Près de 17 ans après sa création par la résolution 1757 du Conseil de sécurité de l'ONU, adoptée en mai 2007 sous le chapitre VII, et environ 15 ans après le début de ses travaux en mars 2009, le Tribunal spécial pour Le Liban (TSL) basé près de La Haye (Pays-Bas) a fermé ses portes le 31 décembre 2023. Chargé d’enquêter sur l'assassinat perpétré le 14 février 2005 de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, qui avait fait 22 morts et 226 blessés, le TSL a cessé ses activités faute de financement. Tant les pays donateurs qui ont assuré 51 % de son coût d’environ 1 200 000 000 dollars, que le Liban qui en a payé 49 % ont cessé d’assurer les fonds nécessaires pour la poursuite de la procédure judiciaire.
En avril 2021, la Cour d’appel du TSL avait condamné Salim Jamil Ayache à la prison à perpétuité, avant de décréter en juin 2022 la même peine contre Hassan Habib Merhi et Hussein Hassan Oneïssi. Les trois hommes sont des membres présumés du Hezbollah. Le TSL s’était en outre déclaré compétent pour l’examen de trois dossiers connexes, en l’occurrence la tentative d'assassinat de Marwan Hamadé, député apparenté au Parti socialiste progressiste (PSP) le 1er octobre 2004, l'assassinat de Georges Haoui, ancien secrétaire général du Parti communiste libanais (juin 2005), et la tentative d’assassinat de l'ancien ministre Elias Murr (juillet 2005).
Ces décisions prises par le TSL sont-elles susceptibles d’être suivies après sa fermeture, alors que les coupables de l’attentat contre Rafic Hariri sont en fuite et que les affaires déclarées connexes n’ont pas été tranchées par le tribunal onusien ? Qu’adviendra-t-il par ailleurs aux dossiers pour lesquels ladite juridiction n’a pas déclaré sa compétence, tels les assassinats de Samir Kassir, journaliste engagé (2 juin 2005), et de l’ancien député et ex- PDG du quotidien an-Nahar Gebran Tuéni (12 décembre 2005), la tentative d’assassinat de May Chidiac, ex-députée et ancienne journaliste-vedette de la chaîne LBCI (25 septembre 2005), ainsi que les attentats contre Wissam Eid (25 janvier 2008) et Wissam el-Hassan (19 octobre 2012), deux officiers de renseignements des FSI ? L’Orient-Le Jour s’en est informé auprès de l’ancien vice-président du Tribunal spécial pour le Liban, Ralph Riachy.
Alors que le TSL a été clôturé, la sentence frappant les auteurs de l’assassinat de Rafic Hariri pourrait-elle être exécutée ?
Même si le TSL a cessé ses activités, ses décisions demeurent en vigueur. Le tribunal a une existence juridique, puisque la résolution 1757 qui l’a créé n’a pas été abrogée. Les Nations unies devront donc mettre en place une instance provisoire appelée à remplir les fonctions « résiduelles » du TSL, pour lesquelles celui-ci reste compétent. Comme précédent, un mécanisme international avait été créé en 2011 par l’ONU pour exercer les fonctions du Tribunal pénal international pour la Yougoslavie (TPIY) et du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) après leur clôture.
Le tribunal qui devrait être mis sur pied pour le Liban, ne serait pas coûteux, contrairement au TSL. Il se chargerait de superviser l’exécution de la condamnation des coupables et de leurs mandats d’arrêt, en faisant notamment pression sur les autorités nationales et internationales pour qu’elles les appréhendent. Au cas où l’Etat libanais ou d’autres Etats localisent et arrêtent les criminels, conformément aux mandats d’Interpol lancés à leur encontre par le TSL, ils devront les remettre au tribunal « résiduel », plutôt que de les retenir et les juger au niveau national. A noter que toute personne condamnée in absentia a droit, si elle se présente à la justice, à faire reprendre son procès à zéro, ou à le ramener au stade procédural (enquêtes, première instance, appel…) qu’elle souhaite. Le tribunal que devra créer l’ONU aura alors à veiller à la procédure à suivre.
Qu’adviendra-t-il des dossiers pour lesquels le TSL a reconnu sa compétence et le lien de connexion avec le dossier Hariri ?
Le TSL avait en effet entamé l’étude des dossiers des attentats contre Marwan Hamadé, Samir Kassir et Gebran Tuéni. Le procureur auprès du tribunal avait ainsi émis en 2011 un acte d’accusation qu’il avait transféré au juge de la mise en état, Daniel Fransen. Une première audience du procès avait ensuite été fixée pour juin 2021, mais elle ne s’était pas tenue, parce que le tribunal était déjà en manque de fonds.
Ce sera au mécanisme résiduel d’organiser la poursuite du procès, d’autant que le TSL n'a pas de décidé d’ôter sa mainmise sur les dossiers précités. Même une loi nationale qui serait votée pour permettre au Liban de s’en saisir serait invalide. D’autant que la justice libanaise ne peut ravir la compétence du TSL, une instance créée sous le chapitre VII. En tout état de cause, le droit consacre le principe de la supériorité des conventions internationales sur les lois internes.
Quid des affaires pour lesquelles le TSL n’a pas déclaré sa compétence ?
Avant d’être soumises au TSL pour qu'il se prononce sur sa compétence, ces affaires avaient déjà été saisies par la justice libanaise. Tant que le tribunal onusien ne s’est pas déclaré compétent pour les traiter, celle-ci a la latitude de les examiner. Le gouvernement libanais pourrait, s’il le veut, charger le ministre sortant de la Justice (Henri Khoury) de demander au procureur général près de la Cour de cassation (Ghassan Oueidate), qu’il requière de l’instance internationale « résiduelle » des informations, documents et autres éléments de preuve utiles aux investigations locales. Pour l’heure, les pièces qui ont pu être recueillies par le TSL sont archivées au siège des Nations unies, et devraient été regroupées plus tard au tribunal « résiduel ». Le procureur près la Cour de cassation pourrait, s’il le souhaite, mener des enquêtes sans attendre l’autorisation des Nations unies, ni l’initiative de l’Etat.
commentaires (4)
-NATIONS UNIES ET LIBAN, -VICTIMES DU CONSENSUS. -SANS DES VETOS L,AGREMENT, -SE PARALYSE L,ONU. -QUAND AU MALHEUREUX LIBAN, -SES VETOS SONT LES BARBUS.
LA LIBRE EXPRESSION
14 h 53, le 15 janvier 2024