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Culture - Art et Conflit

Michel Abou Khalil : le théâtre libanais en période de conflit, des Rahbani à Mouawad en passant par Chouchou

Sa publication « Art et conflit : l’impact du théâtre au Liban » (2022, éditions Slatvine Érudition) explore un sujet d’une brûlante actualité qu’il a développé lors d’une conférence à New York.  

Michel Abou Khalil : le théâtre libanais en période de conflit, des Rahbani à Mouawad en passant par Chouchou

Michel Abou Khalil : « L’art peut sensibiliser, donner une voix aux plus vulnérables et une autonomisation. » Photo Jean Margelisch

Avec l’intensification des conflits, nous assistons à une floraison d’œuvres romanesques, cinématographiques, picturales, musicales et théâtrales qui exposent la violence, la souffrance, la résilience, l’émigration et le processus de réconciliation. Ces œuvres ne sont-elles pas devenues un médium dans les récits des opprimés ? « L’art peut sensibiliser, donner une voix aux plus vulnérables et une certaine autonomie pour les droits des femmes », plaide Michel Abou Khalil lors d’un entretien accordé à L’Orient-Le Jour à New York. 

L’ ancien acteur de théâtre dans un Beyrouth en pleine guerre civile ajoute qu’en « période de conflit, l’art fournit un moyen d’expression transculturel de communication et joue un important rôle dans la capacité de la société à faire face et à comprendre la tourmente ». Abou Khalil a également occupé le poste d’attaché culturel près l’ambassade de Suisse dans la capitale libanaise. Le soutien de celle-ci à des projets culturels ayant comme but de contribuer à la réconciliation l’a amené à s’interroger sur l’efficacité et les limites de la pratique théâtrale dans la promotion de la paix et des droits humains. Il dirige aujourd’hui l’association Swiss Made Culture qui célèbre la Suisse culturelle en dialogue avec le monde. Invité à New York par Nathalie Anglès, directrice de Residency Unlimited (RU), une organisation artistique à but non lucratif à Brooklyn qui soutient l’art contemporain à travers son programme de résidence unique et ses programmes publics, l’auteur a présenté, lors d’une conférence, le « fruit de (son) doctorat » en littérature française à l’Université arabe de Beyrouth.

D’une brûlante actualité, la thèse de Michel Abou Khalil sur le thème « Art et conflit : l’impact du théâtre au Liban », publiée en 2022 à Genève aux éditions Slatvine Erudition, avec une magnifique préface de Pascal Couchepin, ancien président de la Confédération Suisse, est « une étude innovante qui porte sur le processus de réconciliation, la transformation et la résolution des conflits par l’art. Le principal apport de ce travail est la découverte du théâtre de transformation sociale qui consacre la rencontre entre l’art de la scène, la psychothérapie de groupe et l’humanitaire dans le Liban contemporain », souligne l’auteur qui nous fait découvrir de nouveaux horizons et capte avec justesse l’histoire exhaustive du théâtre libanais.

Dans cet ouvrage, dédié « aux rêves de la jeunesse libanaise, espoir de notre beau pays ! », la préface de Pascal Couchepin résume parfaitement « l’intéressante rétrospective » de cette recherche. « Les amis du Liban, ils sont nombreux, scrutent avec attention tous les signes d’espoir qui se manifestent dans la société libanaise. La population de ce pays… a prouvé sa résilience, sa capacité, dans une société dramatique, d’inventer du neuf, de l’inédit. Le Liban vit, il revivra, mais comment ? »  interroge-t-il.

« Michel Abou Khalil, fils de cette terre, ancien acteur, a été amené par les circonstances à approfondir les rapports de son art et d’une société en conflit à Beyrouth et à New York où il a obtenu des grades académiques dans le domaine du théâtre et plus généralement de la culture. Sa thèse de doctorat approfondit spécifiquement le champ des moyens qu’apporte le théâtre pour résoudre des conflits. C’est une somme sur ce qui a déjà été présenté au grand public. M. Abou Khalil prolonge cette intéressante rétrospective par des réflexions novatrices sur ce thème. Le temps avait effacé le souvenir concret de certains auteurs de l’Antiquité lus au temps du collège », écrit Pascal Couchepin, qui avoue par ailleurs avoir eu l’envie, suite à la lecture de l’ouvrage susmentionné, de reprendre Aristophane et ses pièces portant sur des problèmes de la politique de son époque et de remarquer ainsi que les écrivains de théâtre ont depuis toujours eu le courage d’aborder des thèmes d’actualité brûlante et, le talent aidant, d’en faire des pièces qui nous touchent aujourd’hui encore.  « Notre auteur cite et interroge beaucoup d’œuvres qui n’ont pas abandonné la conviction que des changements nécessaires sont possibles grâce à l’évolution des mentalités.... À titre personnel, je le remercie de m’avoir fait découvrir une réalité libanaise que, malgré mes voyages fréquents dans ce pays, je n’avais perçue que de loin », conclut le président Couchepin.

Rétrospective exhaustive du théâtre libanais

Voulue comme une rétrospective exhaustive de l’histoire du théâtre libanais, cette publication est fondée principalement sur des entrevues, des transcriptions de performances et d’improvisation en langue arabe, ainsi que sur des vidéos de représentations, entres autres. L’étude, qui expose les règles régissant l’art dramatique classique et le nouveau champ d’investigation du théâtre de transformation, servira d’outil de référence aux chercheurs dans ce domaine.

Pour son auteur, Art et conflit « s’inscrit dans l’ancrage sociétal du théâtre au Liban depuis sa naissance jusqu’à la fin de la guerre civile libanaise (1975-1990). Le socle technique référentiel a couvert trois champs spécifiques et complémentaires : l’efficacité de la purge cathartique, la relation complexe entre amnésie et travail de mémoire, et les divers ressorts psychologiques, techniques et politiques permettant au théâtre d’être un acteur du processus de réconciliation et de transformation sociale. La catharsis représente l’élément constitutif fondamental de la création théâtrale, depuis la voix de Feyrouz dans les pièces des frères Rahbani et les chansons de Chouchou sur le destin du peuple opprimé jusqu’à Wajdi Mouawad, lequel renoue dans ses pièces avec la catharsis aristotélicienne, et à Zeina Daccache dans ses « dramathérapies ». Dans un pays hanté par la guerre et l’amnésie comme le Liban, la dialectique entre histoire et mémoire imprègne une grande partie de la production théâtrale », écrit avec justesse l’auteur.

Michel Abou Khalil affirme que la « spécificité » du théâtre libanais est son ancrage sociétal. « Il a toujours été hybride, à la fois enraciné en Orient et ouvert au monde à l’image du Liban, c’est aussi le choc de la rencontre entre Orient et Occident qui est un bouleversement identitaire. »

Cette étude s’achève avec un questionnement auquel seul l’avenir pourra répondre : « Pour guérir la société libanaise de ses blessures et traumatismes, pouvons-nous croire à la théorie de Nietzsche : est-ce l’art est vraiment tel un magicien “qui sauve et qui guérit ?” »   

Avec l’intensification des conflits, nous assistons à une floraison d’œuvres romanesques, cinématographiques, picturales, musicales et théâtrales qui exposent la violence, la souffrance, la résilience, l’émigration et le processus de réconciliation. Ces œuvres ne sont-elles pas devenues un médium dans les récits des opprimés ? « L’art peut sensibiliser, donner une voix aux...

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