui a modelé notre façon de penser, d’exister et de réagir. En s’attaquant à la nature, l’identité libanaise se retrouve alors en danger» , analyse-t-il.

Une renaissance inespérée

Lorsque Alexandre et Ghaya se rencontrent, cette dernière le surnomme « Vent du nord ». Le vent survient, nettoie les champs en emportant avec lui les feuilles mortes tout comme il vient nettoyer nos pensées, notre corps et notre âme. Ce vent est même parfois attendu, bien qu’il soit très froid, car il signifie le renouveau. « Dans notre vie, nous avons besoin de nous débarrasser de certaines choses du passé afin de rebondir et nous renouveler. Cependant , à chaque fois qu’il y a du changement, il y a de la douleur », ajoute Antoine Daher. Pour Ghaya, Alexandre est vu comme le vent du nord car il va provoquer son renouveau. La bergère, rêvant de voir la ville, va vouloir réaliser son désir à la suite de sa rencontre avec le médecin. Pour ce dernier, ce vent est annonciateur de sa nouvelle vie.

Au départ, l’écrivain voulait écrire sur les guérisons de maladies graves provoquées par le changement de mode de vie qui captive tous les sens. « Cette idée m’a ramené vers la fugue dans la nature et la découverte de notre âme qui a été dénaturée durant des siècles par ce qu’on appelle la civilisation. Je me suis laissé emporter par l’écriture en oubliant le motif de départ », affirme-t-il. La nature fait totalement oublier le mal d’Alexandre jusqu’à disparaître : « L’histoire de la maladie a commencé lorsque l’homme est sorti de la nature. Comme le protagoniste a oublié son cancer, je l’ai également oublié en tant qu’écrivain », conclut-il.

Antoine Daher  participe à une rencontre-dédicace le 30 janvier à 19 heures dans la maison d’édition Les impliqués à Paris.

Il signe également son ouvrage le 10 février à 17 heures au café Urbanista à l'ABC Achrafieh et sera le 1er mars à l'Institut français de Tripoli. 

« J’ai le mal sans remède, celui que vous savez. J’ai beau être médecin, je fais partie de la race du commun des mortels (...) ma bataille avec la maladie généralisée étant perdue d’avance, je vais vous quitter ici et maintenant. Je partirai comme vous me voyez. Avec rien. Rien qu’un bâton. Je marcherai jusqu’à l’exténuation. Jusqu’à ce que mes jambes renoncent et que je...

commentaires (2)

J'adore votre histoire est si majestueuse vraie du fin fond de la montagne libanaise Bravo Docteur Daher.

Khalil Antoine

23 h 17, le 30 janvier 2024

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • J'adore votre histoire est si majestueuse vraie du fin fond de la montagne libanaise Bravo Docteur Daher.

    Khalil Antoine

    23 h 17, le 30 janvier 2024

  • Livre intéressant me semble t-il, raconte une vraie histoire Courage Dr Daher et Merci pour cette initiative C le vrai Liban

    william semaan

    15 h 36, le 30 janvier 2024

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