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Idées - Point de vue

Comment réformer l’économie libanaise dans un contexte de crises multiples ?

Comment réformer l’économie libanaise dans un contexte de crises multiples ?

Le Grand Sérail, à Beyrouth. Photo sous license Creative Commons


Le Liban a souvent été caractérisé comme un pays d’opportunités manquées, mais il pourrait également être décrit comme un pays de crises récurrentes et de réformes bloquées. À chaque nouvelle crise, l’attention des décideurs politiques, des politiciens, voire des citoyens se détourne vers cette crise. Par exemple, en quelques mois, l’attention s’est déplacée de la vacance présidentielle à la gouvernance de la banque centrale, puis aux postes vacants du Conseil militaire. Ces développements, y compris la guerre qui sévit à Gaza et à notre frontière sud, ont déplacé la focale, du moins temporairement, de la réforme économique vers ces questions jugées plus urgentes.

Or en dépit de ces crises, ou plutôt à cause d’elles et de leur fréquence, un accent accru devrait être mis sur la réforme économique et financière, et en particulier sur les réformes structurelles qui ne varient pas en fonction des circonstances. Ces réformes devraient alléger le fardeau de ces crises et ouvrir la voie à une économie plus résiliente, moins sujette aux chocs externes.

Les problèmes récurrents ont ralenti le processus de réforme, compliquant davantage la situation économique déjà précaire. L’impact de ces crises récurrentes a été aggravé par l’absence de progrès significatifs au cours des dernières années. Mettre en œuvre des réformes économiques et structurelles dans des circonstances extrêmement difficiles est un défi majeur, en particulier sur le plan législatif, lorsque le Parlement est fragmenté et aucun bloc parlementaire n’est suffisamment important pour prendre des décisions difficiles. De plus, la réticence du gouvernement à soutenir pleinement le programme de réformes économiques et financières qu’il a approuvé il y a plus de 18 mois contribue à marginaliser les promoteurs de ce dernier dans le débat public.

Méfiance

L’opinion n’a pas davantage contribué à changer les choses de ce point de vue, peut-être en raison de la nature du système politique actuel. Dans les démocraties pleinement fonctionnelles, les citoyens mobilisent leurs représentants pour entreprendre les mesures économiques qui pourraient affecter la vie de chacun, et les questions économiques occupent une place centrale dans les campagnes électorales. Cependant, la démocratie au Liban est entachée en raison du système politico-confessionnel existant. La plupart des électeurs restent toujours loyaux à leurs leaders communautaires, même parfois au détriment de leurs propres intérêts. Par conséquent, les politiciens ne sont pas tellement jugés en fonction de leur position sur des questions économiques cruciales, mais plutôt sur leur capacité à défendre vigoureusement les intérêts de leurs communautés respectives.

Au Liban, le processus de prise de décision est long et difficile, et les accords sur des questions importantes sont conclus uniquement lorsque chacune des parties y voit un bénéfice direct. Dans une démocratie consensuelle de cette nature, ces accords ne sont pas nécessairement dans le meilleur intérêt du pays, mais plutôt le résultat d’un processus de négociation prolongé et complexe, engendrant des coûts élevés en raison du temps perdu.

Un autre obstacle au processus de réforme au Liban est le manque de confiance entre les citoyens et les responsables, non seulement en ce qui concerne les questions économiques, mais dans tous les domaines. La majorité des Libanais doutent de chaque action entreprise par le gouvernement, dans une culture dominante qui s’oppose à toute proposition émanant d’un responsable gouvernemental, indépendamment de son mérite ou de l’identité de l’officiel. Et certains médias exacerbent cette culture de la méfiance, rendant parfois les discussions sur les politiques économiques plus populistes que celles dans les cercles politiques. Or, comme le rappelle la science économique, l’efficacité des politiques dépend fortement de leur crédibilité. Sans laquelle même des politiques bien conçues peuvent échouer à atteindre leurs objectifs.

Commencer quelque part

Cette culture de la méfiance se traduit par une rupture du contrat social (voir notre tribune du 16 décembre 2023 dans ces colonnes). Les gouvernements successifs portent une responsabilité certaine dans l’érosion de cette confiance, et il incombe aux autorités de la restaurer. Renforcer la transparence et la responsabilité, faire respecter les lois et lutter contre la corruption sont des mesures, entre autres, qui devraient être entreprises pour réparer la relation entre les citoyens et les gouvernants.

Dans cet objectif, le gouvernement a récemment approuvé la création de plusieurs comités travaillant sur des domaines critiques, notamment : la réforme du système fiscal moderne et équitable ; la réforme du secteur public et des entreprises d’État ; la modernisation du système informatique dans les institutions gouvernementales ; la modernisation de la loi sur la comptabilité publique ; et enfin la réforme du secteur des douanes. Cependant, en raison des capacités financières et logistiques limitées des ministères concernés, la mise en œuvre de ces réformes prendra un temps considérable.

Partout dans le monde, mais plus encore au Liban, essayer de résoudre tous les problèmes simultanément, comme le demandent certains politiciens, est impossible. Par conséquent, mettre en œuvre des réformes fondamentales dans des domaines spécifiques prioritaires ne devrait pas être subordonné à la mise en œuvre de toutes les autres réformes. Comme nous l’avons déjà exposé dans la tribune précitée, ces réformes ne peuvent pas attendre que tous les autres problèmes structurels, tels que la lutte contre la corruption ou le changement du système politique, soient résolus. Cela n’implique pas de négliger ces questions, mais plutôt de les aborder sérieusement et simultanément.

L’ampleur et la multitude des problèmes auxquels nous sommes confrontés sont sans précédent, et il y a un intérêt mutuel à adopter des politiques économiques nécessaires au sein de priorités bien définies. Lier toute mesure de réforme à un problème particulier à l’exécution de toutes les autres réformes met en danger le processus dans son ensemble. Il est crucial de commencer quelque part et de s’efforcer de remettre le Liban sur la bonne voie.

Vice-président sortant du Conseil des ministres.

Le Liban a souvent été caractérisé comme un pays d’opportunités manquées, mais il pourrait également être décrit comme un pays de crises récurrentes et de réformes bloquées. À chaque nouvelle crise, l’attention des décideurs politiques, des politiciens, voire des citoyens se détourne vers cette crise. Par exemple, en quelques mois, l’attention s’est déplacée de...

commentaires (3)

Excellent

M.E

04 h 30, le 16 janvier 2024

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Commentaires (3)

  • Excellent

    M.E

    04 h 30, le 16 janvier 2024

  • - L,AUTO PROCLAME STRATEGE, -MILITAIRE ET POLITIQUE, -DONT NOUS SOUFFRONS DES MANEGES, -EST AUSSI ECONOMIQUE. -PAS BESOIN DE CONNAISSANCES, -IL A TOUTES LES ESSENCES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 49, le 15 janvier 2024

  • Quel beau plaidoyer reformiste M. Chami. Mais la realite est beaucoup plus prosaique : les mafieux du pouvoir politique (dont vous faites maintenant partie) sabotent tout projet de reforme qui menacerait leur bout de gras. C.a.d. l'edifice de corruption a tous les niveaux de l'etat.

    Michel Trad

    14 h 01, le 13 janvier 2024

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