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Idées - Commentaire

La plainte sud-africaine à la CIJ a déjà ébranlé Israël

Indépendamment de la décision de la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye, l’action intentée par l’Afrique du Sud contre Israël au titre de la Convention des Nations unies sur le génocide a des conséquences importantes tant pour Israël que pour l’ordre international.

La plainte sud-africaine à la CIJ a déjà ébranlé Israël

Vusimuzi Madonsela, ambassadeur d’Afrique du Sud aux Pays-Bas, et Ronald Lamola, ministre sud-africain de la Justice, se préparant à assister à une audience, l’Afrique du Sud ayant demandé à la cour d’indiquer des mesures concernant des violations présumées des droits de l’homme par Israël à Gaza, le 11 janvier courant à La Haye, aux Pays-Bas. Photo d’archives AFP

Indépendamment de la décision de la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye, l’action intentée par l’Afrique du Sud contre Israël au titre de la Convention des Nations unies sur le génocide a des conséquences importantes tant pour Israël que pour l’ordre international. La Convention des Nations unies sur le génocide définit le génocide comme un acte commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, non seulement par le meurtre, mais aussi par d’autres mesures, telles que « l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe » ; le fait d’« infliger délibérément au groupe des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle » ;« prendre des mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe » ; et « transférer de force des enfants du groupe à un autre groupe ».

Les éléments-clés du dossier sud-africain sont que les attaques d’Israël contre la population palestinienne de Gaza témoignent d’une intention génocidaire. Ils s’appuient sur ce que l’avocat sud-africain Tembeka Ngcukaitobi a décrit comme un « modèle de comportement clair » qui a dévasté de grandes parties de Gaza et entraîné la mort de plus de 24 000 civils, dont 40 % d’enfants, des milliers de personnes portées disparues et près de 60 000 blessées. Les habitants de Gaza sont également confrontés à une crise sanitaire aiguë et le territoire est « au bord de la famine », selon Cindy McCain, directrice du Programme alimentaire mondial. Israël a attaqué ou détruit des universités, des hôpitaux, des écoles, des églises, des tribunaux et même les archives historiques de Gaza. En tant que puissance occupante, Israël ne peut pas prétendre qu’il agit simplement en état de légitime défense, et même s’il le pouvait, l’ampleur des dommages causés aux Palestiniens, selon les Sud-Africains, ne peut pas être justifiée. La « caractéristique extraordinaire » de cette situation réside dans les déclarations faites par les dirigeants israéliens indiquant une intention génocidaire, qui ont été répétées par les soldats sur le terrain. Les actions d’Israël, poursuivent-ils, sont fondées sur la conviction que l’ennemi n’est pas seulement l’aile militaire du Hamas, mais le tissu même de la vie civile à Gaza, qu’Israël cherche désormais à éradiquer. Ce langage n’émane pas non plus des franges de la société israélienne ; il est désormais au cœur de la politique de l’État.

Portée symbolique

Une décision de la CIJ sur la question de savoir si un génocide est en cours à Gaza pourrait prendre des années. Toutefois, l’Afrique du Sud a demandé à la CIJ d’adopter des mesures provisoires pour mettre fin à l’effusion de sang et à la perspective d’un génocide. On ne peut sous-estimer le symbolisme du fait que c’est l’Afrique du Sud qui porte cette affaire devant la CIJ. L’Afrique du Sud est un pays qui ne connaît que trop bien les coûts d’une action internationale tardive en matière de violations des droits de l’homme. Son recours juridique montre clairement qu’elle considère que la violation croissante des droits des Palestiniens dans le cadre de ce qu’elle appelle un système d’« apartheid » en Israël et l’incapacité de la communauté internationale à faire quoi que ce soit à ce sujet sont des facteurs qui favorisent le carnage à Gaza et le sentiment d’impunité d’Israël.

Pour mémoire

Guerre Hamas-Israël : la rhétorique du génocide est-elle justifiée ?

Les Sud-Africains n’ont pas non plus oublié la complicité d’Israël avec l’ancien régime d’apartheid en Afrique du Sud. Une « alliance tacite » de l’époque de la guerre froide, pour reprendre le titre du livre de Sasha Polakow-Suransky sur les liens secrets entre Israël et l’Afrique du Sud. Cette relation s’est construite sur une coopération sécuritaire de plusieurs décennies et sur ce qu'il appelle une « idéologie du survivalisme des minorités », qui présentait les deux pays comme des avant-postes de la civilisation européenne menacés par des « barbares aux portes ». La fin du régime d’apartheid a mis un terme à cette alliance.

L’acte de solidarité de l’Afrique du Sud avec les Palestiniens a également mis en évidence le fossé entre certaines parties de l’Occident et le reste. La réponse de la Namibie à la décision de l’Allemagne de soutenir Israël dans l’affaire de la CIJ est révélatrice. Le gouvernement namibien a rappelé à l’Allemagne qu’elle avait commis le premier génocide du XXe siècle sur le sol namibien en massacrant 70 000 hereros et namas entre 1904 et 1908. La déclaration namibienne poursuit : « L’Allemagne ne peut pas exprimer moralement son engagement envers la Convention des Nations unies contre le génocide, y compris l’expiation du génocide en Namibie, tout en soutenant l’équivalent d’un holocauste et d’un génocide à Gaza. » En cette période d’agitation mondiale, le cas de l’Afrique du Sud a également des répercussions sur le système international mis en place après la Seconde Guerre mondiale. Si l’on a l’impression que des pays influents appliquent deux poids, deux mesures pour protéger leurs alliés, cela ébranlera les notions d’un ordre international fondé sur des règles. C’est précisément l’argument avancé par Stefan Talmon, un juriste allemand, qui a qualifié l’intervention de l’Allemagne au nom d’Israël dans l’affaire de Gaza de « précipitée » et, en partie, de « motivée par des considérations politiques ». Une telle approche, a-t-il averti, pourrait contraindre Berlin à adopter une interprétation plus restrictive de l’intention génocidaire que celle qu’elle a adoptée dans une autre affaire portée devant la CIJ, à savoir celle de la Gambie contre le Myanmar. Si cela se produisait, de nombreux pays du Sud y verraient un exemple d’équivoque en ce qui concerne la valeur de la vie humaine.

Sentiment d’exceptionnalisme

L’affaire de Gaza devant la CIJ a également contribué à élargir les fractures autour de la mythologie fondatrice d’Israël. Ce que beaucoup d’Occidentaux savent d’Israël, c’est qu’il a été créé après l’Holocauste, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, à une époque où le monde cherchait à établir des normes internationales pour empêcher que des crimes d’une telle ampleur ne se reproduisent. Comme l’a souligné l’intellectuel britannique Tony Judt dans un article paru en 2006 dans le quotidien israélien Haaretz, cela a conduit Israël à souligner avec insistance, pendant longtemps, « son isolement et son caractère unique, sa prétention à être à la fois victime et héros, (dans) le cadre de son appel David contre Goliath ». Ces caractéristiques ont contribué à créer un sentiment d’exceptionnalisme israélien fondé sur la souffrance du peuple juif. Cela a permis à ses dirigeants d’ignorer ce qu’ils faisaient subir aux Palestiniens, et une grande partie de la communauté internationale a suivi le mouvement. L’occupation et l’assujettissement des Palestiniens à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem – couvre-feux, points de contrôle, routes de contournement, démolition de maisons, expulsions, violences et assassinats ciblés, saisie de terres, arrestations et détentions arbitraires – ont été largement ignorés par les acteurs politiques mondiaux influents.Pourtant, aujourd’hui, la destruction de Gaza et les horribles pertes humaines sont scrutées par des millions de personnes à travers le monde, dont beaucoup sont descendues dans la rue pour exiger un cessez-le-feu immédiat. L’image soigneusement construite d’un Israël libéral édifié par les survivants de l’un des plus grands crimes de l’histoire s’est fracturée. Malgré les horreurs des attaques du 7 octobre, la mort et la dévastation à Gaza ont à nouveau mis en lumière les Palestiniens apatrides en tant que victimes. Le conflit a également redéfini l’image d’Israël. Son occupation et sa colonisation des terres palestiniennes, tout comme ses politiques d’apartheid, que même les juristes israéliens reconnaissent aujourd’hui, sont de plus en plus considérées comme les vestiges d’une époque coloniale révolue.

Quelle que soit la décision de la CIJ, il est difficile de voir comment le monde pourra fermer les yeux sur les excès d’un pays qui a souvent semblé être jugé selon des normes de comportement différentes de celles des autres.

Ce texte est la traduction synthétique d’un article disponible en anglais et en arabe sur le site du Carnegie MEC.

Directrice du Malcolm H. Kerr Carnegie Middle East Center

Indépendamment de la décision de la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye, l’action intentée par l’Afrique du Sud contre Israël au titre de la Convention des Nations unies sur le génocide a des conséquences importantes tant pour Israël que pour l’ordre international. La Convention des Nations unies sur le génocide définit le génocide comme un acte commis dans...
commentaires (6)

L'Allemagne en soutenant Israel soigne son complexe de la deuxième guerre mondiale aux detriments des palestiniens.En soutenant les ukrainiens, elle soigne egalement un autre compkexe : d'inferiorité celui lá car il lui est permis de participer ne serait ce qu'indirectement á une guerre.

Moi

08 h 08, le 23 janvier 2024

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Commentaires (6)

  • L'Allemagne en soutenant Israel soigne son complexe de la deuxième guerre mondiale aux detriments des palestiniens.En soutenant les ukrainiens, elle soigne egalement un autre compkexe : d'inferiorité celui lá car il lui est permis de participer ne serait ce qu'indirectement á une guerre.

    Moi

    08 h 08, le 23 janvier 2024

  • Que vive la Palestine. Un grand merci à l’Afrique du Sud.

    Mohamed Melhem

    22 h 09, le 21 janvier 2024

  • Entre temps le silence arabe est assourdissant .....

    hrychsted

    03 h 12, le 21 janvier 2024

  • Sasha Polankow-Suransky est un homme. Pourquoi L'Orient-Le Jour l'indentifie-t-il comme une femme?

    Fadoul Paul

    22 h 15, le 20 janvier 2024

  • Le lobby sioniste a fiché tout le monde occidental en premier lieu les USA et l’Angleterre. Gare à ceux qui ne respectent pas leurs directives. Tout le monde le sait et n’en parle pas. Justin Trudeau du Canada n’est pas dans l’engrenage tout comme la majorité des pays africains, une grande partie des pays asiatiques, presque tout les états arabes dont la religion se l’interdit, u partie non négligeable d’Amérique latine tout comme les pays d’Europe de l’Est, Biden est pris à la gorge et il ne peut pas s’en défaire. Raison pour laquelle il offre à Israël malgré son écœurement un soutien indefec

    Mohamed Melhem

    11 h 42, le 20 janvier 2024

  • La vaillante initiative de l'Afrique du Sud est malheureusement contrée par l'inertie des gouvernements Arabes. Plus, par le refus de nombre d'états Européens qui refusent, en arrogance, de reconnaître un génocide flagrant à Gaza et la West Bank. Messieurs de la dîte communauté Internationale, bougez vos hanches, et lavez bien vos yeux à l'eau froide. Libererez vous de l'empise des lobbies Sionistes qui vous dictent quoi faire...

    Raed Habib

    10 h 56, le 20 janvier 2024

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