« Conférence pour la victoire d'Israël – les colonies apportent la sécurité : retourner dans la bande de Gaza et le nord de la Samarie. » C'est le titre donné au rassemblement festif, qui a réuni quelques milliers d'Israéliens favorables à la réinstallation de colonies dans l'enclave palestinienne, dimanche soir à Jérusalem. Parmi lesquels des ministres du gouvernement de Benjamin Netanyahu, le plus à droite de l'histoire d'Israël, dont la présence a été très remarquée et critiquée. La participation de ses partenaires de coalition situés à l'extrême droite et dans la frange ultranationaliste du spectre politique, comme les ministres de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir et des Finances Bezalel Smotrich, était certes attendue. Mais neuf autres ministres, dont des membres du Likoud, le parti de Benjamin Netanyahu, étaient également présents, exhortant le chef de cabinet à faire aboutir ce projet expansionniste.
Plans messianiques
« Le temps est venu de revenir à Gush Katif et d'encourager l'émigration volontaire », a déclaré Itamar Ben-Gvir, évoquant un groupe de colonies israéliennes jadis installées à Gaza. « La retraite amène la guerre et si nous ne voulons plus de 7 octobre, nous devons rentrer chez nous, contrôler le territoire (de Gaza). Nous devons trouver un moyen légal de faire émigrer volontairement (les Palestiniens) et d'imposer des peines de mort aux terroristes », a-t-il ajouté, alors que les combats redoublent de violence dans l'enclave, particulièrement dans le sud où sont réfugiés une grande partie des 2,4 millions de Gazaouis. Précisant les contours du terme « volontaire », le ministre des Communications Shlomo Karhi, membre du Likoud, a expliqué qu'en temps de guerre, « parfois, c'était un état que l'on impose (à quelqu'un) jusqu'à ce qu'il donne son consentement ». D'autres intervenants ont ouvertement réclamé l'expulsion des Palestiniens de Gaza, jugeant que la réimplantation de colonies apparaissait comme la seule issue pour assurer la sécurité d'Israël. Durant la conférence, des cartes ont ainsi été présentées avec des détails sur les projets de colonisation et les étapes préparatoires.
Israël a occupé la bande de Gaza ainsi que la Cisjordanie et Jérusalem-Est après la guerre de 1967. En ce qui concerne l'enclave côtière, l'État hébreu a effectué un retrait unilatéral en 2005, évacuant ses ressortissants de 21 colonies installées dans la bande de terre. En revanche, près d'un demi-million d'Israéliens vit aujourd'hui encore en Cisjordanie occupée dans des colonies considérées comme illégales par la communauté internationale, aux côtés de trois millions de Palestiniens. Sous l'actuel gouvernement israélien, arrivé au pouvoir fin 2022, l'expansion des colonies a été érigée en priorité – Bezalel Smotrich vivant lui-même dans une colonie. Les colons sont ainsi souvent protégés par l'armée lorsqu'ils lancent des attaques sur des Palestiniens ou encore bénéficient d'un accès facilité à des permis de port d'armes. Face à la multiplication des attaques de colons en Cisjordanie occupée, les États-Unis ont imposé, dans une décision assez rare pour être relevée, une interdiction de visa pour toute personne qui serait impliquée dans une agression contre des Palestiniens, sans parvenir néanmoins à endiguer un phénomène largement accepté par les autorités.
Distanciation des États-Unis
Le rassemblement de dimanche, organisé dans un centre de conférence bondé de Jérusalem selon les organisateurs, a en effet réuni des parlementaires de la coalition gouvernementale et des rabbins auprès de partisans de la colonisation, de familles de soldats engagés à Gaza et de représentants du sud. Une preuve de plus que cette frange extrémiste, longtemps minoritaire en Israël, continue de gagner du terrain, au risque d'approfondir encore les différends entre Israël et son allié américain. Ce dernier a, rapidement après le début de la guerre, considéré le rétrécissement du territoire de Gaza ou encore sa réoccupation par l'État hébreu comme une ligne rouge pour les scénarios d'après-guerre. Réagissant par le passé à des propos des deux plus virulents ministres de Benjamin Netanyahu, Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich, appelant à recoloniser l'enclave, le porte-parole du département d'État, Matthew Miller, avait alors qualifié leurs propos d'« irresponsables ». Alors que Washington prône pour « le jour d'après » la solution à deux États et la gestion des territoires occupés par une Autorité palestinienne « revitalisée » – une perspective rejetée par le gouvernement israélien –, certains participants à la conférence de dimanche chantaient « les accords d'Oslo sont morts, le peuple d'Israël vit ». Une référence aux accords censés déboucher sur la cohabitation pacifique des deux peuples, entérinés dès 1993 par le chef de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) Yasser Arafat et le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin, à la Maison-Blanche, devant le président américain Bill Clinton.
Mettant Benjamin Netanyahu en porte-à-faux, son ministre de la Sécurité nationale l'a exhorté dimanche à prendre des « décisions courageuses », tandis que le Premier ministre est sous pression américaine pour réduire l'intensité de son offensive à Gaza et augmenter l'entrée de l'aide humanitaire. Interrogé la veille sur la position de ses partisans face à la conférence organisée dimanche, le chef de cabinet a répondu qu'« ils avaient le droit d'avoir leurs opinions », affirmant que son positionnement sur la recolonisation de la bande de Gaza « n'avait pas changé ». Benjamin Netanyahu avait par le passé exprimé son opposition à une réoccupation de l'enclave, disant qu'elle n'était « pas un objectif réaliste ». L'opposition, avec laquelle l'administration de Joe Biden entretient des contacts en vue d'une éventuelle ère post-Netanyahu, a néanmoins tiré à boulets rouges sur le gouvernement. Son chef, Yaïr Lapid, a déploré que le cabinet ait « touché à nouveau le fond », qualifiant la conférence de « disgrâce » pour le Premier ministre et son parti, « qui fut autrefois au centre du camp national et est maintenant entraîné sans but par les extrémistes ». Membre du cabinet de guerre en tant qu'observateur, le ministre Gadi Eisenkot a, quant à lui, regretté que l'événement mine la solidarité nationale en « divisant la société israélienne et en accroissant la méfiance envers le gouvernement ». D'autres ont rappelé que plus d'une centaine d'otages sont encore retenus dans la bande de Gaza.
commentaires (7)
Il n'y a plus qu'une seule solution, les envoyer TOUS aux USA, leurs grands amis de toujours!!!La Palestine fait partie de notre région vivre ensemble, quelle que soit notre croyance. Nous devons tous travailler pour ce vivre ensemble, et ramener les Palestiniens chez eux.
Hélène SOMMA
23 h 17, le 03 février 2024