« Hassan Nasrallah, tu n'auras plus aucun défenseur si le Liban est entraîné dans la guerre ». C'est ce message qui s'est affiché dimanche soir sur les écrans de l'Aéroport international de Beyrouth (AIB), en lieu et place des habituels horaires d'arrivée et de départ des avions, après un piratage des écrans d'annonce confirmé par la Middle East Airlines. Un message adressé au secrétaire général du Hezbollah alors que les échanges de tirs se sont faits encore plus violents entre le parti chiite et Israël le long de la frontière après son derniers discours, vendredi après-midi.
Dans ce discours, Hassan Nasrallah promettait de répondre à l'assassinat à Beyrouth du numéro deux du Hamas, Saleh el-Arouri, ce qu'il a fait dans une « première riposte » contre une base militaire du nord d'Israël samedi.
« Au nom du seigneur et du peuple, l'Aéroport international de Beyrouth n'est pas l'aéroport du Hezbollah ni de l'Iran. Hassan Nasrallah, tu n'auras plus aucun défenseur si le Liban est entraîné dans une guerre dont tu assumeras la responsabilité et les conséquences. Hezbollah, nous n'entrerons pas en guerre au nom d'un autre. Vous avez fait sauter notre port après y avoir fait entrer des armes. Que l'aéroport soit libéré du joug du mini-Etat », ont pu lire les voyageurs en transit et, peu après, les Libanais sur les images largement partagées sur les réseaux sociaux.
Au-dessus du message, qui fait référence au parti chiite et à son parrain régional, la République islamique d'Iran, ainsi qu'à la double explosion au port de Beyrouth, le 4 août 2020, deux logos. Celui de la page « Saheb el-Kalam », un groupe non-identifié qui critique à tout va le Hezbollah sur les réseaux sociaux, et celui des « Jnoud el-Rabb », les « Soldats du Seigneur », un groupe extrémiste chrétien de Beyrouth. Saheb el-Kalam sur le réseau X a partagé des photos des écrans piratés à l'AIB. Dans une vidéo publiée sur la page Facebook des « Soldats du Seigneur », deux hommes ont toutefois démenti toute implication de leur groupe dans la cyberattaque à l'AIB, accusant les personnes derrière ce piratage de chercher à « semer la dissension ».
Le Hezbollah est régulièrement accusé par ses détracteurs d'importer des armes via l'AIB, qui est situé dans le sud de Beyrouth, fief du parti chiite.
Piratage du réseau FIDS
C’est le réseau du FIDS, le Flight Information Display System, qui affiche les informations de vol dans l’aéroport qui a été piraté, a-t-on appris d'une source à la Middle East Airlines. Contacté, le bureau de presse de la compagnie aérienne nous a renvoyé vers la direction de l’Aviation civile. Fadi el-Hassan, son directeur, n’a pas répondu à nos appels.
Dimanche en soirée, tous les écrans d'information de l'AIB avaient fini par être éteints, selon un de nos journalistes sur place, Raphaël Abdelnour.
Selon plusieurs médias, des messages sont également parvenus sur le téléphone de certaines personnes, envoyés soi-disant au nom des Forces de sécurité intérieure et de la MEA, appelant les passagers ayant des vols prévus à l'AIB à « suivre les instructions des forces de sécurité ». Une source au sein de la MEA a toutefois démenti l'envoi de tout communiqué. « La compagnie notifie les passagers par e-mail ou SMS en cas d'incident ou d'urgence, mais n'a rien envoyé » sur les écrans de l'aéroport. « Les vols se poursuivent normalement malgré une panne technique qui a touché le système lié à la gestion des bagages, qui est en train d'être réparé ».
D'après l'Agence nationale d'Information (Ani, officielle), l'unité des Forces de sécurité intérieure chargée des inspections à l'AIB a mis en place un plan alternatif au système BHS pour l'inspection des bagages, après que celui-ci a été perturbé par la cyberattaque. Ce plan alternatif entend « assurer une circulation normale des passagers », en coordination avec tous les autres organes de sécurité et administratifs de l'aéroport.
Notre journaliste sur place a fait état d'une certaine confusion dans le hall où les passagers doivent récupérer leurs bagages, faute d'affichage approprié.
Dans un entretien au média « Liban 24 », le ministre sortant des Travaux publics, Ali Hamiyé, a annoncé que des « réunions d'urgence » ont lieu avec les responsables administratifs, sécuritaires et techniques de l'aéroport « pour que les choses rentrent dans l'ordre et afin de comprendre comment le piratage a eu lieu ». « Nous poursuivrons l'enquête jusqu'au bout », a ajouté le ministre.
Selon une source à la MEA souhaitant rester anonyme, d’autres incidents de ce genre ont été répertoriés. Elle rapporte notamment le fait que sur le site FlightRadar24 qui donne des informations de vols, un avion assurant la liaison entre Milan et Tel Aviv ce dimanche a été annoncé comme « détourné vers Beyrouth ». Ce genre de piratage s'est produit à plusieurs reprises depuis le début de la guerre à Gaza, selon cette source, à chaque fois avec des avions à destination d’Israël. « Comme FlightRadar24 n’est pas un site officiel, personne n’a corrigé le tir », constate la source. Selon elle, il est difficile de lier formellement ce piratage avec celui du réseau de FIDS et celui des SMS.
le(s) hackeur(s) serai(en)t-il(s) israélien(s)?
19 h 47, le 08 janvier 2024