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Politique - Focus

À Beyrouth, Iraniens et Saoudiens confirment leur réconciliation, malgré la guerre

Le rapprochement entre les deux puissances rivales pourrait favoriser un déblocage interne au Liban.

À Beyrouth, Iraniens et Saoudiens confirment leur réconciliation, malgré la guerre

L’ambassadeur saoudien à Beyrouth Walid Boukhari recevant son homologue iranien Moujtaba Amani, lundi, à son domicile à Yarzé. Photo tirée du site X de l’ambassade saoudienne

« Nous nous sommes entendus sur notre affection à votre égard. » Lundi, après avoir reçu son homologue iranien Moujtaba Amani, l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Beyrouth Walid Boukhari semblait particulièrement satisfait. Voilà donc les Iraniens passés, aux yeux de Riyad, de « menace à la paix et la stabilité » à acteurs mus par leur affection pour les Libanais. Une transformation qui s’opère depuis l’accord de réconciliation entre Téhéran et Riyad scellé à Pékin en mars 2023 et qui semble avoir survécu à la déstabilisation régionale provoquée par la guerre du 7 octobre. Ce rapprochement pourrait favoriser un règlement de la crise présidentielle au Liban, sachant que tout déblocage nécessite le feu vert du Hezbollah, obligé local de l’Iran, mais aussi celui de l’Arabie saoudite, bailleur de fonds historique du pays.

Lorsque le Hamas a mené son opération Déluge d’al-Aqsa contre Israël, qui a répondu en lançant une guerre destructrice contre la bande de Gaza, l’axe pro-iranien a sérieusement compromis le processus de normalisation entre Tel-Aviv et Riyad, qui semblait alors à un stade avancé. Le conflit a également redistribué les cartes dans la région, enflammant de nombreux fronts dormants, en Irak, au Yémen et même à la frontière syro-jordanienne. Dès lors, l’avenir de l’accord de mars 2023 semblait incertain. « La visite de lundi est significative puisqu’elle montre que le processus de rapprochement demeure en vigueur, estime le politologue Karim Bitar. Cela indique qu’on pourrait se diriger vers un déblocage, puisqu’il suffit d’un dialogue en profondeur entre ces deux puissances régionales pour faire avancer les dossiers de la région. » L’Arabie saoudite cherche en effet à accroître son influence dans la région et devenir plus autonome vis-à-vis des États-Unis, tandis que l’Iran souhaite améliorer ses relations avec ses voisins pour s’éviter des ennuis en pleine confrontation indirecte avec Israël. Toutefois, cela ne signifie pas que la rivalité entre les deux puissances est enterrée, ou que leurs politiques étrangères sont désormais alignées. « Les Saoudiens ne ferment pas la porte à un accord avec Israël, affirme Michael Young, rédacteur en chef de Diwan, le blog du Malcolm H. Kerr Carnegie Middle East Center. Ils réclament cependant que les Israéliens fassent des concessions aux Palestiniens, et que les Américains leur offrent les garanties nécessaires pour se renforcer face à... l’Iran. »

« Une nouvelle étape pour la région »
Et pourtant, les Saoudiens coopèrent toujours avec les Iraniens, notamment sur le dossier yéménite. Après plusieurs années de guerre acharnée dans ce pays frontalier contre les rebelles houthis, soutenus par Téhéran, le royaume a dû se retirer progressivement dans l’objectif de trouver une issue politique, notamment grâce à l’accord de Pékin. Le groupe yéménite a toutefois fait de nouveau parler de lui après le début de la guerre à Gaza. Comme la majorité des acteurs proches de Téhéran, il a mis en application le principe « d’unité des fronts » pour soutenir le Hamas, attaquant des navires israéliens ou en route vers Israël et ralentissant considérablement le trafic maritime autour du détroit hautement stratégique de Bab el-Mandeb. Selon des fuites médiatiques, les houthis étaient soutenus dans ces opérations par le Hezbollah, auquel l’Iran aurait demandé d’amplifier sa présence au Yémen. De quoi provoquer l’ire des États-Unis, qui mènent des frappes à répétition contre les rebelles chiites yéménites, mais pas de l’Arabie saoudite. « Riyad est un peu en recul par rapport à ce qui se passe avec les houthis », remarque M. Young.

Autre fait intéressant, des médias syriens et panarabes indiquent qu’une délégation saoudienne s’est rendue à Damas la semaine dernière pour préparer la réouverture de l’ambassade du royaume en Syrie. Les relations diplomatiques entre les deux pays avaient été rompus il y a 12 ans suite à la répression sanglante des manifestants prodémocratie par le président Bachar el-Assad et des groupes affiliés à Téhéran (dont le Hezbollah). « Les Saoudiens et les Iraniens ont pris la décision stratégique, et non pas tactique, de coopérer, abonde M. Young. C’est une nouvelle étape pour la région. »

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Cette nouvelle étape va-t-elle se répercuter sur la scène libanaise ? « Probablement, répond l’analyste. Toutefois, il faut noter que malgré le rapprochement, il existe des tensions entre Riyad et le Hezbollah, notamment sur la question de l’implication présumée du groupe chiite dans la contrebande de Captagon vers les pays du Golfe. » Et d’ajouter : « Il peut également exister des frictions internes entre les acteurs affiliés à chacun des deux camps, ce qui pourrait compliquer leur coopération sur le dossier libanais. »

Ce n’est cependant pas ce qui ressort – du moins pour le moment – de l’activité diplomatique intense de Walid Boukhari. En effet, l’ambassadeur saoudien multiplie récemment les déplacements au nom du quintette impliqué dans le dossier libanais (France, États-Unis, Arabie saoudite, Qatar et Égypte), dans ce qui semble présager un retour du royaume sur la scène locale, après plusieurs années de retrait suite à la montée de l’influence iranienne. D’ailleurs, selon nos informations, lors de la rencontre entre MM. Boukhari et Amani, la présidentielle libanaise a été évoquée, Riyad ayant compris que les efforts du quintette seraient vains sans feu vert iranien – ce qu’il refusait d’admettre dans le passé. Toutefois, toujours selon nos informations, l’essentiel de l’entretien était consacré aux questions régionales. « La priorité pour les Saoudiens, c’est le Yémen », affirme M. Bitar, ce pays de la péninsule Arabique pouvant représenter un risque sécuritaire beaucoup plus grand pour le royaume que le Liban. Et Karim Bitar d’ajouter : « En partant de ce constat, on peut considérer que l’Arabie saoudite pourrait lâcher du lest sur la scène libanaise en échange de concessions iraniennes au Yémen. » À moins que les développements militaires au Liban ne chamboulent les priorités.

« Nous nous sommes entendus sur notre affection à votre égard. » Lundi, après avoir reçu son homologue iranien Moujtaba Amani, l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Beyrouth Walid Boukhari semblait particulièrement satisfait. Voilà donc les Iraniens passés, aux yeux de Riyad, de « menace à la paix et la stabilité » à acteurs mus par leur affection pour les Libanais....

commentaires (4)

Ah quel bien que ces bonnes nouvelles font au Liban ! Plus les parties se rapprochent , plus notre pays avance vers la tranquillité . La solution ne se trouve que dans la conciliation généralisée ! C'est encore un pas en avant , et très positif !

Chucri Abboud

13 h 01, le 25 janvier 2024

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Commentaires (4)

  • Ah quel bien que ces bonnes nouvelles font au Liban ! Plus les parties se rapprochent , plus notre pays avance vers la tranquillité . La solution ne se trouve que dans la conciliation généralisée ! C'est encore un pas en avant , et très positif !

    Chucri Abboud

    13 h 01, le 25 janvier 2024

  • L’Iran tirerait tous les bénéfices des accords avec les pays arabes qu’il continuerait à caresser dans le sens du poil afin de renflouer ses caisses pour ensuite leur faire la guerre avec leur propre argent soutiré. Ils ne le savent que trop, et on se demande comment ils envisagent s’en tirer une fois l’Iran remis en selle par leurs propres soins et grâce à leur naïveté sans borne.

    Sissi zayyat

    11 h 15, le 24 janvier 2024

  • Que l’Arabie Saoudite se rassure, aucune influence ne sera exercée par leur soin, tant que les proxy iraniens se trouvent dans la région. Ils sont là pour assurer sa mainmise sur toute la région et n’attendent qu’une chose, berner les pays arabes pour mieux les dominer. On sait ce que l’Iran fait des accords signés et de la parole donnée. Ils s’assoient dessus pour arriver à leur but par la violence, la seule langue qu’il maîtrise à la perfection. Vous voilà prévenus Messieurs les princes de la péninsule.

    Sissi zayyat

    11 h 09, le 24 janvier 2024

  • L'auteur de l'article aurait pu aller directement à la conclusion qui s'impose, à savoir : Business as usual !

    F. Oscar

    02 h 20, le 24 janvier 2024

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