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Culture - Portrait

Clara Couturet : J’aurais pu, moi aussi, être une « Éthiopienne du Liban »

Son rôle d’employée de maison étrangère au Liban dans le film « Dirty Difficult Dangerous » de Wissam Charaf – qui sort en salles à Beyrouth ce jeudi 11 janvier – lui vaut d’être dans la sélection officielle des révélations féminines des Césars 2024. En attendant le verdict de l’académie du cinéma, « L’Orient-Le Jour » a voulu en savoir plus sur cette comédienne française montante.

Clara Couturet : J’aurais pu, moi aussi, être une « Éthiopienne du Liban »

Clara Couturet est dans la sélection officielle des révélations des Césars 2024. Photo Margaux Roy

Son jeu, tout en retenue, en silences, en palpitations ténues, correspond parfaitement à la densité et à la poésie du cinéma de Wissam Charaf. Et l’on retrouve cette même retenue, ces mêmes silences éloquents dans l’entretien téléphonique que Clara Couturet a accordé à L’Orient-Le Jour à la veille de la sortie beyrouthine de Dirty, Difficult, Dangerous, le dernier film du réalisateur libanais, dans lequel elle tient le rôle féminin principal aux côtés de l’acteur libano-égyptien Ziad Jallad. Ainsi que de Rifaat Tarabay et Darina el-Joundi.

Un long-métrage de fiction, une tendre romance entre deux parias mêlant le réalisme social à un onirisme poétique relevé d’un zeste de fantastique, qui sort en salles à Beyrouth ce jeudi 11 janvier, après avoir été présenté à la Mostra de Venise en 2022 où il a décroché le prix Europa Cinemas.

Une image du film « Dirty Difficult Dangerous » de Wissam Charaf. Photo Martin Rit

Silhouette gracile, visage de madone noire, la jeune comédienne y incarne une employée de maison éthiopienne au Liban. Une exilée économique, soumise au régime de la kafala* et aux délires vampiriques de son employeur, qui va rencontrer l’amour, dans une Beyrouth stratifiée et exsangue, en la personne d’un jeune réfugié syrien au corps criblé d’éclats d’obus.

Une connexion émotionnelle naturelle

Si elle y a mis toute sa sensibilité frémissante, ce rôle est très éloigné du vécu personnel de Clara Couturet. Car la jeune femme aux origines éthiopiennes, adoptée à l’âge de 6 ans par un couple français, a grandi dans le confort d’une existence privilégiée d’Occidentale. Elle n’a pas connu la misère qui pousse à l’exil nombre de ses compatriotes d’origine. Même si, à l’âge de 19 ans, accompagnée de son père adoptif, elle s’est rendue dans son pays natal à la recherche de sa famille biologique. Un retour aux sources qui lui permettra de découvrir « une société qui, en dépit de son extrême pauvreté, est très hospitalière, généreuse et partageuse ». De retour en France, elle renoncera, pour un temps, à ses cours d’actorat à Paris pour s’immerger dans le monde du travail, dans le but de contribuer à réunir la somme nécessaire à la construction d’une maison à sa famille éthiopienne.

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« Pour autant, je ne savais rien de la situation des travailleuses éthiopiennes au Liban. C’est une autre histoire sur la réalité difficile des gens de mon pays que j’ai découverte par le biais de ce film. D’abord par Wissam (Charaf), avec qui Ziad (Jallad) et moi avions eu beaucoup de discussions préliminaires, ensuite de visu, durant les dix jours d’immersion sur place », dit-elle avec la réserve qui la caractérise. Une « situation» dont on perçoit, même dans ses non-dits, qu’elle l’a heurtée. Et dont elle dira sobrement qu’« en termes de connexion émotionnelle, cela a été naturel pour moi d’appréhender ce que vivent les Éthiopiennes employées de maison au Liban, de même que les réfugiés syriens, vu que cela aurait très bien pu m’arriver à moi aussi ». Même si elle s’empresse d’ajouter qu’elle a aussi été impressionnée par la « dignité dont font preuve les Libanais par rapport à tout ce qu’ils ont subi ».

 « Le travail de Wissam Charaf est incroyable ! »

Grâce à ce film libanais produit en France et tourné entre la Corse et le Liban, la jeune comédienne figure aujourd’hui dans la sélection officielle des Césars 2024, dans la catégorie des révélations féminines.

Un espoir de consécration de son talent pour cette intermittente du spectacle, montée il y a une dizaine d’années à Paris pour y poursuivre son rêve de cinéma. Après une première formation au Laboratoire de l’acteur « avec une super comédienne et professeure, Célia Granier-Deffer », suivie d’un cursus à l’école Mille visages, elle se lance dans la figuration. Puis viennent les rôles dans des courts-métrages, dont Punch It d’Olivier Perrier (2018) et Mehret va à l’Est de Cécil Chaignot en 2022. Jusqu’au tournage de ce premier long avec Wissam Charaf.

Une image du film avec l’acteur Ziad Jallad, dans Beyrouth. Photo Martin Rit

Le réalisateur libanais cherchait au départ « une Éthiopienne vivant au Liban. Mais la préparation se passant durant la période du Covid-19, le casting s'est fait par vidéos. La directrice du casting Sandie Galan Perez a reçu une centaine de vidéos d'Europe, d'Ethiopie et du Moyen-Orient, parmi lequelles elle repère Clara Couturet. Son choix est vite fait. « J’ai juste dû reprendre le dialecte éthiopien que je n’avais plus parlé depuis l’âge de 6 ans et apprendre à parler phonétiquement l’arabe libanais », dit l'actrice qui ne cache pas son admiration envers le réalisateur libanais. « Son travail scénaristique est incroyable. Et ce qu’il amène également en termes de mise en scène et d’image, avec notamment le chef opérateur Martin Rit et Camille Bertin, l’est tout autant », s’enthousiasme-t-elle. Elle ne tarit pas non plus d’éloges sur son partenaire Ziad Jallad, dont elle loue, outre le talent d’acteur « primé au Red Sea Festival, sa sensibilité et sa très grande intelligence émotionnelle », et sur la musique de Zeid Hamdan qui a signé la bande-son et les chansons éthiopiennes de Dirty Difficult Dangerous.

Pour Clara Couturet, ce film, à l’opposé de son titre, aura été une expérience douce, belle et enrichissante. « Il a ravivé ma passion du métier et m’a donné une assurance nouvelle dans mes capacités d’actrice », confie celle qui clame sa prédilection « pour le cinéma d’auteur engagé comme celui de Wissam Charaf ». Tout en avouant n’être, paradoxalement, ni du genre à établir des plans de carrière ni à se projeter dans l’avenir. « Je préfère me laisser porter par ce qui m’arrive. » Souhaitons-lui d’avoir une bonne étoile…

*Un système qui donne entre autres aux Libanais le droit de confisquer les passeports de leurs employés de maison étrangers durant toute la période du contrat de travail.

Son jeu, tout en retenue, en silences, en palpitations ténues, correspond parfaitement à la densité et à la poésie du cinéma de Wissam Charaf. Et l’on retrouve cette même retenue, ces mêmes silences éloquents dans l’entretien téléphonique que Clara Couturet a accordé à L’Orient-Le Jour à la veille de la sortie beyrouthine de Dirty, Difficult, Dangerous, le dernier film du...

commentaires (2)

La plupart des gens dans cette région du monde trouvent normal de confisquer le passeport de leurs employés. "Égalité, liberté, fraternité" n'étant pas leur priorité contrairement à leur propre image et leur confort.

Le borgne

13 h 04, le 10 janvier 2024

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Commentaires (2)

  • La plupart des gens dans cette région du monde trouvent normal de confisquer le passeport de leurs employés. "Égalité, liberté, fraternité" n'étant pas leur priorité contrairement à leur propre image et leur confort.

    Le borgne

    13 h 04, le 10 janvier 2024

  • Bof....

    Marie Claude

    08 h 29, le 10 janvier 2024

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