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Économie - Secteur foncier

Les prix de l’immobilier à Beyrouth restent stables malgré la guerre

La guerre au Liban-Sud fragilise le marché immobilier dans la capitale. Malgré une demande au ralenti et de rares transactions, les propriétaires ne paniquent pas et les prix ne bougent pas.

Les prix de l’immobilier à Beyrouth restent stables malgré la guerre

Vue sur Beyrouth. Photo G.B.

Voilà plus de deux mois que les bombardements sont quotidiens et meurtriers à la frontière sud du Liban. Une situation qui affecte le secteur de l’immobilier à Beyrouth. L’appétit des acheteurs et des locataires a en effet été refroidi par la psychose généralisée d’un débordement du conflit au-delà de la zone frontalière. « Le marché est devenu un point d’interrogation. Il y a peu de demandes et les acheteurs sont rares », confirme ainsi Christian Baz, PDG de l'agence immobilière Baz Real Estate.

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Le constat est identique pour Antoine Abou Rizk, consultant immobilier. « Le marché est dans le dur. Ce n’est plus une question de crise économique et financière. Désormais, nous parlons d’une guerre, de bombardements et de morts. C’est normal que les acheteurs réfléchissent dix fois avant de se décider. » En effet, dès le 9 octobre, deux jours après le début de la guerre Hamas-Israël, les courtiers immobiliers ont constaté un net ralentissement de leur activité, avec un pic atteint lors des quelques jours qui ont précédé le premier discours du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, le 3 novembre.

Remettre la décision d’achat à plus tard

Même si les bombardements se concentrent jusqu’à présent le long de la frontière libano-israélienne, la demande pour l’achat d’appartements a drastiquement baissé. Beaucoup d’acheteurs potentiels se sont mis en retrait et ont choisi de remettre leur décision à plus tard. « Nous avions une cliente à la recherche d’un appartement pour environ 500 000 dollars. Après plusieurs visites, elle avait trouvé le bien qui lui plaisait et était prête à l’acheter. Mais avec la guerre, et les premiers bombardements au Sud, son mari l’a convaincue d’attendre. Je n’ai plus de nouvelles depuis deux mois », détaille Chantal Mille Arida, de l’agence immobilière B in Beirut.

Assurément, les visites d’appartements sont plus espacées. « J’ai en exclusivité des appartements haut de gamme à vendre à partir de 6 000 dollars le m² au centre-ville. Avant octobre, j’avais des visites chaque semaine. La dernière date exactement du 7 octobre. Depuis ce jour, aucun client ne m’a demandé de les voir. Les produits de luxe sont négativement touchés par la situation actuelle. La clientèle fortunée se fait discrète », déplore Antoine Abou Rizk. Toutefois, le marché n’est pas totalement à l’arrêt. « J’ai deux clients avec un budget entre 1,5 et 2 millions de dollars qui veulent toujours acheter. Ils vivent et travaillent ici et hors du pays. Ils n’ont pas annulé leur décision d’acquérir un appartement », déclare Chantal Mille Arida. Quelques ventes ont été confirmées ces dernières semaines. Dans la plupart des cas, il s’agit de transactions entamées avant le 7 octobre.

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Lina* cherchait depuis 2022 à vendre son appartement familial de trois chambres à coucher en contre-bas de la place Sassine. « Après avoir réajusté notre prix cet été, nous avons eu un client très intéressé fin septembre. Nous nous sommes mis d’accord début octobre, juste avant la guerre à Gaza, pour 210 000 dollars. La signature et le paiement étaient prévus pour la fin octobre. Après ce qui se passait au Liban-Sud, nous pensions qu’il allait changer d’avis. Mais au contraire, il a confirmé sa volonté d’acheter. Au final, nous avons été payés le 30 octobre », raconte Lina. Le nouveau propriétaire a déjà entrepris les travaux de rénovation de l’appartement dans l’espoir d’y habiter au plus vite. « La vie continue », conclut-elle.

Vue sur Achrafieh. Photo J.R.B.

Certains acheteurs demeurent donc actifs et enchaînent les visites. À la recherche d’un appartement depuis plusieurs mois, Paul*, qui travaille pour plusieurs organisations internationales, est en train de finaliser l’achat à Achrafieh d’un bien de 120 m² datant des années 1940 en parfait état. « Après avoir visité de nombreuses options, j’ai eu un coup de cœur il y a quelques semaines. Ce qui se passe au Sud ne m’a pas freiné. J’investis pour avoir des revenus locatifs. Malgré ce qui se passe, cela reste le bon moment d’acheter puisque les prix sont encore abordables par rapport à (avant) la crise de 2019. »

Les propriétaires ne paniquent pas

À ce jour, les valeurs des appartements à Beyrouth restent stables. « Les prix n’ont pas bougé depuis le 7 octobre. Les vendeurs campent sur leur tarif de cet été », confirme Chantal Mille Arida. Malgré les bombardements au Liban-Sud, les propriétaires ne paniquent pas. N’étant pas endettés, beaucoup pensent qu’il n’est pas opportun de baisser leur prix à ce stade de la situation. « Au moment de la signature, l’acheteur a bien essayé de renégocier le prix défini auparavant, mais c’était pour la forme. Nous n’avons pas cédé », se souvient Lina.

Parallèlement, le dicton qui dit qu’il faut acheter au son du canon encourage les opportunistes à dénicher de bonnes affaires. « Mais ça bloque », déplore Zaher Boustany, directeur général de l’agence immobilière At Home in Beirut. « J’ai un client qui offre 1,2 million de dollars pour l’achat d’un appartement dans un beau quartier de Beyrouth. Aujourd’hui, il maintient son offre déjà faite avant le 7 octobre. De son côté, le vendeur réclame 1,5 million de dollars et ne veut pas céder », détaille le consultant. « Je sais que ce n’est pas le moment de vendre. Bien que je sois flexible sur le prix, je ne fais pas brûler mon appartement non plus », explique Karim*, propriétaire d’un large logement dans l’une des rues les plus chères de Beyrouth.

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Les cas où le prix a été revu à la baisse sont plutôt rares. « La valeur d’un appartement vient de faire le yoyo en l’espace de quelques semaines. Affiché à 450 000 dollars en août dernier, le propriétaire a demandé 10 % de plus à partir de septembre. Mais, avec la guerre à Gaza, il a fait marche arrière. Il vient de signer à 450 000 dollars », dévoile un agent immobilier qui a préféré témoigner de manière anonyme.

Le secteur locatif affecté

Le secteur locatif a lui aussi été affecté par le contexte sécuritaire. Dès le week-end des 7 et 8 octobre 2023, les diplomates de nombreuses ambassades se sont retirés du marché. Certains ont quitté définitivement le pays et leur logement. D’autres ne sont plus à Beyrouth mais n’ont pas encore cassé leur contrat de location. « Après un été animé, depuis deux mois, c’est calme », constate Chantal Mille Arida. Les bombardements israéliens sur les villages frontaliers ont néanmoins entraîné une nouvelle demande : les combats ont en effet poussé plus de 55 000 personnes à fuir leur domicile, selon un récent rapport du ministère libanais de la Santé citant l’Organisation internationale pour les migrations des Nations unies.

Bien que la majorité des familles fuyant le Liban-Sud ait cherché des locations à court terme dans la banlieue est de Beyrouth, quelques unes d'entre elles ayant les moyens ont trouvé un logement à Beyrouth, entre autres, dans les immeubles d’appartements meublés à Hamra. « Mais la demande la plus importante a été dans les régions autour de Aley, de Broummana et de Jbeil », énumère Antoine Abou Rizk.

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Toutefois, le marché locatif ne s’est pas résumé à la demande locale originaire du Sud. « Il y a trois semaines, j’ai enfin trouvé un locataire pour mon appartement meublé de 150 m². Avec les événements du Sud et le départ des diplomates, j’avais perdu espoir de le louer. Il était sur le marché depuis l’été 2022. J’avais eu plein de visites mais sans succès. Finalement, j’ai signé un contrat à 1 000 dollars mensuels pour six mois, renouvelable, avec un Européen qui travaille à Beyrouth. J’ai obtenu le loyer que je voulais avant le 7 octobre. Je n’ai pas changé mon prix malgré la situation », raconte Pierre*, copropriétaire d’un appartement à Achrafieh.

*Les prénoms ont été modifiés à la demande des interlocuteurs.

Voilà plus de deux mois que les bombardements sont quotidiens et meurtriers à la frontière sud du Liban. Une situation qui affecte le secteur de l’immobilier à Beyrouth. L’appétit des acheteurs et des locataires a en effet été refroidi par la psychose généralisée d’un débordement du conflit au-delà de la zone frontalière. « Le marché est devenu un point...

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